L’Accord de Cotonou[1] est le cadre global pour les relations de l’Union Européenne (UE) avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et il repose sur trois piliers: la coopération au développement, la coopération économique et commerciale et la dimension politique. Cet accord sera valable jusqu’en 2020. La Commission Européenne a entamé le processus d’un nouvel accord post-Cotonou et a présenté un premier projet en décembre 2017, tout en annonçant que la négociation avec l’Afrique commencerait en septembre 2018. Ainsi le projet a été présenté avant cette négociation … Ce détail met en lumière l’attitude de l’UE.
C’est dans le domaine de la coopération économique et commerciale que les pays d’Afrique subsaharienne et l’UE ont négocié l’Accord de partenariat économique (APE). Cependant, la balance commerciale entre l’Afrique et l’Europe est encore coloniale après plusieurs siècles. Rien n’a vraiment changé. L’UE a exprimé sa volonté de changer les relations commerciales avec l’Afrique en tant que partenaire, mais n’a pas réussi à la mettre en pratique. L’Europe continue de manipuler son pouvoir économique sur les économies africaines qui dépendent davantage des pays occidentaux que par le passé. Le contenu des APE est adapté à la situation des différents pays et économies, mais la même dynamique de (néo) libéralisation économique persiste.
Actuellement, il y a 5 différentes négociations d’APE avec différentes régions africaines[2]. Cependant, seuls 7 pays d’Afrique mettent en œuvre des APE provisoires ou intérimaires (uniquement le commerce de biens), mais l’Union Européenne a l’intention de négocier des APE complets qui incluraient la libéralisation des services, des marchés publics et des investissements directs étrangers. Ainsi, l’Europe a une grande partie de ce qui se passe en Afrique en ce qui concerne le commerce et elle se joue dans la vie et le bien-être social des gens ordinaires ainsi que dans le domaine de l’environnement. Les APE favorisent les intérêts européens au détriment des pays africains. Ils sont en faveur des États membres de l’UE. Ainsi, les APE doivent être annulés ou ne plus être poursuivis. Le ralentissement du processus a été le principal succès de la société civile au cours de la dernière décennie.
Les gouvernements nationaux africains sont conscients de leur situation mais le manque d’espace politique, d’institutions démocratiques fortes et la corruption endémique dans la politique africaine font qu’il leur est plus difficile d’agir différemment. Les différents engagements commerciaux entre l’UE et les pays africains, individuellement ou par groupes, rendent l’intégration régionale en Afrique pour le commerce extrêmement difficile, voire impossible. Par conséquent, le travail de plaidoyer sur le commerce est très long pour améliorer les accords afin de rétablir une balance commerciale, non seulement entre les pays africains et l’UE, mais entre tous les pays en développement et l’UE dans d’autres accords multilatéraux[3].
Il existe dans les APE un espace qui permet des différences dans les normes opérationnelles et de qualité dans les pays africains en matière d’investissement et de commerce sur les APE, différences qui ne sont pas autorisées dans les pays de l’Union Européenne. Pour cette raison, rien ne devrait être autorisé dans les pays africains concernant l’investissement et le commerce sur les APE, qui ne serait pas autorisé dans les pays de l’Union Européenne. Le travail de plaidoyer peut aider à améliorer le résultat des accords APE en faveur des pays africains et de leur population dans différents domaines.
Le premier élément qui devrait être inclus dans les négociations des APE est les droits humains, les normes du travail et les chapitres sur le développement durable. L’UE a déclaré que de nouveaux accords commerciaux incluent ces chapitres[4]. Cependant, ce n’est pas le cas dans les APE avec l’Afrique. Ils ne sont même pas prévus dans l’accord actuel avec les régions de la Communauté de développement d’Afrique australe (CDAA) ou de la CEDEAO. Les accords commerciaux ne peuvent pas être négociés à n’importe quel prix et ils devraient protéger les droits humains et sociaux de leurs populations, l’environnement ainsi que la durabilité de leurs économies.
Deuxièmement, le travail de plaidoyer sur le commerce et spécifiquement sur les APE a une tâche pertinente dans les questions techniques comme les sauvegardes bilatérales, les obstacles techniques au commerce (TBT) ainsi que les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), les normes de qualité et la facilitation du commerce. Il est évident que les économies de l’Afrique et de l’Europe sont à différents stades de développement. Une négociation gagnant-gagnant doit commencer par un principe de réalité conscient que les économies africaines ont besoin de protection pour renforcer leur industrie naissante. Les pays africains ne peuvent pas perdre les revenus qu’ils reçoivent des tarifs d’importation, essentiels pour maintenir les services sociaux tels que l’éducation et la santé.
Mais un troisième domaine de travail de plaidoyer doit être axé sur les politiques commerciales de l’UE. Les instruments actuels de défense commerciale, les politiques de subventions sur l’agriculture et la pêche et le règlement des différends entre investisseurs et États de l’UE doivent être réadaptés pour parvenir à des accords équitables avec les pays africains. L’UE a supprimé les subventions à l’exportation, mais il existe encore des mécanismes subtils qui empêchent une concurrence loyale avec les économies africaines.
Ces trois domaines de travail de plaidoyer sont essentiels pour obtenir un accord de partenariat économique équitable entre l’UE et les pays africains. Les APE doivent être utiles pour obtenir un développement durable pour tous et doivent servir l’intérêt général de la population et pas seulement un intérêt particulier ou des sociétés transnationales. L’UE doit réformer non seulement ses politiques commerciales mais aussi sa manière de négocier avec les pays en développement. Promouvoir les valeurs de la démocratie internationale relève de la coresponsabilité et non seulement de l’imposition de ses propres capacités et intérêts.
José Luis Gutiérrez Aranda
Policy Officer Commerce
[1] Les relations politiques et économiques entre l’Afrique et l’Europe ont été gouvernées par différents accords dans les 40 dernières années : convention de Lomé (1975), accord de Cotonou (2000) et dans les années à venir le nouvel accord post-Cotonou (2020)
[2] http:// [2] http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2009/september/tradoc_144912.pdf
[3] https://euobserver.com/economic/140767
[4] http://ec.europa.eu/trade/policy/policy-making/sustainable-development/