Le fait de répéter le même mensonge à maintes reprises ne fait pas du mensonge une réalité ; les accords de partenariat économique (APE) ne contribuent pas à la réduction de la pauvreté.

La Direction générale du commerce de l’Union européenne (DG Commerce) présente chaque année des rapports et des documents actualisés dans lesquels elle informe le public de la progression des accords de partenariat économique (APE).[1]  Les APE sont des accords de libre-échange conformes aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et fournissent le cadre juridique des relations commerciales entre l’Union européenne (UE) et les pays africains. Dans les documents qu’elle publie, l’UE montre sa conviction que ces accords commerciaux sont bénéfiques pour les deux continents et qu’ils contribuent à réduire la pauvreté, à créer des emplois, des infrastructures et à améliorer la condition de vie des gens vivants dans les régions dans lesquelles ces traités sont conclus. [2]

L’UE tente de mettre fin aux avantages commerciaux que les pays développés ont traditionnellement accordés aux pays en développement par le biais des APE, en faisant valoir que les règles de l’OMC exigent des conditions égales pour tous les pays et que cela permettrait de mieux équilibrer les avantages commerciaux d’un côté comme de l’autre. Cependant, on peut se demander si, au cours des 40 dernières années (convention de Lomé et accords de Cotonou), ces accords économiques n’ont pas eu d’effets positifs, comment l’UE peut-elle continuer à répéter que ces accords sont capables de réduire la pauvreté ?

Alors que les pays de l’UE veulent poursuivre sans limite leur croissance, les pays en développement aspirent légitimement à de meilleures conditions de vie qui soient favorables à leur population. Cette tendance à une croissance économique sans limites montre que le système économique actuel n’est pas viable ; pire encore, cette croissance économique conduit à l’appauvrissement de nombreuses populations. L’augmentation du commerce international et l’exploitation des ressources naturelles pour maintenir le modèle de consommation que la mondialisation a créé est basée sur le pillage des ressources naturelles. [3] Dans le cas de l’Afrique, les accords commerciaux et le travail des grandes entreprises de ce continent ont toujours un impact sur la population.  En théorie, la présence de ces entreprises en Afrique est nécessaire parce qu’elles offrent des opportunités d’emploi à la population, améliorent l’infrastructure des pays et apportent un bénéfice économique à la société qui permet un développement intégral des personnes.

Cependant, nous constatons que l’UE et d’autres pays développés abusent de leur pouvoir économique pour obtenir des avantages dans les négociations d’accords commerciaux et pousser les pays africains à signer des accords qui leur sont clairement défavorables. En outre, dans le cas de l’UE, il n’y a pas d’engagement clair à garantir le développement durable dans ces pays ni d’engagement à exiger de leurs entreprises qu’elles respectent les droits de l’homme. Les affaires sont synonyme de business et de négoce, mais le commerce concerne aussi des millions de personnes et leurs emplois sur les deux continents. Par conséquent les représentants de la population et de la société civile devraient participer à leurs négociations et à leur mise en oeuvre.

La transformation des politiques européennes en matière de commerce international exige également que les gouvernements des petites et moyennes entreprises africaines se protègent pour résister à l’afflux d’entreprises européennes qui arriveraient dans l’économie africaine si des APE complètes étaient mises en œuvre. Les sociétés multinationales réalisent souvent d’énormes investissements en Afrique avec des profits économiques à l’horizon. Ils placent leurs intérêts économiques au premier plan, sans respecter les lois nationales et les droits fondamentaux des personnes et des communautés dans lesquelles ils opèrent (exploitation du travail, pollution ou corruption, etc.).

Puisque l’UE facilite la réalisation d’accords économiques, l’UE devrait, avec la même impulsion, garantir le respect et la protection des droits des travailleurs et des droits de l’homme par leurs entreprises en dehors du territoire européen. Les États membres de l’UE ont l’obligation de veiller à ce que leurs sociétés d’investissement respectent les accords économiques et les traités internationaux. La promotion du commerce international doit avant tout protéger et défendre les personnes qui rendent les traités commerciaux possibles.

Les APE soutenus par les entreprises européennes et les décideurs politiques libéraux ouvrent de nouvelles opportunités aux producteurs, agriculteurs, prestataires de services et investisseurs européens qui se concentrent sur les occasions d’investissement en Afrique. Cependant, elles ne sont pas respectueuses d’une agriculture durable et ne comportent aucune disposition juridiquement contraignante qui respecte les droits de l’homme en Afrique.

La Commission européenne insiste pour que ces accords favorisent également le développement durable, en effet ils contiennent des références vagues à la protection de l’environnement et aux droits des travailleurs, ainsi qu’à la promotion de l’égalité des sexes. Toutefois, ces références sont un autre exemple de l’absence de détermination de l’UE à mettre en œuvre une réglementation juridiquement contraignante pour protéger les droits humains et sociaux dans le commerce international. [4]

AEFJN plaide pour l’intégration dans les APE de chapitres juridiquement contraignants qui incluent des dispositions spéciales sur la durabilité et le genre. AEFJN plaide pour des dispositifs légaux qui défendent les droits des communautés qui ont à faire avec des entreprises étrangères. Ces arrangements doivent permettre  de poursuivre les entreprises devant la justice internationale en cas d’abus ou de violation des droits de l’homme commis par des sociétés multinationales. Tant que l’UE ne modifiera pas ses politiques commerciales internationales et ne s’engagera pas à respecter les droits des personnes avec la même intensité qu’elle promeut les droits des investisseurs dans les traités internationaux, les APE contribueront bien à promouvoir les intérêts économiques de l’UE, mais ne seront pas un outil pour promouvoir les valeurs de solidarité, liberté et équité avec comme conséquence que les APE n’aideront à réduire la pauvreté nulle part.

José Luis Gutiérrez Aranda

AEFJN Policy Officer

[1] European Commission, DG Trade, Overview of Economic Partnership Agreements http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2009/september/tradoc_144912.pdf

[2] European Commission http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2017/february/tradoc_155300.pdf

[3] Ecologist, Why economic growth is not compatible with environmental sustainability, https://theecologist.org/2018/feb/22/why-economic-growth-not-compatible-environmental-sustainability

[4] OECD, OECD Due Diligence Guidance for Responsible Business Conduct, http://mneguidelines.oecd.org/OECD-Due-Diligence-Guidance-for-Responsible-Business-Conduct.pdf