De nombreux Érythréens ont été contraints de chercher refuge en Europe, mais on sait peu de choses sur le régime dictatorial et oppressif derrière la migration forcée qui a poussé nombre d’entre eux à quitter leur foyer ancestral.  En Erythrée la vague actuelle de règlements draconiens qui sévi vise en particulier l’Église catholique dans le but de la faire taire. Apparemment, il s’agit bien d’une politique du gouvernement qui veut  faire passer toutes les  institutions sous son contrôle direct, même si de toute évidence les établissements gérés par ce même régime ne sont pas les plus prisés et ne brillent pas par leur qualité. Malgré cela, l’Eglise catholique en Erythrée, qui ne représente que 4 % de la population, est restée ferme dans sa résistance à cette politique injuste.

Un petit résumé montre que l’histoire de l’Erythrée a été marquée par des siècles de lutte contre la domination étrangère.

Au 4ème  siècle elle fait partie du royaume d’Axoum

Au 16ème  siècle elle fait partie de l’Empire Ottoman

1890 – Devient une colonie italienne

1941 – Devient un protectorat britannique

1952 – Entre dans une fédération avec l’Ethiopie

1958 – Fondation du Front de libération de l’Erythrée (ELF)

1962 – Annexion officielle par l’Éthiopie suivie d’années de guerre fratricide

1993 – L’Erythrée devient indépendante après un référendum de l’ONU

L’ELF établit un système de parti unique socialiste et extrêmement répressif sous la direction du président austère et despotique ISAYAS AFEWERKI. Des dizaines de milliers de jeunes Érythréens ont fui à l’étranger pour échapper au service national sans fin.

1998 – Les conflits frontaliers avec l’Éthiopie culminent dans une guerre de deux ans.

2018 Le nouveau Premier ministre éthiopien ABIY AHMED ALI fait la paix avec l’Érythrée et reçoit le prix Nobel de la paix en 2019.

La plupart des chrétiens du pays appartiennent à l’Église orthodoxe. L’Église catholique, qui suit le rite des Geez, est une petite minorité mais est très active dans le domaine social. Les quatre éparchies (diocèses) comptent environ 160 000 catholiques ; malgré sa petitesse elle se distingue comme une Église courageuse et tenace. L’Église catholique est la seule institution du pays qui a osé critiquer le régime. Déjà en 2014, les évêques dénonçaient « les innombrables crimes du régime érythréen et le silence de la communauté internationale ».

L’accord de paix avec l’Éthiopie a fait naître l’espoir d’un nouveau départ pour l’Érythrée. Par leur lettre pastorale de Pâques 2019, les évêques ont voulu apporter une contribution constructive et concrète à un renouveau dans la politique et la société. Pour le régime, l’indépendance relative de l’Église catholique a toujours été une épine dans son pied. En juillet dernier, les 29 cliniques et hôpitaux catholiques, qui desservent principalement la population rurale la plus démunie ont été confisqués par les agents de la sécurité. Idem pour tout le matériel médical qui s’y trouvait. Les évêques ont répondu en déclarant « illégitime » l’action du gouvernement et en exigeant une justification pour la confiscation de ses hôpitaux. Le gouvernement s’est contenté de déclarer que ces mesures étaient conformes à un décret de 1995.

Début septembre, le gouvernement a fait un pas de plus en nationalisant les 50 écoles et établissements d’enseignement catholiques, même s’ils sont parmi les meilleurs du pays. Encore une fois, les évêques ont protesté sans succès contre la décision arbitraire et non fondée du gouvernement. Ils ont décrit la confiscation des écoles de l’Église comme un mouvement motivé par la « haine contre la foi ».

De nombreux observateurs voient dans cette expropriation brutale d’institutions religieuses la réaction d’un gouvernement tyrannique contre les courageuses lettres pastorales des évêques de 2014 et 2018. Leurs propositions positives pour un renouveau national après la réconciliation avec leur voisin l’Éthiopie ont été considérées par le régime comme une critique implicite de ses politiques antérieures. Dans ce gouvernement dictatorial – comparable à celui de la Corée du Nord – toute opposition est étouffée et les critiques muselées. Le gouvernement communiste ne tolère aucune initiative du secteur privé et veut limiter l’influence des communautés religieuses dans la vie publique. Il avait déjà placé l’Eglise orthodoxe sous son contrôle en supprimant le patriarche légitime et en le remplaçant par une marionnette de son choix. Par ces mesures, il tente d’affaiblir l’influence de l’Église catholique, mais malgré la tourmente  l’Eglise tient bon.

AEFJN est solidaire de cette Eglise Catholique d’Erythrée qui résiste envers et contre tout. Nous appelons le gouvernement érythréen à annuler ses politiques injustes. Nous appelons tous ceux qui font fonctionner les mécanismes de la justice internationale à s’exprimer sur cette horrible situation qui règne en Érythrée. Nous soutenons l’Église érythréenne dans son refus d’être réduite au silence face à la tyrannie et à l’oppression. Son obstination à rechercher la justice pour tous résonne comme une lourde accusation à l’encontre des nombreuses Conférences épiscopales qui à travers le continent africain se sont laissés  intimider par des dirigeants africains corrompus. Une Église qui ne se soucie pas des pauvres et des opprimés et qui ne fait pas entendre sa voix pour les défendre a perdu sa raison d’être (Matthieu 5:13). Se ranger aux côté des plus démunis, c’est en soi déjà une victoire. Bien sur les structures injustes ne peuvent être démantelées immédiatement, mais les pauvres et les opprimés ont ainsi la possibilité de s’apercevoir qu’il existe une institution qui les soutient dans leur lutte. Dans un monde où les nécessiteux et les marginalisés souffrent d’injustice et de répression, ce que fait l’Eglise en Erythrée c’est vraiment le genre d’évangile qu’il faut prêcher.

Chika Onyejiuwa

Wolgang Schoneke