Illustration of an European Union long shadow flag with a map of the african continent

Le sixième sommet Union africaine (UA) – Union européenne (UE) se tiendra les 17 et 18 février 2022 à Bruxelles. Cette réunion a été reportée ces deux dernières années en raison de la situation du COVID’19 afin de pouvoir la tenir dans un mode de face-à-face qui assure la présence des dirigeants des deux parties impliquées dans la réunion. La réunion est attendue avec des intérêts différents de la part de l’Afrique et de l’UE. Alors que l’Union européen donne la priorité à la reprise économique post-pandémique, aux préoccupations liées au changement climatique et aux questions de sécurité (notamment le contrôle des migrations), de nouveaux défis apparaissent en Afrique en raison des changements économiques, politiques, sociaux, technologiques, démographiques et climatiques.[1]

En outre, le sommet Afrique-UE coïncidera avec la présidence française du Conseil européen. La France est le pays européen qui a probablement le plus d’intérêts économiques sur le continent africain, notamment dans l’économie ouest-africaine, par le biais d’investissements commerciaux et de l’extraction de ressources minérales dans des pays tels que le Sénégal, le Niger et le Mali. En effet, la stabilité financière des pays francophones d’Afrique de l’Ouest (14 pays) dépend directement du soutien de la France et ces pays africains continuent de financer la dette publique française par le biais du franc CFAS.[2]

Mais quels sont les défis de l’Afrique lors de la prochaine réunion UA-UE ?

  1. Les défis liés à la pandémie COVID-19

Les défis créés par la pandémie ont été abordés différemment par les gouvernements d’Afrique et d’Europe. D’une part, l’UE a agi de manière coordonnée dans l’achat et la distribution de vaccins et a développé des mesures de prévention, qui visent à éradiquer le virus. Toutefois, le comportement de l’UE a montré que ses mesures de lutte contre la pandémie ne sont pas efficaces. L’Europe et les pays ayant un accès facile à la vaccination ont pensé qu’ils pouvaient combattre la pandémie sur leur propre territoire et ont développé des stratégies égoïstes d’accumulation de vaccins qui ont exclu d’autres pays et régions. Ainsi, alors que l’Europe bénéficie d’un taux de vaccination élevé (plus de 70%) au sein de sa population, dans certains pays africains, le taux de vaccination est inférieur à 10%.[3]  Le virus continue de muter et de générer de nouvelles souches qui maintiennent le virus actif et réduisent l’efficacité des vaccins.

La situation actuelle de la pandémie signifie que le principal défi pour l’Afrique n’est pas la reprise économique post-pandémique comme en Europe, mais un défi qui est encore très présent dans la pandémie. Alors que l’Europe a été occupée à accumuler des vaccins, la population africaine a développé sa propre façon de faire face à la pandémie, avec une vision différente du risque de la maladie et en doutant des avantages de l’immunité, générant une peur infondée des effets secondaires et une désinformation sur les vaccins. Et la  » générosité  » européenne du programme de distribution de vaccins COVAX est arrivée trop tard pour une population habituée à la résilience.

  1. Les défis climatiques

L’Afrique subit plus durement que les autres régions du monde les phénomènes météorologiques extrêmes causés par le changement climatique, tels que les sécheresses, les inondations et les vagues de chaleur fréquentes. Ces phénomènes entraînent la désertification de grandes parties de son territoire et provoquent des migrations forcées dues au changement climatique. Cependant, les émissions de gaz générées par l’Afrique représentent moins de 4 % des émissions de CO2 à l’origine du changement climatique.

De son côté, l’UE voit ses conditions de vie menacées par le réchauffement climatique et considère que ses efforts pour contrôler la hausse des températures doivent être coordonnés avec les autres régions du monde. L’UE estime donc que l’engagement de l’Afrique en faveur de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique doit être une priorité pour le continent et que nous devons lutter ensemble pour freiner la hausse des températures. Cependant, les moyens et la capacité de lutter contre le réchauffement climatique sont totalement différents selon les continents.

La situation de transformation et de croissance économique de l’Afrique est presque incompatible avec la capacité de générer des ressources permettant d’éviter le changement climatique, car son économie est basée sur des sources d’énergie fossiles qui génèrent du CO2. Par conséquent, le défi de l’Afrique dans sa lutte contre le changement climatique ne sera possible que si ses gouvernements sont impliqués dans la prise de décision mondiale et en aucun cas comme une imposition d’autres traités ou aides économiques. Le défi de l’agenda vert en Afrique est lié à l’investissement dans des infrastructures qui favorisent les énergies propres, qui favorisent une industrie qui contrôle les émissions de gaz, qui génère une agriculture qui élimine les cultures trop intensives et qui est capable de générer une transformation vers une économie basée sur des sources d’énergie renouvelables.

  1. Programme économique

Les pays subsahariens connaissent une véritable expansion économique. Leur taux de croissance économique est supérieur à la moyenne, même en période de reprise après la pandémie (2,8% en 2021 et devrait atteindre 3,3% en 2022). Cette croissance économique doit être transformée en une croissance du développement humain permettant la création d’emplois et d’opportunités pour sa population. Les données macroéconomiques ainsi que sa richesse en ressources naturelles (énergie) et son accès privilégié aux sources d’énergie renouvelables placent le continent africain dans une position privilégiée pour combattre son principal défi, à savoir l’extrême pauvreté dans certaines parties du continent.

Le défi économique de l’Afrique ne doit pas se concentrer sur la répétition de structures économiques obsolètes qui copient les traités économiques occidentaux tels que la Zone de libre-échange continentale africaine qui répète le même schéma que les Accords de partenariat économique entre l’UE et les régions africaines où les pays riches continueront à exercer leur pouvoir économique sur les pays plus pauvres. Au contraire, l’Afrique doit rechercher l’innovation en s’appuyant sur la transformation numérique de son économie et aborder son agenda économique en s’appuyant sur les capacités de ses nouvelles générations en favorisant les opportunités d’éducation et de travail durable.

Cependant, l’Afrique a un grand défi en ce qui concerne ses propres terres, ce qui nécessite de mettre des limites au pillage et à la vente de ses terres à des entreprises étrangères. Selon le SCEAM (Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar), plus de 25 millions d’hectares de terres africaines ont été vendus à des sociétés transnationales au cours des 10 premiers mois de 2021.  Les élites politiques doivent limiter leurs ambitions personnelles et freiner la corruption par des contrats faciles qui leur rapportent beaucoup d’argent en échange de plus de pauvreté pour leur peuple.

L’Afrique doit définir ses propres défis et ambitions, renforcer ses capacités et développer des opportunités qui garantissent la stabilité, la solidarité et la démocratie. Les défis du sommet UA-UE pour l’Afrique sont donc les défis d’un jeune continent qui doivent être abordés sous l’angle des besoins des populations et non des intérêts économiques des transnationales ou des élites du pouvoir politique. Si l’Europe veut réellement compatir aux défis du continent africain, elle devra assouplir ses ambitions de contrôle des richesses en Afrique et ce n’est qu’alors qu’elle aura compris ses propres valeurs de solidarité et de justice.

José Luis Gutiérrez Aranda

AEFJN Advocacy Officer

 

[1] Vers une stratégie globale avec l’Afrique https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020JC0004&from=FR

[2] Les banques centrales des pays utilisant le CFAS comme monnaie sont tenues de déposer une partie de leurs réserves de change auprès du Trésor français. Le quota de dépôt obligatoire est resté à 50 % depuis 2005.

[3] Notre Monde en Data, https://ourworldindata.org/covid-vaccinations