La Banque européenne d’investissement (BEI) et son mandat

La BEI est une banque détenue par l’UE et qui travaille en étroite collaboration avec les autres institutions de l’UE à mettre en œuvre la politique de l’UE et représenter les intérêts des Etats membres de l’UE. Environ 90 % de ses activités de financement se concentrent en Europe, tandis que les autres 10 % sont investis dans le soutien des politiques de développement et de coopération de l’UE dans les pays partenaires en dehors de l’UE[1]. Parmi ces pays partenaires on trouve les pays ACP et l’Afrique du Sud, où la BEI a investi environ 1,6 milliard d’euros dans plusieurs projets en 2015[2]. Alors que la BEI n’est pas simplement une banque de développement, elle a un mandat de développement comme il est dit dans le traité de Lisbonne[3].

Transparence et responsabilité à la BEI

Dans les programmes et les politiques des organisations internationales de développement, la transparence et la reddition de comptes, et la participation et l’inclusion des parties prenantes, sont largement reconnues[4]. En vertu du droit international, le droit d’accéder aux informations des pouvoirs publics, comme la BEI, est considéré comme une obligation fondamentale. Ce droit est un outil important pour mieux atteindre les objectifs du prêt, pour réduire la corruption, pour identifier les avantages sociaux, environnementaux et économiques et pour éviter d’endommager les communautés et les écosystèmes sensibles[5]. Dans sa politique de transparence, la BEI s’engage à publier régulièrement des informations institutionnelles. Elle s’engage en outre à faire en sorte que les parties prenantes soient entendues, engagées dans des projets et cette transparence « qualitative » exige un dialogue permanent entre la Banque et les parties prenantes sur la fourniture d’informations[6]. D’autre part, la Banque retient également le droit d’assurer et de protéger les informations sensibles, ce qui est tenable dans certains cas, et est utilisé à mauvais escient dans d’autres.

Jusqu’à quel point la Banque confirme-t-elle ses propres engagements en matière de transparence et de responsabilité? Et le fait de retenir des renseignements barre-t-il la route de la mission de développement de la BEI?

Transparence et responsabilité: une question clé

Pour les cinq dernières années, le ‘chien de garde’ de la transparence Publish What You Fund (PWYF) [Publiez ce que vous financez] a publié son nouvel indice de transparence de l’aide (ATI), qui analyse et classe les organismes donateurs, en utilisant différents indicateurs pour évaluer leur degré de transparence[7]. Depuis cinq ans, la BEI a été mal cotée, mais avec des progrès graduels. Les premières années, la BEI a reçu environ 25 pour cent. C’est dans cette période, en 2011, qu’un scandale a éclaté sur un investissement de 50 millions de $ de la BEI dans une opération de la mine de cuivre Glencore en Zambie. Quand on a parlé d’une évasion fiscale importante dans l’un des pays les plus pauvres du monde, cela a suscité des questions sur la capacité de la Banque et sur sa volonté de suivre ses investissements et de faire preuve de diligence raisonnable. Pourtant, après que la Banque avait préformé une enquête de deux ans sur l’évasion fiscale possible, elle a refusé de rendre publiques ses conclusions[8]. Le cas de Glencore est devenu un symbole du manque de transparence et de responsabilité de la BEI, et même si la Banque a cessé son financement pour Glencore et si elle a dit qu’elle améliorait ses politiques, l’indice de transparence de l’aide, entre autres, montre qu’il y a encore beaucoup de travail à faire.

Cette année, la BEI a marqué un modeste 53,5 pour cent et a été classée 24e sur 46 organismes donateurs. En 2015, une autre évaluation du Réseau européen sur la dette et le développement (Eurodad) a examiné les mécanismes de transparence et de responsabilisation à la BEI et a conclu qu’il y a, en fait, trop de défauts pour garantir le droit d’accéder aux informations des pouvoirs publics[9]. Le nombre de recherches comparables d’organisations de la société civile continue[10].

Aujourd’hui encore, la BEI ne parvient pas à communiquer tous les documents publics et à expliquer pourquoi elle garde certaines informations classées. La Banque se présentera comme un chef de file climatique, mais elle soutenait le constructeur automobile Volkswagen pour promouvoir des investissements respectueux du climat. Cependant, comme ce fut le cas pour Volkswagen, le récent scandale d’émission a remis une fois de plus en question la capacité de la Banque à effectuer correctement une diligence raisonnable sur des milliards d’euros de fonds publics.[11]

Une autre question concerne son manque d’engagement avec toutes les parties prenantes dans ses projets en fournissant un mécanisme décent de sauvegarde et de plaintes[12]. Surtout dans les pays en développement, ces défauts deviennent visibles. Plus d’une fois la BEI ne  signale pas correctement les répercussions socio-économiques des projets qu’elle finance. Par exemple, son résumé économique et social sur le projet de développement d’organisation de l’énergie du bassin du fleuve Gambie (OMVG), situé dans l’ouest de l’Afrique, indique que «les colonies près du corridor d’impact ne sont pas affectées et les réinstallations physiques sont rares »[13], tandis que l’étude approfondie des organismes indépendants stipule que, en fait, 1436 personnes auront besoin de se déplacer.

