Depuis sa publication en 2015, le Laudato Si’ du Pape François a fait sensation et s’est avéré offrir une ressource formidable pour les réunions internationales. Bien que l’Encyclique soulève des questions très variées sur des problèmes cruciaux socio-écologiques, interdépendants, son insistance sur l’importance primordiale de l’Humain et la préservation de la création est de toute première importance. Inspiré par l’Encyclique, l’AEFJN a organisé une conférence pan-africaine a Nairobi (Kénya), sur la mainmise sur les terres et le bon gouvernement en Afrique. Un représentant du gouvernement Kényan du Département des Terres, présent aux cérémonies d’ouverture, surprit les participants lorsqu’il les invita a REGARDER LES DEUX COTES DE LA RUE. Il faisait allusion à la communauté Kangemi de Nairobi, où une partie de la communauté vit dans la pauvreté la plus extrême, dans des bidonvilles sans eau ni électricité, démunie des autres services sociaux, alors que l’autre partie de la communauté, séparée par une rue, vit dans la richesse, pourvue de services sociaux relativement bien organisés.
Ce qui m’a sauté aux yeux lorsque j’ai visité la communauté “de l’autre coté de la rue” avant de quitter Nairobi, ce fut la présence pesante de la police, là sans doute pour éviter la loi de la jungle et maintenir le bon ordre. Je contemplai cela en appréciant la sagesse sans prix des paroles du Pape Paul VI: “Pour obtenir la paix, travailler pour la justice”. Comment pourrait-on avoir la paix en présence d’une telle inégalité? Comment une telle communauté pourrait-elle même vivre sinon sous la main de gardiens de la sécurité a l’air féroce? Quelle vie! Qui pourrait rester indifférent devant les situations de notre monde s’il regarde les deux cotés? Comme poussé par la logique de son Encyclique qui montre que le Pape voit véritablement les deux cotés de la rue, les Kangemi (la misère) reçurent le Pape Francois pendant sa visite en Afrique de l’Est.
Le seul obstacle pour regarder les deux côtés de la rue, c’est le moi humain (a la fois personnel et communal) qui se manifeste comme une myopie sélective. C’est une recette pour l’oppression et la violence qui rend attirante l’oppression. Sinon alors pourquoi l’UE préfère-t-elle fournir des palliatifs a l’Afrique plutot que de s’adresser au déséquilibre structural des ministères de l’environnement? Pourquoi le President Assad trouve-t-il préférable de garder le pouvoir plutot que de mettre fin aux rivières de sang des enfants innocents de la Syrie? Pourquoi Daech semble-t-il aimer rendre veuves des jeunes femmes, et orphelins des enfants, au nom d’Allah? Multipliez vous-mêmes les exemples. Les situations seraient différentes si les acteurs-clefs regardaient résolument les deux cotés de la rue.
Agir ainsi, et prendre en compte l’inégalité extreme qui existe entre l’Europe et l’Afrique, continuera à donner du poids à l’action entreprise par l’AEFJN dans les mois qui viennent. Cette défense des droits interpelle encore plus urgemment depuis l’écoute des experiences de cent treize organisations “Foi” et ONG qui participaient a la Conférence Pan-Africaine, et des expériences personnelles des représentants AEFJN visitant le Sénégal, le Bénin et la Tanzanie en 2015. Leurs rapports parlaient de la misère terrible et de la vulnérabilité totale des communautés visitées. Comparée au Nord pris dans sa globalité, l’inegalite était extreme!
En survolant le travail d’AEFJN et la complexité du monde économique dans le Diocese de SAME en Tanzanie, un(e?) participant accablé par la situation, demanda quelle différence notre intervention pourrait bien faire car celle-ci ressemble au combat entre David et Goliath. Mais le côté positif, c’est que, pour finir, Goliath fut vaincu. Antony de Mello raconte l’histoire d’une femme qui marchait sur la plage avec son fils. Le garçon remarqua que des milliers de poissons avaient éte apportés par la marée et déposés sur la plage. Il en ramassa un et le rejeta à la mer. Sa mere, étonnée, lui demanda quelle différence cela pouvait faire. Il en ramassa un autre, le rejeta à la mer et déclara: “Moi, j’a fait une différence”. A AEFJN, nous nous sommes engagés a faire des différences, petites mais soutenues, parce que nous savons qu’un changement monumental ne se fait pas en un jour mais qu’il finira sûrement par arriver. L’abolition de la traite des esclaves ne s’est pas faite en un jour; la chute de l’empire romain ne s’est pas faite en un jour; le droit de vote des femmes n’a pas été acquis en un jour; la libération des Afro-Americains non plus. Ces changements et bien d’autres changements historiques ont été opérés par des actions soutenues pendant de longues periodes. Nous sommes fermement convaincus que nos toutes petites différences, unies avec constance à celles des autres, aboutiront un jour à la transformation désirée dans les stuctures. Nous ferons tout dans ce but par nos interventions auprès des décideurs, en leur rappelant que nous devons toujours regarder les deux cotés de la rue, tout le long de notre voyage en commun: nous – une seule famille humaine.
Chika Onyejiuwa, CSSp
Executive Secretary