Plus que jamais, le covid 19 a occasionné ou approfondi la prise de conscience sur l’importance et la sécurité de produire et de consommer localement. Cette prise de conscience a renforcé un consensus mondial croissant sur la nécessité de réformer les systèmes alimentaires pour atteindre les objectifs de développement durable. Dans cette optique l’agroécologie est au centre du fait qu’elle contribue à la réalisation de nombreux objectifs de développement durable. Elle permet d’augmenter la production agricole là où c’est nécessaire et contribue à lutter contre la faim, la malnutrition et la pauvreté dans les zones rurales. Elle permet également de lutter contre la dégradation de l’environnement, de réduire les gaz à effet de serre et d’adapter l’agriculture au changement climatique.
De nombreux défis sociaux et environnementaux majeurs sont liés à la façon dont nous produisons, transformons et consommons les aliments. Malgré une production alimentaire abondante, la faim et la malnutrition dans le monde augmentent. Les approches agroécologiques peuvent jouer un rôle important pour assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle pour toutes et tous. Tant dans les dimensions de disponibilité[1], d’accessibilité (lutte contre la pauvreté), de stabilité (augmentation de la résilience) et d’utilisation (régimes diversifiés), l’agroécologie dispose d’un potentiel important pour améliorer la sécurité alimentaire. De nombreuses études ont trouvé des relations fortes entre systèmes agricoles diversifiés (un des principes clés de l’agroécologie), la diversité des régimes des ménages et la nutrition[2].
La pandémie du covid-19 a renforcé cet impératif de transformation. Tout d’abord parce que l’émergence des épidémies, comme celle du Covid-19, est liée par les scientifiques à la perte d’habitat et de biodiversité dans le monde entier. Mais de plus, cette pandémie révèle l’importance de renforcer la résilience des systèmes alimentaires et l’autonomie des producteurs.trices agricoles. De nombreux témoignages démontrent que les systèmes agroécologiques, qui dépendent moins des intrants et des grandes filières mondialisées, résistent mieux aux effets que la pandémie produit sur les systèmes alimentaires. Voici un témoignage d’un agriculteur :
« Dans un moment comme celui-ci où il n’y a plus de mouvement, je continue à prospérer parce que la plupart des intrants dont j’ai besoin se trouvent dans ma ferme ; sinon, il me serait difficile, voire impossible, de les obtenir. Nous produisons une variété de cultures et d’animaux dans l’exploitation, cela a contribué à répartir les risques. Avec le COVID-19, je peux tirer des revenus de différentes entreprises : les prix des bananes sont actuellement très bas, mais dans un avenir proche, je tirerai des revenus des niébés, des oignons et de l’ail. De plus, en tant que famille, nous avons suffisamment de nourriture».[3]
Nous devons de toute urgence réformer nos systèmes alimentaires afin qu’ils deviennent socialement équitables et ne nuisent plus à la planète. Selon de nombreuses institutions internationales, des scientifiques, mouvements paysans et ONG, cela peut être fait en soutenant une transition agroécologique des systèmes alimentaires. Contrairement à la prolifération des investissements dans l’agriculture à grande échelle, les pays développés doivent soutenir considérablement la nécessaire transformation agroécologique des systèmes alimentaires dans les pays en développement. Récemment (mars 2020), une étude sur «La part de l’agroécologie dans l’Aide Publique au Développement belge» de l’UCLouvain (M. Vermeylen & O. De Schutter) a montré que l’agroécologie n’est pas une priorité pour la coopération belge au développement. En effet, elle consacre seulement 16% de son budget dédié à l’agriculture au soutien de l’agroécologie. Ceci est une interpellation pour les autres pays qui interviennent d’une manière ou d’une autre dans le développement des pays du sud.
Odile Ntakirutimana
AEFJN
Video:Yes2Agroecology: https://www.youtube.com/watch?time_continue=11&v=k7gsxqTQ7ZU&feature=emb_logo
[1] Pretty J. et al., 2006, « Resource-conserving agriculture increases yields in developing countries », Environnemental science and technology
[2] Agroecological approaches could play an important role in securing sustainable diets for all now and in the future as part of a transition towards more sustainable food systems that enhance Food Security and Nutrition (De Schutter, 2011, 2012; IPES-Food 2016, DeLonge et al., 2016). Numerous studies have found positive relationships between diversified farming systems (a key principle of agroecology), household dietary diversity and nutrition (Talukder et al., 2000; De Clerck, 2013; Oyarzun et al., 2013; Jones et al.,2014b; Khoury et al., 2014; Carletto et al., 2015; Kumar et al., 2015; Olney et al., 2015; Shively and Sununtnasik, 2015; Jones, 2017). » HLPE, 2019, p.43.
[3] Mwesige Steven (Ouganda, Karangura): https://yes2agroecology.be/