La gestion

L’Assemblée environnementale des Nations unies a ouvert une période de consultation sur la gouvernance des ressources minérales en juin 2020[1].  Cette consultation est l’occasion d’élaborer un traité international exigeant de tous les pays qu’ils gèrent mieux les ressources minérales dans le respect des droits de l’homme et de l’environnement. Le développement des télécommunications, de la technologie, des transports, de l’industrie et de l’économie est largement dû à la pertinence actuelle des minéraux, qui sont devenus dans la plupart des cas une arme à double tranchant. D’une part, les ressources minérales sont une source de revenus économiques pour les pays (en développement) riches en ressources minérales. Mais d’autre part, la facilité à obtenir de l’argent grâce à l’exportation de ressources minérales a créé une dépendance économique pour ces pays, les empêchant de diversifier leur économie. En général, les ressources minérales n’ont pas été une bénédiction pour les pays en développement, mais sont devenues la désormais célèbre malédiction des ressources naturelles, provoquant une mauvaise gouvernance marquée par des crimes environnementaux et des violations des droits de l’homme[2].

Les minéraux sont sans aucun doute nécessaires au développement économique. Une bonne gestion de ces ressources minérales peut contribuer positivement à la réalisation des objectifs de développement durable (SDG) des Nations unies, à condition que leur extraction soit effectuée dans le respect des normes environnementales, en évaluant les risques liés à leur extraction et en mettant en œuvre les mesures nécessaires pour réparer les dommages causés. De même, les minéraux contribueront à la réalisation des SDG si leur utilisation est mise au service d’une technologie propre qui ne génère pas d’émissions de CO2 dans l’atmosphère et qui est mise au service du développement intégral des personnes[3].

Les besoins

Premièrement, la bonne gouvernance des ressources minières doit avant tout inclure des normes relatives au respect de l’environnement et garantir la mise en œuvre de mesures qui protègent la santé des personnes tout au long du processus d’extraction, de lavage, de fusion, de raffinage et de traitement des minéraux[4].  Les normes de bonne gouvernance doivent exiger des évaluations rigoureuses de l’impact sur l’environnement et la santé humaine et exiger l’utilisation des techniques d’extraction les moins polluantes. Il incombe aux gouvernements d’établir une législation contraignante exigeant des mesures appropriées, mais les sociétés minières ont l’obligation de prendre des mesures pour contrer l’impact environnemental pendant le processus d’extraction, comme le traitement des eaux usées, le contrôle de la qualité de l’air et la gestion des déchets générés par l’exploitation.[5]

Deuxièmement, outre les droits environnementaux, la gouvernance des ressources minérales exige une diligence raisonnable qui requiert le respect des droits de l’homme tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Il existe un certain nombre de conflits répétés dans l’extraction des ressources minérales qui nécessitent des efforts pour garantir les droits de l’homme des travailleurs et des communautés touchées. Ces droits comprennent les droits du travail, les salaires équitables, les droits sociaux et de santé, les mesures compensatoires pour les communautés locales touchées et la lutte contre l’exploitation des enfants. Dans de nombreux cas, les communautés sont abandonnées par les autorités locales et les entreprises oublient leurs obligations de compensation lorsque l’activité minière provoque le déplacement des communautés. En outre, l’engagement économique des entreprises extractives doit être proportionnel aux bénéfices obtenus annuellement. Nous ne pouvons pas perdre de vue le fait que les communautés locales sont les propriétaires légitimes de la terre et donc des richesses minérales du sous-sol, en particulier en Afrique[6].

Troisièmement, la diligence raisonnable exige des progrès dans la responsabilisation des entreprises afin qu’elles assument leur responsabilité en matière de transparence des transactions économiques effectuées. La responsabilisation ne suffit pas dans les pays où les sociétés minières ont leur siège ; la transparence exige de comparer les paiements effectués tout au long de la chaîne d’approvisionnement : contrats, marchés publics, prospection, extraction, fonderies, taxes, commissions, intermédiaires, etc. De cette manière, il sera possible d’avoir une meilleure image des dépenses réelles de l’entreprise. En outre, cette transparence permettra de lutter contre la corruption et de promouvoir le paiement équitable des impôts selon le modèle présenté par l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives, qui vise à établir une norme mondiale de bonne gouvernance des ressources pétrolières, gazières et minérales[7].