En outre, il n’y a pas toujours une garantie d’un dialogue engagé avec ces communautés locales. Et même si les personnes touchées voudraient faire usage du mécanisme de plaintes de l’EIB, ce processus est entravé par le fait que la politique est uniquement disponible dans les langues de l’UE et non pas dans les langues locales parlées en Afrique. Une fois qu’une plainte est déposée et que les recommandations appropriées sont faites, ce n’est pas encore une garantie pour l’accès au remède, car le mécanisme de plaintes n’a pas le mandat de prendre des décisions contraignantes[14].

Conclusions

Alors que la BEI fait quelques progrès, il y a encore beaucoup d’améliorations à apporter pour plus de transparence et de responsabilité. Tout d’abord, la BEI doit divulguer pleinement, correctement et clairement toutes les informations au public, y compris les pays partenaires, ou au moins la raison pour laquelle elle retient certaines informations. En outre, la BEI doit travailler à développer et renforcer son mécanisme de plaintes et d’autres garanties. La Banque doit, en outre, faire plus de place à l’engagement des parties prenantes locales.

Tout le monde a le droit d’être informé et engagé afin de faire valoir ses droits fondamentaux. Les gens devraient être en mesure de jouer leur rôle de chien de garde, ainsi qu’il devrait y avoir des instruments disponibles pour assurer la protection de leurs droits et de leur bien-être. Les décisions prises par les décideurs politiques et les fonctionnaires, derrière des portes closes et dans les couloirs, auront une incidence sur les citoyens autant que celles qui sont publiées en première page des journaux. Et parce que chacune de ces décisions déterminera dans quelle direction nous allons développer, il est fondamental d’incorporer une politique transparente et responsable, pour que ce développement soit durable.

Eva Demaré
Stagiaire AEFJN pour les politiques de transparence


[1] EIB, 2016, consulté à: http://www.eib.org/about/index.htm

[2] EIB, 2015, consulté à: http://www.eib.org/infocentre/publications/all.investment-facility-annual-report-2015.htm

[3] Counter Balance, « EIB and development, a chance to clean up its act », 2013, consulté à: http://bankwatch.org/news-media/blog/eib-and-development-chance-clean-banks-act

[4] Carnegie, « Accountability, Transparency, Participation and Inclusion: a new Develoment Consensus? », 2014, consulté à: http://carnegieendowment.org/files/new_development_consensus.pdf

[5] BankWatch Network, « A Public Bank? The EIB’s Lack of Transparency and Participation », consulté à: http://bankwatch.org/our-work/who-we-monitor/eib/eib-transparency-participation

[6] EIB, 2016, http://www.eib.org/attachemtns/strategies/eib_group_transparency_policy_en.pdf

[7] Aid transparency Index, 2016, consulte à: http://ati.publishwhatyoufund.org/index-2016/results/

[8] Mining.com, 2014, consulté à: http://www.mining.com/accusations-of-glencore-zambia-tax-oribe-covers-up-80762/

[9] Eurodad, « An assessment of transparency and accountability mechanisms at the european Investment Bank and the International Finance Corporation », consulté à: http://www.eurodad.org/transparency_accountability_EIB_IFC

[10] Counterbalance, consulté à: http://www.counter-balance.org/new-report-towards-a-reinforced-accountability-architecture-for-the-european-investment-bank/ & http://www.counter-balance.org/new-aid-transparency-index-published-eib-and-ebrd-scoring-better-but-still-a-long-way-to-go/; BankWatch Network, consulté à: http://bankwatch.org/our-work/who-we-monitor/eib/eib-transparency-participation; Euractiv, 2016, consulté à: http://www.euractiv.com/section/euro-finance/opinion/eib-transparency-a-prerequisite-for-good-governance/; GrievanceMechanisms, 2016, consulté à: http://grievancemechanisms.org/resources/brochures/IAM_DEF_WEB.pdf; Ombudsman EU, 2016,consulté à: http://www.ombudsman.europa.eu/en/resources/otherdocument.faces/en/64158/html.bookmark,…

[11]  Euractiv, 2016, consulté à: http://www.euractiv.com/section/euro-finance/opinion/eib-transparency-a-prerequisite-for-good-governance/

[12] Eurodad, « An assessment of transparency and accountability mechanisms at the european Investment Bank and the International Finance Corporation », consulté à: http://www.eurodad.org/files/pdf/1546480-an-assessment-of-transparency-and-accountability-mechanisms-at-the-european-investment-bank-and-the-international-finance-corporation.pdf

[13] EIB, « Environmental and Social Data Sheet », 2015, consulté à: http://www.eib.org/infocentre/register/all/63688019.pdf

[14] Eurodad, « An assessment of transparency and accountability mechanisms at the european Investment Bank and the International Finance Corporation », consulté à: http://www.eurodad.org/transparency_accountability_EIB_IFC