Photo : Diapositive PowerPoint de la présentation du Dr. Hussein T. Wario sur le thème « Qu’est-ce que le pastoralisme ? 7 raisons pour lesquelles le pastoralisme joue un rôle clé pour un avenir meilleur (FAO 2021) : 1. Il diversifie la production alimentaire. 2. Il agit contre le changement climatique. 3. Il sert de système d’alerte précoce pour les pandémies. 4. Il renforce la main-d’œuvre et offre des possibilités d’emploi. 5. Il réduit la concurrence entre les denrées alimentaires et les aliments pour animaux. 6. Il protège la diversité animale. 7. Il contribue à la croissance des forêts.

             Le 23 mai 2024, la Commission Justice, Paix et Intégrité de la Création (JPIC) de la Conférence épiscopale de Tanzanie (TEC) et JPIC – Roma ont collaboré avec l’Alliance Maasai de Solidarité Internationale (MISA) pour organiser un Webinaire sur le lien entre Laudato Si’ et le pastoralisme. Cet événement visait à remettre en question les idées fausses selon lesquelles le pastoralisme serait « arriéré » et à montrer comment il contribue à l’économie nationale, à la sécurité alimentaire, à la protection de l’environnement et à l’héritage culturel. Dans le cadre de la semaine Laudato Si’ (19-26 mai), le webinaire établit un lien entre le pastoralisme et l’encyclique sociale du pape François sur l’environnement, afin de montrer comment les connaissances indigènes des communautés pastorales peuvent nous aider à parvenir à une écologie culturelle durable. Le webinaire comprend également une présentation scientifique des pratiques des pasteurs afin de montrer les avantages et la durabilité du pastoralisme comme moyen de vivre avec la nature et de la conserver. À partir de ce cadre théologique, pastoral et scientifique, le webinaire a également abordé la question de la négociation de l’utilisation des terres en tant qu’exemple pour soutenir les pasteurs et les petits exploitants agricoles dans le cadre de nos efforts en faveur d’une conservation de la nature respectueuse de l’homme. Étant donné que le mode de vie des pasteurs est mobile, le webinaire a été l’occasion de repenser le développement au-delà de ses associations « territoriales » ou « stationnaires » en promouvant l’utilisation polyvalente des terres et la fourniture mobile de services sociaux.

                Dr. Camillus Kassala, directeur de JPIC – TEC, a présenté le débat introductif sur le thème « Linking Pastoralism with Laudato Si’ : Discerner l’écologie culturelle avec la culture indigène ». Suivant le cycle pastoral voir-juger-agir, sa présentation s’est concentrée sur le problème du système économique dominant basé sur le consumérisme qui diminue la variété culturelle des modes de production et de préparation de la nourriture par le biais de la commercialisation. Les communautés pastorales telles que les Maasai en Tanzanie sont considérées comme un exemple où le gouvernement a fait pression sur elles pour qu’elles abandonnent leurs pâturages au profit d’investisseurs extractivistes dont les activités commerciales entraînent une altération néfaste des écosystèmes. La dégradation de la terre, de la nature et de la culture par l’imposition d’un mode de vie moderne dominant a conduit à traiter la terre comme une simple marchandise plutôt que comme un don de Dieu et des ancêtres. En réponse à ce problème, le Dr Kassala a proposé qu’un dialogue avec les communautés autochtones en tant que partenaires principaux soit engagé chaque fois que des projets proposés ont un impact sur leurs terres. Il a également suggéré que les systèmes de connaissances indigènes des communautés pastorales soient intégrés comme moyen de conserver la nature dans le cadre du développement humain intégral. Il est donc nécessaire de plaider en faveur du pastoralisme auprès des autorités gouvernementales, ce qui peut être soutenu par la pastorale sociale de l’Église et les réflexions théologiques sur la libération éco-pastorale.

                Après la discussion du Dr. Kassala, le Dr Hussein T. Wario, directeur exécutif du Centre pour la recherche et le développement dans les zones arides (CRDD) au Kenya, a fait une présentation sur le thème « Qu’est-ce que le pastoralisme ? Le pastoralisme et la conservation de la nature ». En tant qu’identité culturelle distincte de certaines communautés indigènes, le pastoralisme prospère dans des environnements incertains où l’agriculture n’est pas viable. Néanmoins, il permet de produire des aliments de haute qualité et d’autres produits (lait, viande, fourrure, peau, etc.) lorsque le bétail consomme des plantes qui ne peuvent pas être mangées par l’homme. En tant que moyen de subsistance durable dans les zones arides, le Dr Wario a déclaré que le pastoralisme contribue aux économies locales et nationales grâce à la production de viande et de lait, comme dans le cas du Soudan, du Kenya, de la Somalie et de l’Éthiopie, qui sont de grands exportateurs de produits issus de l’élevage pastoral. Il a également précisé que le pastoralisme existe aussi en Europe, comme chez les éleveurs de rennes samis en Norvège, en Finlande et en Suède. Dans ces cas, les éleveurs sont confrontés à des défis liés à l’absence de politiques qui les soutiennent, aux idées reçues sur leur « retard », à la dépossession des terres et à l’assimilation à la culture dominante. Face à ces problèmes, M. Wario a insisté sur la nécessité de soutenir le pastoralisme, car il peut coexister avec d’autres utilisations multiples des terres et contribuer à l’économie dans son ensemble. Il a en outre déclaré que les pasteurs devraient recevoir un consentement préalable, libre et éclairé (FPIC) chaque fois que des politiques affectent leur mode de vie.

                La troisième intervenante, Glory Mdindile, chargée de plaidoyer au Consortium Mbozi, Ileje et Isangati (MIICO), a partagé son expérience sur le thème « Soutenir les éleveurs et les agriculteurs dans la négociation de l’utilisation des terres : le programme de conservation de la nature en Tanzanie ». Sa présentation a abordé les différentes approches du MIICO qui ont aidé les éleveurs et les agriculteurs à obtenir une propriété foncière légale afin de lutter contre l’accaparement des terres et d’apporter un changement systémique dans la gouvernance. Elle a mentionné huit approches visant à faciliter le dialogue entre les éleveurs et les agriculteurs : 1) l’approche du forum foncier communautaire, 2) l’approche du suivi de la responsabilité sociale sur la terre (SAMLAND), 3) l’approche des réunions de dialogue entre les parties prenantes, 4) l’approche des alliances et des coalitions, 5) l’approche de l’assainissement de l’utilisation des terres, 6) l’autorisation des zones d’utilisation des terres convenues, 7) l’approche du changement d’utilisation des terres et 8) l’approche des réunions de réconciliation en cas de conflit. Grâce à ces méthodes de négociation, MIICO a pu résoudre un total de 5 484 hectares de conflits fonciers en réconciliant les agriculteurs et les éleveurs dans 68 zones de pâturage (72 124 ha) en Tanzanie, en obtenant un certificat de droit coutumier d’occupation (CCRO) pour 60 villages. En guise d’action concrète, Mme Mdindile a recommandé de sensibiliser les éleveurs à l’achat de terres pour les pâturages, au respect des lois villageoises, à la planification et à la sensibilisation sur la localisation des futures zones de pâturage, et de plaider pour que le gouvernement attribue des ranchs aux éleveurs dans chaque village.

Dr. Lawrence S. Pedregosa

Chargé de Plaidoyer et Communication d’AEFJN