Le 24 décembre 2024, le Pape François a ouvert la Porte Sainte de la Basilique Saint-Pierre au Vatican, inaugurant le Jubilé Ordinaire. Pendant l’Année sainte, l’Église est appelée à porter un témoignage fructueux du message de l’amour de Dieu adressé à tous. L’AEFJN a donc également pour mandat de proclamer un tel message, conformément à sa mission et à son objectif spécifique, à savoir : la justice économique. C’est un angle particulier qui résonne avec le cœur de la tradition biblique du Jubilé, décrite principalement dans Lévitique 25, qui se concentre sur les thèmes de la restauration, de la justice, de la liberté et de la souveraineté de Dieu sur la terre et le peuple.

Le Jubilé biblique : un signe d’espoir
Le Jubilé biblique, le signe ultime de la miséricorde divine, impliquait une profonde conversion sociale, une transformation visant à restaurer la dignité humaine, l’égalité et la justice économique parmi les peuples. Cette tradition biblique est particulièrement significative et inspirante alors que nous nous demandons comment être des signes d’espérance aujourd’hui. En effet, les thèmes du Jubilé biblique restent très pertinents dans un monde dominé par un système économique et financier injuste et insoutenable : un système qui crée des inégalités et de l’exclusion, détruit les écosystèmes, perturbe dangereusement le climat et pousse le monde au bord d’une guerre mondiale totale.

Nous nous rendons compte que les exigences du Jubilé biblique représentent des mesures cruciales pour restaurer l’espoir dans le monde. L’institution du Jubilé biblique visait à rééquilibrer la société par quatre actions principales :
1.Restauration des terres : les propriétés vendues ou transférées sont restituées à leurs propriétaires d’origine, ce qui permet aux familles de conserver leur source de revenus et leur identité socioculturelle.

2.Le repos pour la terre : cela signifiait la liberté des systèmes d’accumulation et d’exploitation, tout en promouvant le partage de ce que la providence divine fournit pour les besoins fondamentaux de tous. Lorsque le peu disponible est partagé, il y en a assez pour tout le monde.

3.Libération des esclaves : ceux qui s’étaient vendus comme esclaves à cause de dettes ont été libérés, réaffirmant la dignité et la liberté de chaque personne et appelant à la fraternité au sein d’une société égalitaire.
4.Remise des dettes : les dettes ont été annulées, permettant à ceux qui étaient tombés dans la pauvreté de recommencer à zéro sans avoir à supporter le fardeau des obligations financières. Cela a souligné l’importance de la miséricorde et de la solidarité, offrant à chacun une chance pour un nouveau départ.

Ces mesures n’étaient pas seulement économiques mais avaient une signification théologique profonde : Dieu en tant que véritable propriétaire de la terre et libérateur du peuple de Dieu. En fin de compte, il s’agissait de revenir au rêve de Dieu pour l’humanité : un rêve dont l’humanité s’écarte lorsqu’elle construit une société fondée sur l’accumulation de richesses et de ressources, sur la domination et sur la violence contre les autres, souvent masquée par la justification religieuse. En revanche, le Jubilé envisage une société alternative fondée sur le partage, le service, la non-violence et une relation avec Dieu qui entend le cri des pauvres.

Dans l’Évangile de Luc (4:16-21), Jésus, entrant dans la synagogue de Nazareth, lit un passage du prophète Isaïe et déclare solennellement : « Aujourd’hui cette Écriture a été accomplie dans votre ouïe. » Ce moment, qui inaugure Son ministère public, est riche de sens et se rattache directement au concept du Jubilé biblique décrit dans le livre du Lévitique (chapitre 25), où chaque cinquantième année a été proclamée « année de grâce », c’est-à-dire une période de libération, de restauration et de renouveau.

Le texte prophétique que Jésus lit – « apporter de bonnes nouvelles aux pauvres, proclamer la libération aux captifs […] proclamer l’année de la faveur du Seigneur » – fait explicitement référence à l’année du Jubilé. À cette époque ordonnée par Dieu, la société israélienne était appelée à rétablir la justice : les esclaves étaient libérés, les dettes étaient annulées et les terres étaient restituées aux propriétaires légitimes.

Jésus se présente ainsi comme l’accomplissement vivant de cette proclamation. Son ministère devient le signe d’un nouveau Jubilé, non plus limité à un temps ou à un peuple précis, mais ouvert à tous, sans limites de temps ou d’espace. « L’année de grâce » devient maintenant une condition permanente offerte à chaque personne : aux pauvres, aux opprimés, aux prisonniers, à ceux qui vivent dans l’ombre du désespoir.

La libération proclamée par Jésus n’est pas seulement sociale, mais spirituelle et totale : elle concerne le cœur humain et sa relation avec Dieu et avec les autres.

Dans cette perspective, l’épisode de Nazareth n’est pas seulement une annonce, mais l’inauguration d’une nouvelle ère : un Jubilé permanent fondé sur la miséricorde, la justice et l’espoir. Jésus, incarnant l’année de grâce, appelle à un changement radical de perspective dans laquelle le salut se manifeste comme un don, la guérison et la réconciliation. À la lumière de l’Évangile, nous pouvons alors voir le Jubilé comme un processus qui, commençant par la grâce du pardon, met en branle des voies concrètes de justice réparatrice et de transformation sociale.

Ces thèmes bibliques sont étroitement liés à la vision et à la mission de l’AEFJN. La justice économique s’aligne parfaitement avec l’accent mis par l’AEFJN sur la défense d’une économie mondiale juste, en particulier en Afrique. La tradition du Jubilé appelle à l’annulation des dettes et à la restauration des terres, dans le but de rééquilibrer les inégalités sociales et de promouvoir l’équité économique. Cela témoigne directement du travail de l’AEFJN, qui s’emploie activement à lutter contre les systèmes économiques injustes qui perpétuent les inégalités, l’accaparement des terres et l’exploitation, en déplaçant les populations autochtones en Afrique. Le thème de la terre, et son importance dans les cultures et les spiritualités africaines, au sein d’un réseau de relations centrées sur l’amour de Dieu, est au cœur même de notre Plan stratégique. La restauration des terres et des communautés, dans l’intérêt du bien commun et de la préservation de notre maison commune, est à la fois une perspective biblique et la vision de l’AEFJN.

L’année jubilaire 2025, en particulier, comprend un appel à prendre soin de la Terre, en écho à l’encyclique du pape François Laudato Si’, qui plaide en faveur de l’écologie intégrale. Pour l’AEFJN, la justice environnementale est essentielle, en particulier face aux défis tels que le changement climatique et la dégradation de l’environnement qui affectent de manière disproportionnée les nations africaines. L’accent mis par le Jubilé sur la justice réparatrice pour la Terre s’inscrit dans le cadre du travail de l’AEFJN visant à promouvoir des pratiques agricoles durables et à résister aux industries d’extraction nuisibles qui exploitent les ressources naturelles de l’Afrique.

En plaidant pour la fin de l’exploitation systémique, en particulier dans des domaines tels que l’accaparement des terres et les droits sociaux et environnementaux, l’AEFJN incarne l’appel du Jubilé à la libération. Cet aspect de la liberté et de la libération de la servitude économique est lié aux campagnes de l’AEFJN qui se concentrent sur la remise en question des politiques de dette insoutenables et des pratiques commerciales déloyales imposées aux nations africaines