Farmer irrigating vegetables in Mali ©Tingju Zhu/IFPRI

Face aux crises environnementales croissantes Il n’a jamais été aussi nécessaire qu’aujourd’hui de mettre en œuvre une agriculture plus durable. C’est une chose de se rendre compte que nous sommes confrontés à un problème mondial qui exige que tout le monde soit sur pied de guerre, et c’en est une autre d’accorder à la question l’attention honnête qu’elle mérite. Alors que l’Afrique et d’autres pays du tiers monde sont encore au seuil de l’insécurité alimentaire, les entreprises agro-industrielles sont plus enclines à exploiter à leur avantage les lacunes des mécanismes internationaux. Dans cet esprit, AEFJN dénonce les efforts systématiques et bien huilés des entreprises agro-industrielles pour inciter les acteurs du développement à détourner à leur propre profit les finances attribuées à la cause de la sécurité alimentaire. C’est une situation qui remet constamment en question nos valeurs éthiques et nous force à les réexaminer.

Les petits exploitants agricoles fournissent 80 % de la nourriture consommée dans le monde. Cela signifie en clair que les petits agriculteurs constituent le secteur le plus déterminant dans l’effort de production alimentaire, et donc la pierre angulaire de la sécurité alimentaire mondiale.  Dans le même ordre d’idées, ce secteur des petits fermiers peut constituer le salut de l’économie rurale africaine. Il est capable de combler les rêves des jeunes générations en quête d’emplois dans cette Afrique toujours croissante. C’est un antidote à la migration urbaine et à la migration dangereuse vers les pays étrangers à la recherche de pâturages plus verts et moins accessibles. A leur crédit, les petits exploitants agricoles utilisent des méthodes de production alimentaire qui sont respectueuses de l’environnement et durables.

En outre, les données disponibles montrent que la plupart des denrées alimentaires parviennent à leurs consommateurs par l’intermédiaire des marchés régionaux et non par le biais des supermarchés.  Si toutes ces situations sont connues, pourquoi donc ce secteur, qui a le plus grand potentiel pour assurer la sécurité alimentaire mondiale dans les plus brefs délais, est-il alors le moins soutenu par les acteurs du développement ? En conséquence, il n’est pas surprenant que ceux qui nourrissent les autres soient eux-mêmes affamés et démunis. Avec l’augmentation de l’âge moyen des petits paysans et la migration des jeunes des communautés rurales africaines vers les villes d’Europe et d’Amérique, l’Afrique est peut-être sur le point de connaître une crise alimentaire encore plus grave.

Dans un autre ordre d’idées, signalons aussi ce refrain que l’on entend régulièrement dans plusieurs espaces publics selon lequel assurer la sécurité alimentaire pour tous serait essentiellement le résultat d’un choix politique.  Jusqu’à présent, cette rengaine est restée sans écho dans le milieu des petits exploitants agricoles. Par contre elle est très vivante dans les symposiums et les réunions politiques. Pour être vraiment efficace, ce choix politique doit s’adresser aux petits exploitants agricoles en tant que moteur de la campagne pour la sécurité alimentaire en Afrique en vue d’assurer leur soutien et leur développement.  En attendant l’aube de cet espoir, il convient de souligner que certains éléments font partie intégrante du résultat souhaité.  Certains d’entre eux sont énumérés ci-dessous.

Avant toute autre chose, il doit y avoir un choix politique intentionnel de démystifier le discours des petits exploitants agricoles par opposition à la modernisation de l’agriculture. La modernisation de l’agriculture a été interprétée tacitement et à tort comme synonyme de déplacement de main-d’œuvre et apport de capitaux. Cette logique renforce l’industrialisation de l’agriculture et empêche les petits exploitants agricoles d’être suffisamment pris en compte dans les espaces politiques publics. Dans l’état actuel des choses, il devient de plus en plus difficile de défendre politiquement les petits exploitants agricoles face à la propagande autoritaire des agro-industriels. La conséquence collatérale de cette logique est l’incapacité des petits exploitants agricoles à accéder au financement du développement agricole en raison des conditions impossibles qui leur sont imposées. AEFJN estime que le fait de mettre les petits exploitants agricoles en contact avec les sources de financement et aussi la mécanisation de leur agriculture leur donnera le coup de pouce nécessaire.

L’accès aux marchés et le développement de la chaîne de valeur demeurent à la fois le fléau et l’avenir des petits exploitants agricoles africains. Les petits paysans ont besoin d’un marché débarrassé des intermédiaires qui récoltent le fruit de leur travail. Ils doivent être bien guidés pour sortir des sentiers battus de l’agriculture de subsistance et entrer dans l’arène de l’entreprenariat. Cette innovation est l’état d’esprit nécessaire pour conduire les petits exploitants agricoles au succès via la place forte et sûre de la durabilité.

Il est impératif de formuler des politiques et des programmes nationaux et internationaux en suivant l’approche du système alimentaire et de la culture alimentaire. Suivant cette approche, il n’est pas difficile de voir l’intérêt réel des agro-industriels. Les données disponibles suggèrent que l’approche des petits exploitants agricoles en matière de production alimentaire est plus résiliente au climat. En d’autres termes, il est nécessaire d’insister sur l’intégration de l’approche système/culture alimentaire comme alternative à ce qui est actuellement disponible dans les différents traités bilatéraux d’investissement (TBI), l’Union africaine (UA), l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et l’Union européenne (UE).

En fin de compte, il est devenu essentiel d’examiner de plus près l’intérêt réel des agro-industriels et de le mettre à nu pour découvrir vraiment ce qu’il est. C’est une recherche qui va sûrement bouleverser l’espace éthique fragile de ce qui fait que les gouvernements préfèrent l’investissement des agro-industries à celui des petits exploitants agricoles, du bien commun et de l’écosystème. Un examen minutieux de la question petits paysans versus les agro-industriels ajustera et renforcera ce fameux choix politique, plutôt nébuleux, pour notre bien à tous et la survie de la terre – notre maison commune. C’est maintenant le temps…Le jour « J » vient de commencer !

Chika Onyejiuwa

AEFJN