Responsabilité environnementale

La société civile ne cesse de dénoncer le comportement des compagnies minières en Afrique. La plupart des cas en question concernent des entreprises de pays développés telles que l’AREVA française, la GLENCORE suisse, la BENY STEINMETZ  franco-israélienne, la RIO TINTO britannique, les Anglo-Américaines : ANGLOGOLD ASHANTI et VEDANTA RESOURCES, la SEPHOS espagnole, la HAIYU chinoise ou la BARRICK GOLD canadienne. Ces entreprises ne sont que quelques exemples de sociétés connues pour leurs mauvaises pratiques qui sont restées impunies jusqu’ici. Ces procédés répréhensibles comprennent les scandales environnementaux et les violations des droits de l’homme dans les communautés où elles sont implantées. Les cas de corruption sont monnaie courante ainsi que ceux de violation des traités internationaux sur les bonnes pratiques des entreprises minières. Le non-respect pur et simple des accords internationaux pour lutter contre le changement climatique semble être la norme générale.

L’attitude prédatrice des compagnies minières persiste. A cela s’ajoutent les conflits sociaux et environnementaux qu’elles provoquent  à cause de leurs activités d’extraction. La tension entre les entreprises et les communautés locales concernées provoque une méfiance mutuelle qui engendre des troubles sociaux et, dans de nombreux cas, de la violence. D’une part, les compagnies minières s’efforcent d’assainir leur image par le biais d’une responsabilité sociale des entreprises clairement insuffisante et souvent fausse, comme celle menée par FUELSTOCK à Madagascar[1] où les compagnies minières se plaignent d’être toujours suspectes, souvent pointées du doigt et dénoncées pour leur comportement. D’autre part, les communautés locales sont les premières à ressentir les effets néfastes des opérations minières, tels que la pollution de l’air et de l’eau, le déversement illégal de matières dangereuses, l’usure des infrastructures, l’augmentation des maladies liées aux activités minières, etc. L’exploitation minière n’affecte pas seulement l’environnement des communautés locales, elle a également un impact significatif sur le changement climatique.

Une prospérité partagée.

Les vastes réserves de minéraux et d’hydrocarbures situées dans le sous-sol du continent africain sont la cible de l’avidité des multinationales des pays occidentaux et de la Chine. Cependant, malgré les profits générés par ces minéraux, seules les sociétés minières profitent vraiment de leurs avantages économiques. La plupart des entreprises d’extraction à l’œuvre  en Afrique fonctionnent par le biais de contrats non transparents, dans le cadre d’accords passés seulement entre les gouvernements et les entreprises. Les communautés locales directement touchées par les industries minières ne reçoivent pas une compensation équitable pour l’exploitation de leurs sols et sont souvent contraintes d’abandonner leurs terres. Les entreprises n’investissent pas une partie de leurs bénéfices dans ces communautés pour compenser le manque de terres arables ou pour atténuer les conséquences négatives de l’impact environnemental.

Dans le cas des gouvernements nationaux en Afrique il faut signaler que leurs revenus provenant des industries minières sont très faibles. Les gouvernements reçoivent des montants minimes par rapport aux avantages économiques que les entreprises tirent de l’exploitation minière. Dans de nombreux cas, l’industrie d’extraction bénéficie de longues périodes d’exonération fiscale et lorsqu’elle commence à payer des impôts en fonction de ses bénéfices, les pourcentages sont minimes. Par exemple, sur les 2600 millions d’euros de bénéfices tirés de l’exploitation du coltan en RDC en 2016, le gouvernement congolais en a reçu seulement 88 millions [2].

Les règlements miniers de différents pays d’Afrique ont changé au cours de la dernière décennie sous l’influence du Fonds monétaire international (FMI). Le cas le plus récent remonte à quelques mois, lorsque le FMI a demandé à un gouvernement africain d’adapter ses normes minières pour favoriser les sociétés multinationales [3] De plus, les taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés sont particulièrement bas dans les règlements miniers tels que celui de la RDC qui est de 2% et celui de la Zambie qui est de 4%. Ces règlementations ne favorisent pas la transparence ni les poursuites en matière d’évasion fiscale. On estime que l’année dernière, l’Afrique a perdu 80 milliards de dollars à cause des flux financiers illicites [4].

Malheureusement, les normes réglementaires en matière de comportement éthique des entreprises au niveau international sont laissées au bon vouloir de ces sociétés. Il n’existe pas de réglementation juridiquement contraignante obligeant les compagnies  minières à respecter leurs engagements environnementaux contre le changement climatique. Il n’existe pas non plus de normes contraignantes qui les tiennent responsables de leurs obligations en matière de droits humains. L’initiative des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme est constamment bloquée par l’Union européenne et les États-Unis. Sans même s’occuper de son contenu, ils refusent de participer à la discussion sous des prétextes ridicules tels qu’une norme peu ambitieuse……

La responsabilité environnementale pour une prospérité partagée.

Face à ces sombres perspectives, les entreprises ont une grande responsabilité. Le respect de l’environnement et l’engagement dans la lutte contre le changement climatique doivent être une priorité pour les sociétés  industrielles et surtout pour la nouvelle présidente de la Commission européenne qui s’est engagée en faveur d’un agenda vert[5] Inclure  les engagements des accords internationaux contre le changement climatique dans les directives européennes doit être un must de la plus haute urgence. Les effets du changement climatique sont de plus en plus évidents. Les catastrophes naturelles qui se multiplient partout sur la planète en sont la preuve. L’UE ne peut pas simplement s’engager à exclure certaines pratiques nocives sur son propre  territoire, elle doit aussi exiger le même comportement de ses entreprises lorsqu’elles opèrent à l’étranger. Les gouvernements nationaux des États membres doivent également exiger de leurs entreprises qu’elles s’engagent à respecter les traités internationaux de manière respectueuse et éthique. La nouvelle orientation des relations entre l’Afrique et l’UE de l’accord post-Cotonou 2020 ne doit pas  être de la belle rhétorique mais un vrai engagement qui favorise une répartition équitable des richesses. Ces engagements doivent être concrets et contraignants. Il s’agit entre autres  d’augmenter les redevances versées par les entreprises minières aux gouvernements africains. Il faut aussi que ces compagnies investissent directement dans les communautés locales touchées par leurs opérations minières. Elles doivent de plus promettre de restaurer les zones minières une fois les exploitations terminées. La lutte contre la corruption en excluant les membres du gouvernement et ses fonctionnaires à toute part financière dans ces entreprises doit être le cheval de bataille de toute industrie européenne opérant en Afrique. Il s’agit là de simples engagements de transparence mais jusqu’ici les entreprises européennes et l’UE sont réticentes à les mettre en pratique.

José Luis Gutiérrez Aranda

AEFJN Policy Officer

[1]   Analyse Socio-Economique de l´impact des activités de la société Fuelstock Madagascar. http://aefjn.org/wp-content/uploads/2017/09/Madagascar-Fuelstock.pdf

[2]   JÉRÔME DUVAL, Ruée sur le cobalt : le sous-sol congolais continue à aiguiser les appétits des multinationales. March 2018

[4] https://www.agenceecofin.com/revue-de-presse/0102-53986-lafrique-perd-80-milliards-en-flux-financiers-illicites-dont-70-dans-les-industries-extractives

[5] A Union that strives for more, My agenda for Europe, Ursula von der Leyen https://www.europarl.europa.eu/resources/library/media/20190716RES57231/20190716RES57231.pdf