Je me souviens encore très bien du Principe de Le Chartelier. Je l’ai rencontré pour la première fois au collège, dans une matière appelée Science intégrée. Le principe décrit ce qui se passe dans un système chimique qui est dans un état d’équilibre global appelé equilibrium. Selon ce principe, un système vise toujours un état d’équilibre. Cependant, si l’une des conditions qui l’aident à maintenir son équilibre change, le système chimique dans son ensemble s’ajuste pour atteindre un nouvel état d’équilibre. Cette simple observation est généralement vraie pour différentes grandes structures, telles que les systèmes thermodynamiques, l’écosystème, le système biologique, le système social et même ce qu’on appelle le « système économique ». Le réchauffement climatique, par exemple, peut généralement être compris dans ce sens comme les ajustements de l’écosystème pour atteindre un nouvel équilibre. Le changement d’équilibre est provoqué par l’épuisement de ses ressources naturelles lorsqu’il n’a pas la capacité correspondante de régénérer les ressources. Il est certain que l’atteinte de ce nouvel état d’équilibre s’accompagne d’un coût élevé, comme nous l’avons vu dans la lutte mondiale contre le changement climatique. Cependant, la demande continue d’ajustements ou plutôt de changements constants pour s’adapter aux nouvelles réalités est toujours bien accueillie pour la survie des différentes espèces, à l’exception des humains. Il n’est donc pas surprenant que l’histoire humaine soit une avalanche de crises de différentes natures et qu’elle ait mis la communauté humaine dans une quête insaisissable d’une paix durable.
Jusqu’à présent, l’étendue et la diversité des réponses nationales à la pandémie actuelle de COVID-19 ont révélé beaucoup de failles et de dysfonctionnements dans la communauté humaine. Avec la réouverture par les pays du Nord de leurs économies fermées, l’atteinte d’un nouvel équilibre de vie ou plutôt d’une nouvelle normalité est au centre des conversations mondiales post-COVID-19. La société civile appelle à une reprise juste après COVID-19, mais ce qui est « juste » reste contextuel. Alors que le monde continue de compter ses pertes économiques, le nombre de morts et la déstabilisation de l’appareil sanitaire mondial résultant de la pandémie, AEFJN a examiné les impacts négatifs du système alimentaire mondialisé sur l’Afrique dans le cheminement vers la nouvelle normalité. Un élément d’une juste reprise pour l’Afrique est un changement du système alimentaire mondial qui lui assurera un système d’approvisionnement alimentaire sécurisé. En ce qui concerne la crise alimentaire dans le cadre de la relance post-COVID-19, l’Afrique est assise sur un baril de poudre à canon dangereuse. Cette préoccupation ne concerne pas la manière d’atténuer la crise alimentaire africaine imminente par des aides alimentaires, mais un appel à procéder à l’ajustement systémique qui doit mettre l’Afrique sur la voie de sa souveraineté alimentaire et de la résilience de la chaîne alimentaire. Dans une pandémie comme celle de COVID-19, être capable de cultiver et de fournir sa nourriture est la clé de sa survie. Plus que toute autre chose, la capacité de cultiver et de gagner votre nourriture vous donne le sentiment d’être maître de votre destin.
Avec l’interdiction des vols due à la pandémie, le transport de nourriture d’une région du monde à l’autre a été soudainement suspendu. Désormais, les pays doivent manger ce qu’ils produisent, et le sort des pays qui dépendent des approvisionnements extérieurs pour leurs denrées alimentaires ou leurs aides alimentaires est devenu précaire. C’est dans ce contexte qu’AEFJN considère la révision du système alimentaire mondial comme un besoin urgent dans la relance post COVID-19. L’Afrique doit être la pointe de flèche de sa souveraineté alimentaire et se libérer du système alimentaire mondialisé contraignant. Ce dont l’Afrique a besoin aujourd’hui pour réaliser cet exploit est le genre d’attitude intransigeante dont fait preuve le présent Andry Rajoelina de Madagascar. Contre toute attente, il s’en est tenu à sa croyance en lui-même et en l’intelligence et la capacité de l’Afrique à prendre son destin en main. Bien que nous ne souscrivions pas à l’utilisation de solutions non certifiées cliniquement comme remèdes au COVI-19, nous considérons que le mépris total de ses revendications par la communauté internationale est désobligeant, condamnable et une perpétuation de la mentalité selon laquelle le salut doit venir de l’Europe ou de l’Amérique. Au lieu de dénigrer Rajoelina il devrait être félicité pour s’être fait le champion de l’émancipation mentale de l’Afrique, une voie rarement empruntée en cette période de crise mondiale.
L’Afrique possède les terres les plus arables de la planète, avec un riche climat tropical. Elle a le potentiel de se nourrir et avoir des excédents à partager avec la communauté humaine mondiale. Toutefois, c’est cet état d’esprit d’autonomie qui est nécessaire pour faire de l’énorme potentiel de la souveraineté alimentaire de l’Afrique une réalité. L’Afrique n’a pas besoin de l’approbation du monde occidental pour promouvoir son système alimentaire. Dans l’attente d’une nouvelle normalité plus durable, l’Afrique doit poursuivre plus vigoureusement la souveraineté alimentaire et le système d’approvisionnement alimentaire qui lui convient. Pourquoi le système alimentaire de l’Afrique doit-il être guidé par le programme mondialiste de production de masse, motivé par l’extension des marges bénéficiaires ?
En outre, la souveraineté alimentaire va au-delà de la garantie d’un système d’approvisionnement alimentaire stable et résistant aux chocs tels que la pandémie actuelle. Le système alimentaire doit être respectueux de l’environnement et préserver les divers types de forêts et d’aliments qui disparaissent rapidement au profit des plantations industrielles. Un système de souveraineté alimentaire durable dans la nouvelle normalité doit préserver les semences, les terres agricoles, les forêts et l’eau de l’Afrique. Il doit protéger et soutenir les services des agriculteurs locaux et garantir des chaînes d’approvisionnement alimentaire régionales. Il est urgent que l’Afrique prenne conscience de la réalité de sa souveraineté alimentaire dans la nouvelle normalité. Il n’y a pas de meilleur moment pour réengager la question de la souveraineté alimentaire de l’Afrique que maintenant, de manière critique ; le plan mondial pour la reprise après la pandémie COVID-19 rendra ce point amplement clair dans les prochains mois.
Chika Onyejiuwa
AEFJN