Le sommet UE-Afrique reporté en 2020 aura finalement lieu les 17 et 18 février 2022. Avant ce sommet, d’autres sommets ont eu lieu par le passé. Le premier a eu lieu au Caire, en Égypte, en 2000, puis à Lisbonne, au Portugal, en 2007 ; à Tripoli, en Libye, en 2010 ; à Bruxelles, en Belgique, en 2014 ; à Abidjan, en Côte d’Ivoire, en 2017, et à nouveau à Bruxelles en 2022. Outre le sommet UE-Afrique, d’autres réunions sont en cours entre l’Afrique et d’autres nations et régions du monde, notamment les sommets Chine-Afrique, France-Afrique, Moyen-Orient-Afrique, Turquie-Afrique et Russie-Afrique. Un esprit curieux pourrait commencer à se demander ce qui, dans ce pauvre continent, suscite l’intérêt particulier de tous les Pierre, Jacques et Jean ? La multitude de sommets avec l’Afrique, organisés par les grandes économies, sans la participation active de l’Afrique, associée à l’état de pauvreté du continent qui ne s’améliore pas, réveille des souvenirs désagréables.
Qu’est-ce qui a soudain fait de l’Afrique une si belle fille à marier à qui tous les prétendants demandent la main ? Tout le monde semble courtiser ce continent malgré toutes ces images affreuses colportées par les médias. Chaque jour c’est le même scénario : pauvreté incroyable, crise climatique, sécheresse et inondations à répétition. Avec comme résultat des jeunes africains qui meurent continuellement dans la mer Méditerranée en quête d’une vie meilleure en Europe. C’est le bon sens même : ce défi s’adresse aux africains eux-mêmes. Personne ne peut porter ce fardeau à leur place. Il est intéressant de noter que le dénominateur commun de la soi-disant quête d’un partenariat avec l’Afrique est de changer son destin afin que ses enfants vivent dans la dignité et qu’elle occupe la place qui lui revient au sein du comité des nations. Si vous vous interrogez sur le changement de paradigme ou sur les contributions significatives que la prolifération des sommets a apportées à l’Afrique, vous devinez aussi bien que moi ce qui constitue les moteurs cachés des sommets.
Étant donné que l’attention principale de cet article porte sur le partenariat UE-Afrique, il pourrait être utile de prendre une vue d’ensemble pour voir dans quelle mesure le partenariat UE-Afrique a contribué à répondre aux aspirations des peuples africains. En l’absence d’indicateurs concrets, les partenariats ont appauvri l’expérience générale des peuples africains. Les indices de la distribution du vaccin COVID-19 montrent que la contribution de l’UE aux besoins en vaccins de l’Afrique est absolument insignifiante. L’UE a entièrement vacciné plus de 65% de sa population contre le virus et dispose d’un stock suffisant pour l’avenir. En revanche, moins de 6 % de la population africaine a été vaccinée jusqu’à présent. Alors que de nombreux pays produisent désormais le vaccin, l’OMS hésite encore à approuver les innovations africaines en matière de vaccins ; aucune n’est assez bonne ! Malheureusement, les pays partenaires de l’Afrique préfèrent envoyer des vaccins périmés plutôt que de soutenir les efforts locaux.
L’une des prédictions du début de la pandémie était que bientôt les cadavres de la population africaine allaient joncher les rues. Tout cela semblait devoir se produire en raison de la pauvreté du continent. Même la menace imminente d’extermination n’a pas incité l’UE et d’autres prétendants africains alliés à lui venir à l’aide. L’Afrique, partenaire des économies les plus riches, a attendu l’apocalypse alors que la pandémie balayait le globe ; seule la providence est venue à son secours ! Oui, tout comme la providence chasse les mouches pour la vache sans queue, il reste un mystère, même pour les devins, comment l’Afrique a-t-elle survécu è ces prédictions calamiteuses.
Il faut se rendre à l’évidence, le partenariat UE-Afrique n’a pas contribué de manière significative aux aspirations de l’Afrique et de ses peuples. Au contraire, il est devenu un moyen d’aggraver l’accaparement des terres et des ressources naturelles, l’urgence climatique, la crise alimentaire, l’insécurité, les migrations, les déplacements de populations, l’impunité des entreprises et les violations systématiques des droits des communautés. Ces accords rappellent la tristement célèbre conférence de Berlin (1884), qui a officialisé la ruée vers l’Afrique. L’expérience du processus menant au prochain sommet confirme que le partenariat est un retour de la mentalité coloniale pour poursuivre l’exploitation effrénée de l’Afrique sous de nouvelles terminologies. C’est du domaine public que l’UE a unilatéralement établi l’ordre du jour du sommet. L’effort de la plateforme Notre terre est notre terre (OLOL) pour contribuer au plan n’a donné aucun résultat significatif malgré les ouvertures de dialogue entre la plateforme et le Service européen d’action extérieure (SEAE) et l’Union africaine (UA), respectivement. Comme pour limiter les dégâts, le bureau de la DG Partenariat international (INTPA) de la Commission européenne a créé le FORUM des OSC et des autorités locales (AL) pour le sommet, qui n’a aucun lien structurel pour contribuer au sommet officiel UE-Afrique. La demande de la société civile pour le projet des documents du sommet UE-Afrique, en particulier le plan d’investissement de l’UE qui sera annoncé pendant la discussion, a été refusée. Bien sûr, le spectre plus large de la société civile voit les OSC et le FORUM comme un écran de fumée pour masser leur ego et les distraire des événements du sommet officiel UE-Afrique.
Face à ce subterfuge, AEFJN et les autres acteurs de la plateforme OLOL souhaitent réitérer que « Tout ce qui est fait pour le peuple africain, sans le peuple africain, est fait contre le peuple africain ». Dans cette optique, OLOL a choisi d’organiser un Sommet des Peuples Africains les 13 et 14 février comme contre-sommet au Sommet UE-Afrique, qui se tiendra à Bruxelles les 17 et 18 février 2022. Le Sommet des Peuples (SP) est dirigé par les Africains et constitue un espace pour continuer à exprimer les préoccupations et les demandes réelles des peuples d’Afrique et dénoncer l’échec du Sommet Afrique-UE et du Partenariat à répondre à ces préoccupations. Le Sommet des Peuples reste une partie intégrante des campagnes en cours de la société civile africaine pour la justice foncière, l’avancement de l’agro écologie, la gouvernance juste et la dénonciation du contrôle des entreprises, tout en faisant avancer les aspirations et les préoccupations authentiques des peuples africains. Si l’UE souhaite vraiment établir un partenariat avec l’Afrique qui place les peuples africains et leur environnement au centre alors la participation des populations au processus est de rigueur. Aussi déplaisant que cela puisse paraître, il semble qu’une autre ruée vers l’Afrique est en train de se dérouler sous une nouvelle forme. Une fois encore, l’Europe est une partie prenante importante, mais de nombreuses autres nations riches sont aussi complices. Les penseurs africains se tournent vers l’Europe pour une réécriture et non pas une répétition d’un passé douloureux.
Chika Onyejiuwa