Introduction
Les Objectifs de développement durable (ODD) sont un agenda ambitieux des Nations unies pour développer 17 objectifs et d’autres cibles spécifiques visant à la réduction de la pauvreté et la construction d’un monde meilleur pour tous… Cet agenda accepté par 193 pays est entré en vigueur le premier jour de 2016 en remplacement des Objectifs de développement du millénaire. Pour les 15 années à venir, les ODD essaieront de mettre fin à la faim, d’atteindre l’égalité des genres, d’améliorer les services de santé et d’assurer que tous les enfants du monde aillent à l’école. Le nouvel agenda promeut des sociétés pacifiques et inclusives et de meilleurs emplois, et répond aux défis environnementaux du changement climatique.
Les ODD intègrent les dimensions sociale, économique et environnementale afin de promouvoir le développement humain et économique. Chaque objectif établit des cibles spécifiques qui doivent aider la mise en œuvre des objectifs principaux. L’agenda inclut certains aspects relatifs à la paix, la justice et la bonne gouvernance. Les ODD soulignent que la cible principale est de répondre aux besoins de tous, à la fois dans les pays développés et les pays en voie de développement. Dans ce but, ils adoptent des ressources économiques et financières, la technologie et le développement de structures de collaboration entre les pays[1].
ODD et développement économique
Les ODD développent des cibles pour obtenir un monde meilleur, mais sont-ils réalistes ? Ils ne veulent exclure aucune population et ils promeuvent le développement humain pour tous, et pour l’obtenir les ODD proposent une croissance économique durable. A première vue, cela semble une bonne stratégie, mais est-ce réellement faisable ? Que signifie exactement un développement économique durable ? Dans un monde limité avec des ressources limitées, est-il possible d’atteindre une croissance économique continue ? Quel est le prix à payer pour la planète ? Quel est le coût pour les pays en voie de développement ? Et quel est le rôle du commerce dans ce développement économique ?
Bien qu’il n’y ait pas de définition commune pour le développement durable, il est souvent défini comme “développement qui répond aux besoins et aux aspirations du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre à leurs propres besoins”.[2] Et pour l’obtenir, les ODD proposent l’objectif 8: Promouvoir une croissance inclusive et durable. Cependant, aujourd’hui chacun est conscient qu’il n’est pas possible de maintenir à long terme les modèles actuels de développement, production et consommation. Alors, gardant cela à l’esprit, que proposent les ODD ?
A ce point, la déclaration des ODD établit des objectifs idéalistes pour établir une économie solide, pour partager la richesse des pays, et lutter contre les inégalités entre les pays et à l’intérieur de ceux-ci (objectif 10). Le document fournit un ensemble de bonnes intentions et mesures et il reconnaît des problèmes actuels dénoncés par la société civile, tels que l’agriculture intensive, l’épuisement rapide et extensif des ressources naturelles, les modes de production et le modèle de consommation du monde développé, sans offrir cependant de solutions. En même temps, la déclaration des ODD admet que les accords commerciaux internationaux sont parfois imposés par des pays économiquement plus forts. Les pays en voie de développement doivent souvent accepter un accord économique imposé par des pays développés afin de maintenir d’autres aides économiques ou simplement pour garder leur accès aux pays de leurs marchés.
Objectifs de développement durable sur le commerce : un paradoxe
Le commerce joue un rôle pertinent dans l’économie mondiale avec un fort impact social et environnemental. De ce fait, afin d’obtenir une économie durable, il est nécessaire de mettre en œuvre des réglementations légalement contraignantes dans les accords commerciaux internationaux pour assurer un développement humain et économique à long terme.
Parmi les plus grands traités économique internationaux actuels, et ceux qui sont toujours en cours de négociation, nous pouvons mentionner les suivants : CETA (entre l’UE et le Canada), FTAAP (Asie-Pacifique), TTIP (UE-USA), RCEP (pays sud-asiatiques) ou les APE (UE-Afrique). Aucun de ces traités ne garantit un modèle pour le développement durable, ni n’a mis en œuvre aucune mesure obligatoire dans sa forme actuelle pour assurer un nouveau modèle de consommation ou de moyens de production. Aucun des traités actuels, ou des traités en cours de négociation, n’a pris aucune mesure légalement contraignante relative aux droits humains, au respect des droits du travail, au souci de l’environnement, au paiement de taxes justes, à la transparence des acquisitions publiques ou à toute autre mesure incluse dans les ODD.
Je considère que les accords commerciaux actuels doivent être révisés et mettre en œuvre des chapitres ‘durables’ qui garantissent le respect des droits humains (et pas simplement comme une déclaration d’intention dans leur préambule), ils doivent incorporer le respect des droits fondamentaux des travailleurs selon les normes de l’Organisation internationale du travail (OIT), et aider à mettre fin à la dégradation de l’environnement. De même, les accords commerciaux en cours de négociation (c.-à-d. les accords de partenariat économique entre l’Union Européenne et différentes régions africaines) doivent incorporer de tels chapitres ‘durables’ avec des dispositions consacrées aux aspects du développement durable qui ont de l’importance dans le commerce.
Les ODD établissent un lien entre le développement humain et le développement économique et ils proposent une croissance économique ‘per capita’ en accord avec les circonstances économiques[3]. Comme dans les traités mentionnés ci-dessus, les ODD considèrent que la croissance économique réduit nécessairement la pauvreté et produit le bien-être de la population. Cependant, l’hypothèse que des niveaux plus élevés de production résulteraient en une transformation économique ne s’est pas vérifiée pour beaucoup des peuples les plus pauvres[4]. Le développement économique doit entreprendre des mesures sociales et environnementales globales en établissant la coresponsabilité entre toutes les parties prenantes impliquées dans les accords commerciaux.
Pour assurer un réel progrès dans la durabilité de l’économie, tant les pays développés que les pays en voie de développement doivent assurer la mise en œuvre correcte de réglementations légalement contraignantes. Autrement les gouvernements répéteront les mêmes erreurs que par le passé mais avec le mot ‘durable’ dans leurs documents. Si les accords économiques ne corrigent pas la cohérence de leurs politiques afin d’obtenir un développement plus équitable, alors les ODD seront au service des profits des plus riches du monde mais non au service du développement humain de tous.
José Luis Gutiérrez Aranda
AEFJN Advocacy Officer Trade
[1] http://www.un.org/fr/sections/priorities/economic-growth-and-sustainable-development/index.html
[2] Our Common Future. By World Commission on Environment and Development [Notre avenir commun, par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement] (London, Oxford University Press, 1987, pp.383).
[3] Cible 8.1.
[4] An Economy For the 1%. (une économie au service des 1%)
https://www.oxfam.org/fr/rapports/une-economie-au-service-des-1