Alors que nous commençons la mise en œuvre du plan d’action AEFJN 2019-2022, notre attention est, une fois de plus, focalisée sur tout ce qui favorise la pauvreté, la  faim et la destruction écologique en Afrique. Pour des raisons difficiles à comprendre, les pays industrialisés d’Europe, d’Amérique et d’Asie ont choisi d’exploiter ces situations de détresse. Pour eux la faim, la pauvreté et la destruction de l’environnement en Afrique  subsaharienne sont autant d’occasions de se construire des monuments à leur propre gloire. Chaque jour, des rapports font état de traités bilatéraux et multilatéraux d’investissement visant à promouvoir le développement de l’Afrique, à accroitre l’économie africaine et à promouvoir le partenariat public-privé en Afrique. Les résultats ont montré qu’il s’agit d’histoires sournoises  pour maintenir le statu quo, des chevaux de Troie qui compromettent l’intégrité globale du continent africain à mesure que leur véritable nature se révèle.

En raison des divers accords commerciaux bilatéraux et des traités multilatéraux d’investissement, l’Afrique est devenue une destination de choix pour les investissements étrangers directs. La protection des intérêts de l’investisseur est quasiment de règle dans ce régime commercial, mais il n’y a pas d’effort correspondant pour protéger les intérêts des communautés hôtes. Ce qui est le plus surprenant, c’est les efforts désespérés du gouvernement hôte pour assurer la protection des investisseurs, même au détriment du bien de ses citoyens, en signant des contrats sans tenir dûment compte des communautés hôtes. Le summum  de ce comportement fâcheux est la promesse et l’espoir que les investissements apporteront développement, technologie et croissance économique à leurs pays. Malgré le nombre croissant de ce qu’il est convenu d’appeler le Partenariat Public Privé, le continent africain est resté la demeure d’une multitude de populations pauvres et épuisées.

Ce que nous avons plutôt vu, c’est l’accaparement des terres agricoles appartenant aux communautés, l’exploitation éhontée des ressources du sous-sol , la pollution de l’eau et de l’environnement, les conflits, les migrations et l’approche inhumaine de la question  des migrants. Ce qui aurait contribué à l’Africain à travers les investissements est perdu par les allégements fiscaux, le rapatriement des bénéfices et les flux financiers illicites. En dernière analyse, les régimes d’investissement et leurs programmes sont des tuyaux qui siphonnent l’Afrique pour faire croître les investisseurs et leurs économies nationales. A la lumière de tout cela,  pouvons-nous encore continuer à croire à la sagesse des gouvernements nationaux africains ? Tous ces investissements et aides à grande échelle ne sont-ils pas finalement que des mensonges monumentaux ?  Pourquoi continuer à se faire concurrence pour  attirer ces financements  chacun chez soi, dans son  pays respectif et, par les mêmes moyens, hypothéquer les précieux instruments nationaux et culturels qui favorisent la cohésion sociale et nationale, la protection environnementale et la dignité de ses citoyens ?

Il faut reconnaître que les structures de négociation des régimes dits bilatéraux et multilatéraux d’investissement qui servent de médiateurs pour les investissements fonciers à grande échelle en Afrique ne sont en aucune façon comparables. Les pays développés d’Europe et d’Amérique dictent unilatéralement les termes et conditions des investissements ; les accords sont au mieux des régimes d’investissements unilatéraux. L’espace politique africain étant déjà miné par les régimes d’investissement, c’est très facile de voir comment la pauvreté, la faim et l’inégalité croissante en Afrique se sont maintenues au cours des siècles et comment la course aux investissements étrangers directs en Afrique est toujours aussi serrée. Si la communauté mondiale, et en particulier l’UE, est réellement soucieuse de contribuer à la croissance de l’Afrique, ces structures de négociations déséquilibrées doivent être reconnues et compensées dans l’accord de partenariat économique (APE) en cours. L’UE doit reconnaître que l’appauvrissement systématique de l’Afrique a de lourdes répercussions sur l’Europe.

Le point soulevé est crucial dans le contexte de l’incohérence que la société civile a depuis souligné dans les politiques de développement et les régimes commerciaux de l’UE. Récemment, la Coalition contre la Faim a mis le doigt sur deux exemples pour illustrer ces incohérences. La coalition montre comment l’excès de lait produit dans l’UE a tué la production laitière locale dans l’espace CEDEAO. Les producteurs locaux produisaient déjà 70% des besoins locaux en lait et ont le potentiel de produire suffisamment de lait pour la région. Toutefois, l’excédent de lait produit dans l’UE, lorsque les quotas de production ont été supprimés, a été converti en lait en poudre et écoulé dans la région à un taux très bas qui a rapidement étouffé la production locale de lait dans chaque pays. Qu’arrivera-t-il maintenant à ces producteurs domestiques locaux ? L’exemple n’est que la pointe de l’iceberg de ce qui arrivera aux industries locales lorsque la forme actuelle des APE sera pleinement mise en œuvre.

De même, les régimes de commerce et de financement qui encouragent l’investissement foncier à grande échelle aggraveront la situation déjà précaire des petits exploitants agricoles africains et leur sécurité alimentaire. Tout cela risque de se combiner pour finalement déclencher davantage de migrations vers l’Europe à travers la dangereuse mer Méditerranée . L’Afrique est à la croisée des chemins de son histoire et ce dont elle a surtout besoin maintenant, ce sont des collaborateurs sincères pour l’aider à réaliser le programme 2030. Les Partenariats Publics Privés (PPP) doivent être fidèles à tout ce qui a été dit de bien à leur sujet et viser avant tout à sortir l’Afrique de l’emprise de la pauvreté. Ces partenariats doivent être vraiment et automatiquement des antidotes aux crises de développement qui perdurent en Afrique et non un « remake » des vieilles histoires du passé .Stop aux chevaux de Troie habillement déguisés , splendides en apparence mais pleins de maléfices dans  leurs entrailles.

Chika Onyejiuwa

AEFJN