Un approvisionnement adéquat en produits de santé[1] de qualité assurée est essentiel pour un système de santé solide, capable de garantir l’accès aux médicaments et aux traitements essentiels.

Déjà avant la pandémie, les dépôts pharmaceutiques centraux de nombreux pays africains étaient loin de pouvoir approvisionner correctement les formations sanitaires en produits de santé de qualité assurée; la pandémie de COVID-19 a aggravé cette situation et entraîné des perturbations massives dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, incluant l’Afrique.

Le Journal of Pharmaceutical Policy Practices a récemment publié deux articles qui examinent les défis liés à la COVID-19 dans l’approvisionnement pharmaceutique, respectivement au Nigeria et au Rwanda.

Au Nigeria, environ 70 % de l’approvisionnement en médicaments est importé, ce qui contribue à créer une croissante disparité entre l’offre diminuante et la demande en forte augmentation suite à la pandémie. La pénurie en médicaments est due à plusieurs facteurs cumulés, parmi lesquels :

  • Les retards du commerce mondial,
  • Les retards de la fabrication,
  • le ralentissement de l’économie locale spécialement dans le secteur informel,
  • le manque de stocks tampons de produits de santé,
  • l’insécurité et le mauvais financement du système de santé.

Au Rwanda, pays qui fait partie du programme d’harmonisation de la régulation pharmaceutique de la Communauté des États de l’Afrique de l’Est, le secteur pharmaceutique dépend lui aussi largement des importations ; les pénuries sont surtout dues à l’importation limitée de marchandises en provenance de l’étranger et à la pratique d’achat compulsif de médicaments par des clients inquiets et par certains acteurs de santé qui ont voulu constituer des stocks en réponse à la pandémie.

Les conclusions parallèles de ces deux articles sont qu’en période de pandémie, il est plus que jamais nécessaire de sécuriser et de renforcer les systèmes nationaux d’achat et d’approvisionnement en médicaments sous tous leurs aspects, par exemple :

  • la planification et le suivi des besoins, commandes et consommations,
  • le financement,
  • la réglementation de la sécurité, de l’efficacité et de la qualité des médicaments,
  • le contrôle des prix,
  • les circuits de distribution, etc.

Il est également suggéré par certains acteurs d’investir davantage dans la production locale de médicaments afin de parvenir à l’autosuffisance. A ce sujet, il nous semble important de souligner qu’il s’agirait d’une solution à long terme, qui doit être précédée par le renforcement des autorités de réglementation. En outre, une collaboration régionale (c’est-à-dire une production « régionale » plutôt que « locale ») serait à envisager pour permettre à long terme la création d’unités de production de produits de qualité et qui puisse être compétitive sur le marché.

Certes, la production locale de matériel médical a augmenté en Afrique depuis le début de la pandémie, mais elle très loin de satisfaire les besoins actuels et de répondre à long terme à la croissance rapide de la population. A Kampala, Joint Medical Store, un laboratoire bénéficiant de collaborations au Nord, a lancé avec succès des chaînes de production de gants chirurgicaux, de désinfectant et de matériel de protection approuvé par kes autorités nationales qui ont été livrés localement et aux pays avoisinants, dont le Kenya.

Et les vaccins ?

Jusqu’au troisième trimestre de l’année 2020, la plupart des pays africains ont semblé être moins touchés par les vagues de la pandémie qui se sont succédées en Europe et en Amérique. Mais, depuis octobre 2020, les pays africains sont de plus en plus touchés et leurs formations sanitaires sous-équipées de plus en plus sollicitées. Dans le monde, la vaccination anti-Covid-19 concerne seulement cinquante pays jusqu’ici. A eux seuls, dix pays disposent de 75% de doses de vaccin anti-Covid-19, avec Israël et le Royaume-Uni qui font la course en tête. On estime que les septante pays à revenus les moins élevés au monde pourront vacciner seulement dix pourcent  de leur population en 2021. L’initiative Covax a permis la livraison d’un premier lot de vaccins en Afrique ce 24 février (au Ghana). Quant à la Chine et à la Russie, elles livrent aussi du vaccin en Afrique : c’est la ‘diplomatie du vaccin’ ; leur vaccin est mieux adapté à la situation africaine que les vaccins à très thermosensibles qui sont administrés en Europe et en Amérique du nord.

Position de AEFJN :

Il importe d’assurer un accès égal à la vaccination des populations africaines. C’est une question d’équité mais aussi de sécurité car plus le virus continuera à circuler, plus il mutera avec possibilité d’apparition de nouveaux variants  pathogènes pour l’homme.

Il faut que les pays riches donnent à l’Initiative Covax les moyens de monter en puissance.

Le moratoire sur les droits de propriété intellectuelle (ADPIC) sur les vaccins est bloqué par les pays riches à l’O.M.C. alors que ce serait un excellent moyen de faire baisser le prix des vaccins grâce à la concurrence entre fabricants. Un changement de politique commerciale est nécessaire au nom de l’urgence humanitaire que représente cette pandémie.

Signez la pétition du People Health Movement demandant un moratoire sur les :ADPIC

https://phm-na.org/2021/02/call-from-the-global-south-to-rich-countries-dont-block-the-trips-waiver-proposal/

Christian Roberti

 

 

[1] Un produit de santé peut être un médicament (y compris un vaccin), du petit matériel médical, un produit de laboratoire ou un test…