Les femmes participent de manière considérable à l’économie rurale. Ce sont elles qui produisent la plus grande partie de la nourriture locale et qui nourrissent la famille. En plus de ce travail agricole pénible, elles remplissent également leur rôle de mère, gèrent le foyer et éduquent les enfants. On estime ainsi que l’ensemble de leurs activités les occupent en moyenne 13 h de plus par semaine que les hommes. Selon l’ expérience de la FAO, le FIDA et le PAM, lorsque les femmes rurales ont un meilleur accès aux ressources, aux services, aux possibilités économiques et aux prises de décision, les résultats sont palpables: les communautés ont plus de nourriture, leur nutrition s’améliore, les revenus ruraux augmentent et les systèmes alimentaires deviennent plus efficaces et durables.[1]
En Afrique les femmes rurales sont les piliers de la production agricole et de la sécurité alimentaire. Elles gèrent mieux les ressources du ménage et réinvestissent jusqu’à 90% de leurs revenus pour répondre aux besoins de leur famille contre 75% pour les hommes. Pourtant elles subissent de nombreuses inégalités, et leur voix n’est que trop rarement entendue.[2] Lorsque les femmes sont propriétaires, leur exploitation est plus petite d’un tiers que celle des hommes. Leur cheptel est aussi plus modeste. Leurs ressources économiques s’en trouvent diminuées d’autant. L’accès au prêt ne leur est pas autorisé aussi facilement qu’aux hommes : en Afrique, seuls 10% des crédits sont octroyés aux femmes. Cette limitation d’accès aux ressources et l’insuffisance du pouvoir d’achat des femmes sont le résultat d’une série de facteurs sociaux, économiques et culturels interdépendants qui leur impose un rôle subalterne, au détriment de leur propre développement et de celui de la société dans son ensemble.[3]
De manière générale les différents systèmes politiques fonctionnent de la même façon dans certains domaines. En ce qui concerne les droits de la femme, chaque pays a encore à faire. Les agricultrices sont encore très loin d’être reconnues ; même lorsqu’elles sont cheffes de famille dans les faits, la tradition, le système politique ou religieux ne leur reconnaît bien souvent pas le même statut qu’aux hommes. Elles ont besoin d’avoir accès à la technologie, aux marchés et être écoutées en tant que savantes de l’agriculture pour produire des cultures résilientes aux changements climatiques. Elles ont les solutions, elles doivent être reconnues et écoutées par les politiciens. Même si les gouvernements adoptent des législations égalitaires, leur application est encore loin de se concrétiser car les traditions locales perdurent où la femme n’a pas son mot à dire. Au Sénégal par exemple, la loi est claire : en ce qui concerne la terre, hommes et femmes ont les mêmes droits ; mais, dans les faits, les paysannes ont souvent accès à la terre sans pour autant la contrôler.[4]
L’agriculture industrielle largement pratiquée en Afrique par les grandes entreprises principalement pour la monoculture à grande échelle n’arrange rien. L’objectif de ce type d’agriculture étant d’abord la satisfaction des besoins de l’industrie, la femme n’y a ni part ni place. La production agricole diminue tant en quantité qu’en qualité, et les femmes ont des difficultés à trouver de la nourriture pour leurs familles ; leurs revenus diminuent et sont de moins en moins suffisants pour répondre à leurs besoins quotidiens.
Les femmes ont dû affronter le regard désapprobateur de la société lorsqu’elles ont dû effectuer les travaux traditionnellement dévolus aux hommes, certains hommes n’hésitant pas à affirmer que “Les femmes devraient vivre de la charité”. Ces discriminations sociétales, additionnées à un travail agricole pénible et lui-même accentué par les conséquences du changement climatique et de la mondialisation aggravent alors la « féminisation de la pauvreté ». Pourtant, en bénéficiant d’un meilleur accès à l’information, à la formation et à la technologie, elles peuvent infléchir les modes de production et de consommation vivrières au service d’une gestion durable des terres et des ressources.[5]
On ne dira jamais assez qu’un système alimentaire durable ne peut pas aboutir aux résultats attendus sans tenir compte de toutes les composantes de la société. La femme est actrice à part entière dans cette dynamique et sa place doit être reconnue comme telle. Les mentalités doivent changer concrètement pour reconnaitre et renforcer la capacité de la femme agricultrice à participer pleinement à la réalisation d’un système alimentaire durable.
Odile Ntakirutimana
AEFJN Policy Officer
[1] http://www.fao.org/news/story/fr/item/1265056/icode/
[2] https://www.sosfaim.lu/les-femmes-piliers-de-lagriculture/
[3] http://www.fao.org/FOCUS/F/Women/Sustin-f.htm
[4] Elles sèment, qui récolte ? Trimestriel no 11 mars 2020 : https://www.sosfaim.be/elles-sement-qui-recolte/
[5] Les femmes dans l’agriculture, des agents de changement pour le système alimentaire mondial : https://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2017/03/07/women-in-agriculture-the-agents-of-change-for-the-food-system