Ce qui nous manque

Le taux actuel de croissance économique et la demande de ressources minérales ne sont pas viables au rythme actuel. Il est donc nécessaire de changer le paradigme de la façon dont nous comprenons une économie verte et circulaire dans les sociétés développées. Il est nécessaire d’adopter une législation contraignante sur la gouvernance des ressources minérales qui soit plus restrictive, qui contribue à rendre les politiques d’extraction plus durables et qui soutienne la circularité de l’économie. Les politiques volontaires et les lignes directrices conseillant les bonnes pratiques dans l’industrie extractive, en particulier dans le secteur minier formel, ne suffisent pas, en oubliant l’exploitation minière artisanale sur laquelle vivent des millions de personnes dans les zones minières. La bonne gouvernance des ressources minérales exige d’inclure tous les secteurs de l’exploitation minière formelle et artisanale, ainsi que d’encourager le passage d’une économie de transition énergétique à une économie verte et circulaire.

La transformation de l’économie exige l’engagement des gouvernements, des investisseurs, de l’industrie extractive et de la société civile pour parvenir à une gestion durable des ressources minérales. La législation internationale doit assurer le contrôle environnemental des opérations minières par les gouvernements du monde entier. Aucune mine ne doit être abandonnée en raison d’une faible rentabilité ou de l’épuisement des ressources minérales. Toutes les mines doivent faire l’objet d’un plan de restauration environnementale avec l’obligation de réhabiliter les sites contaminés et des groupes de travail doivent être mis en place pour déterminer les mécanismes d’extraction les moins polluants et ayant le moins d’impact sur la santé humaine.

Les pays développés ne peuvent pas se contenter de consommer de manière responsable, de vivre dans des économies vertes et d’abandonner les pays riches en ressources à leur sort environnemental. La circularité de l’économie exige que tous fassent l’effort de se comporter de manière écologiquement responsable. Les pays économiquement développés sont responsables de ce qui se passe dans les pays du Sud et doivent fournir les moyens humains et matériels pour permettre une gouvernance des ressources naturelles qui contribue à créer une économie verte et circulaire au service des populations, respectueuse des droits de l’homme et de l’environnement. Une économie qui profite à tous et pas seulement aux investisseurs et aux entreprises.

José Luis Gutiérrez Aranda

AEFJN Policy Officer

[1] Consultations on the Implementation of the UN Environment Assembly Resolution on Mineral Resource Governance June 2020 https://cdn-au.mailsnd.com/58163/rrxOY_fAFHqtWDDKEGjclOleH5y4ba7e2d8NgW74I14/3172322.pdf

[2] [2] The resource curse https://resourcegovernance.org/sites/default/files/nrgi_Resource-Curse.pdf

[3] [3] Goal 12: Ensure sustainable consumption and production patterns https://www.un.org/sustainabledevelopment/sustainable-consumption-production/

[4] [4] Extracting Good Practices, United Nations file:///C:/Users/LENOVO/Downloads/Extracting_Good_Practices_Summary.pdf

[5] La production mondiale de déchets minéraux solides est estimée à 90 milliards de tonnes par an. Ce chiffre comprend les résidus et les stériles produits par la production minérale, à l’exclusion des matériaux de construction. Ekins, Gupta, et Boileau, (Eds) (2019). Perspectives mondiales de l’environnement.

[6]  Guiding Principles on Business and Human Rights https://www.ohchr.org/documents/publications/guidingprinciplesbusinesshr_en.pdf

[7]   L’initiative pour la transparence des industries extractives https://eiti.org/