En scrutant l’évolution de la religiosité européenne, il est impératif de tenir compte des mutations significatives qui ont marqué les siècles passés. De l’enracinement profond dans la culture chrétienne à l’atténuation progressive des convictions religieuses face à la sécularisation, le cheminement de l’Europe offre des perspectives enrichissantes. Alors que nous méditons sur ces dynamiques, cela nous incite à évaluer l’état de la religiosité et son influence sur les normes et les comportements sociaux en Tanzanie.
La transition de l’Europe, d’un bastion de la culture chrétienne à un paysage dominé par la laïcité, n’a pas été abrupte. Elle fut plutôt un processus graduel influencé par divers facteurs tels que les mouvements philosophiques prônant les idéologies libérales, la révolution industrielle et le désenchantement découlant des guerres mondiales dévastatrices. Le résultat fut un affaiblissement de l’influence culturelle chrétienne jadis prépondérante, bien que l’inspiration chrétienne n’ait pas totalement disparu.
Tandis que la culture laïque offre des libertés, elle présente également des limites. Elle peine à fournir un cadre cohérent pour l’orientation morale et les valeurs sociétales, laissant un vide que la religion comblait autrefois. Cette observation nous incite à réévaluer le rôle de la religiosité dans la société tanzanienne.
En Tanzanie, la religiosité semble profondément enracinée dans le tissu culturel. Les individus professent leur foi en Dieu, et les pratiques religieuses sont intimement entrelacées dans la vie quotidienne. Cependant, une interrogation cruciale émerge : dans quelle mesure cette religiosité se traduit-elle par une adhésion spirituelle authentique et un comportement moral, particulièrement face à la corruption et à l’injustice qui prévalent ? Notre expression religieuse est-elle simplement le produit d’une tradition culturelle plutôt qu’une incarnation sincère de valeurs spirituelles ?
Les parallèles entre la trajectoire historique de l’Europe et le paysage religieux contemporain de la Tanzanie exigent une introspection. À moins que la religion ne pénètre plus profondément dans le psychisme des individus et des communautés, inculquant des valeurs religieuses authentiques comme fondement du comportement, elle risque de succomber au relativisme culturel et aux normes sociétales. La véritable conviction religieuse doit transcender une simple adhésion culturelle et les pressions sociétales.
En outre, l’examen du rôle de l’Église en Tanzanie s’avère nécessaire. En tant que communauté ecclésiale, embrassons-nous activement les enseignements sociaux de notre foi, ou restons-nous des spectateurs passifs face aux injustices sociales ? La réticence à accorder la priorité aux initiatives de justice sociale peut découler d’une insensibilité culturelle aux injustices systémiques ou d’une réticence à remettre en question le statu quo.
Le paysage politique de la Tanzanie ajoute une complexité supplémentaire. La concentration du pouvoir entre les mains de quelques-uns, associée à une focalisation sur la croissance économique plutôt que sur la lutte contre la pauvreté, reflète des valeurs sociétales plus larges qui ne correspondent peut-être pas aux principes de l’Évangile. En tant qu’Église, nous devons retrouver notre voix prophétique, plaider en faveur des marginalisés et défier les systèmes oppressifs, à l’instar de l’engagement historique de l’Église en Europe lors des périodes de bouleversements sociaux.
L’appel à l’action est clair. L’Église en Tanzanie ne doit pas fuir le débat public sur les questions sociétales. L’adoption des enseignements sociaux de notre foi peut servir de catalyseur pour un changement positif, favorisant la solidarité, la collaboration et un engagement envers le bien commun. Il est temps pour l’Église de réaffirmer sa pertinence dans le façonnement de la conscience morale de notre société et de plaider activement pour un avenir plus juste et équitable.
Alors que nous naviguons dans l’interaction complexe de la religion, de la culture et de la société, prêtons attention aux leçons de l’histoire et traçons une voie qui défend la dignité de chaque individu et promeut le Royaume de Dieu ici sur terre.
Victor Missiaen, M.Afr
Dar es Salaam Tanzania