La directive 2014/95/UE concernant la publication d’informations non financières et d’autres types de renseignements  par certaines grandes compagnies et certains groupes fait partie d’un ensemble de mesures de la « stratégie de l’Union européenne pour 2020 ». Cette stratégie cherche un modèle d’économie durable basé sur la transparence en vue de progresser vers  des sociétés industrielles plus justes et plus respectueuses des droits de l’Homme (HHRR). Ce programme pousse aussi à  s’engager plus à fond dans la question des objectifs de développement durable (SDG). Jusqu’à présent les directives européennes ont surtout mis l’accent sur la dimension économique des entreprises, exigeant une plus grande transparence sur leur responsabilité afin d’éviter l’évasion fiscale. La directive sur les rapports non financiers fait un pas de plus en vue de la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies et de l’accord de Paris sur le changement climatique (COP21). Elle propose des objectifs spécifiques comme le développement durable, la prévention de la corruption ou des actions dans le domaine des droits humains.

La nouveauté de ces lignes de conduite est la dimension éthique qui est donnée aux entreprises pour contribuer à une économie durable. Par conséquent, ces mêmes  entreprises sont considérées non seulement comme des sociétés qui engendrent des profits économiques, mais aussi comme des organisations qui assument un rôle important dans la transformation de la société. Alors que l’élément économique est essentiel pour la revitalisation de l’économie, l’intention de cette Directive 2014/95 / UE est de souligner la pertinence  de l’ensemble des activités économiques comme mécanisme transformateur de la société. Ainsi, la directive distingue trois éléments qui doivent être développés par les entreprises dans leurs rapports annuels : les droits de l’homme, la société et à la troisième place, le respect de l’environnement.

Droits de l’homme

L’activité économique des entreprises est directement liée au respect des Droits de l’Homme. La Directive 2014/95 / UE soulève la question du respect des droits de l’homme comme une question de prévention, exigeant que les entreprises fassent rapport sur ce qu’elles font pour prévenir la violation des droits de l’homme ainsi que sur le type de mécanisme dont elles disposent pour réagir à une éventuelle violation de ces droits. Ces questions tentent certes de prévenir les violations des droits de l’homme, mais implicitement, le fait de les poser, met aussi en question le comportement de ces mêmes sociétés industrielles.

Les éléments qui doivent être pris en compte lorsque nous parlons des droits fondamentaux dans le domaine des entreprises et des affaires sont les droits en matières sociales. Ceci implique  aussi de tenir compte des droits des travailleurs : salaires, sécurité sociale, temps de travail, système de santé et autres normes établies par l’Organisation internationale du travail. Les entreprises européennes concernées par cette directive opèrent non seulement en Europe mais, dans de nombreux cas, aussi dans des pays en développement dont les institutions démocratiques sont souvent fragiles. C’est pour cette raison que le rapport doit aussi expliquer comment les sociétés procèdent pour protéger les personnes qui signalent des situations particulières d’abus qui affectent les travailleurs en matière de RHSRH. De même, le rapport doit indiquer comment l’activité économique d’une entreprise touche les communautés environnantes. Si, par exemple, à cause des activités de ces sociétés les populations locales sont forcées à se déplacer  a-t-on prévu des compensations équitables pour l’utilisation de leurs terres et ressources naturelles ? Etc…

La Société

L’évaluation de l’impact social des entreprises sur l’environnement dans lequel elles exercent leur activité est déterminante pour le respect de la directive. La directive encourage les entreprises à fournir des informations sur l’impact non économique provoqué dans le lieu où elles exercent leur activité. Cette influence peut être très différente selon l’activité que ces firmes développent, car leur localisation dépend normalement de critères pratiques ou des coûts de production. Ordinairement, les entreprises sont implantées à proximité des populations auxquelles elles offrent leurs services, en milieu rural s’il s’agit d’agro-industries, près des ressources en eau ou dans des lieux riches en ressources naturelles tels que les bassins miniers, les forêts, les côtes, les réserves de combustibles, etc.

La Directive stipule non seulement le respect des réglementations nationales et internationales, mais exige également des STN qu’elles fassent rapport sur la manière dont elles s’acquittent de cette obligation. Par conséquent, les rapports doivent répondre à des questions fondamentales telles que : Les populations sont-elles informées de l’arrivée des investissements dans leurs communautés locales ? Les activités de ces entreprises tiennent-elles compte, comme elles en sont obligées, de l’impact social, économique et environnemental qu’elles peuvent avoir ? Ces activités sont-elles compatibles  avec les grandes lignes directrices des principes des Nations Unies ? Les entreprises embauchent-elles principalement des travailleurs des villes voisines ? Les entreprises investissent-elles une partie de leurs bénéfices au profit des populations touchées par leur activité ? Compensent-elles l’exploitation des ressources naturelles lorsqu’elles appartiennent à des communautés locales ? Montrent-elles, en toute transparence, les paiements effectués aux autorités locales ? Quelles mesures de transparence prennent-elles pour éviter la corruption ? Quels types d’audits sont réalisés pour garantir le respect de la législation locale et environnementale ?

La protection de l’environnement

Le fonctionnement des industries  provoque toujours des changements dans l’environnement géographique dans lequel elles opèrent. Quelle que soit son mode opératoire: extractif, énergétique, technologique, minier, agro-alimentaire ou de transformation des matières premières, toute activité industrielle engendre un impact sur l’environnement qui doit être particulièrement surveillé et respecté. C’est la raison pour laquelle la directive impose aux entreprises de rendre compte de cet impact et des activités qu’elles mènent pour protéger, entretenir et restaurer l’environnement une fois leur activité terminée. Parfois, les entreprises refusent de montrer leurs plans de protection de l’environnement qui souvent n’existent tout simplement pas. Dans d’autres cas, les plans de restauration sont présentés de telle manière qu’il est impossible de s’y conformer ou qu’ils sont si fondamentaux qu’ils ne servent qu’à obtenir les permis nécessaires à leur exploitation. Malheureusement, dans de nombreux cas, ces plans de restauration sont oubliés une fois que les entreprises fonctionnent et surtout lorsque les activités cessent. Dans ces cas-là, les entreprises s’excusent en disant qu’il n’y a pas de budget pour les mettre en œuvre.

Conclusion

La fragilité de cette directive sur les rapports Non Financiers réside dans le fait que tout reste au bon vouloir de la plupart des entreprises européennes opérant en Afrique. Le caractère obligatoire de cette directive ne s’applique qu’aux sociétés cotées, aux sociétés transnationales dont la société mère est située dans l’un des États membres de l’UE ainsi qu’à celles de plus de 500 salariés et à celles dont le solde dépasse 20 millions d’euros ou dont le chiffre d’affaires est supérieur à 40 millions d’euros. La transposition de cette directive dans la législation nationale des États membres de l’UE pourrait accroître l’accès à des domaines tels que l’audit des informations non financières contenues dans les rapports sur des questions qui ne figurent pas dans la directive elle-même. Mais, il faut bien l’avouer,  il n’y a guère d’intérêt de la part des Etats membres pour ces questions qui ne les obligent pas vraiment et qui peuvent toujours être sujettes à des restrictions  et exemptions de leur nature obligatoire.

Une production industrielle durable et le changement des habitudes d’extraction des matières premières sont essentiels pour la réalisation des GDS en Afrique. Ils seront atteints si les gouvernements s’engagent vraiment en faveur d’une réglementation contraignante. La directive 2014/95/UE devrait promouvoir des politiques encourageant les entreprises à parvenir à une économie durable par le biais d’un engagement en faveur des énergies renouvelables, du comportement éthique du PDG, du respect de l’environnement et des communautés locales, de la lutte contre les inégalités et de la prévention de toute forme de violation des droits humains. Seul le fait de faire passer le développement intégral des personnes avant les profits de l’activité économique contribuera au succès de ce règlement, tant en Europe que dans les pays en développement.

José Luis Gutiérrez Aranda

AEFJN Policy Officer