L’accord contraignant de la Conférence de Paris (COP 21) sur le changement climatique a fixé l’objectif de réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère. Cette réduction du CO2 est considérée comme essentielle pour réduire de manière significative les risques produits par le changement climatique, ainsi que l’impact négatif qu’aurait une augmentation du niveau de la mer. L’accord a établi un plan d’action mondial pour limiter l’augmentation de la température à 1,5°C d’ici la fin du siècle.[1] Pour atteindre cet objectif, il a été jugé essentiel de réduire la consommation des sources d’énergie à base d’hydrocarbures et de promouvoir le développement des énergies renouvelables, qui sont des ressources naturelles capables de se renouveler sans limite.

Actuellement, la majeure partie de l’énergie est produite à partir de combustibles fossiles qui sont principalement des hydrocarbures (pétrole et gaz) et du charbon. Cependant, les énergies renouvelables sont créées à partir des forces de la nature, mais doivent être transformées pour être utilisées comme générateurs d’électricité. Le soleil, le vent, l’eau et la biomasse végétale ou animale sont des sources d’énergie inépuisables, qui ne génèrent pas d’émissions de CO2 dans l’atmosphère et qui sont considérées comme des énergies propres.[2] Mais pour parvenir à un modèle énergétique basé sur les énergies propres, il faut créer, transformer, stocker et canaliser les énergies renouvelables grâce à des éoliennes, des panneaux solaires, des batteries, des turbines, etc. Et c’est dans la fabrication de toutes ces technologies que nous trouvons la nécessité de découvrir de nouveaux matériaux plus efficaces et moins polluants.

Le passage d’une économie basée sur l’énergie des hydrocarbures à une économie basée sur les énergies renouvelables nécessite une période de transition énergétique au cours de laquelle il ne suffit pas de remplacer certaines sources d’énergie par d’autres, mais exige également de nouvelles technologies compatibles avec les sources d’énergie renouvelables, de modifier les modes de consommation, d’améliorer le recyclage, de réduire la consommation de plastiques à usage unique, de créer de nouveaux emballages moins polluants et de promouvoir des modèles d’économie circulaire qui favorisent la durabilité des ressources naturelles de la planète.

Le paradoxe de la transition énergétique vers une économie durable, respectueuse de l’environnement et sans émissions de CO2 dans l’atmosphère, se produit lorsque pour réaliser cette transition, il est nécessaire de créer de nouvelles technologies telles que les batteries électriques, les panneaux solaires ou les éoliennes. Ces technologies nécessitent de grandes quantités de matières premières et de minéraux stratégiques qui doivent être obtenus via l’industrie extractive. En d’autres termes, la transition énergétique pour parvenir à une économie durable nécessite de nouvelles technologies compatibles avec les sources d’énergie renouvelables et augmentera donc la dynamique négative de l’impact social et environnemental déclenché par les compagnies minières. C’est-à-dire que, paradoxalement, pour mettre fin à la malédiction des minéraux dans les pays en développement, nous devons continuer à les accepter et à les supporter pendant des décennies.[3]

Dans les pays subsahariens, malgré les énormes efforts déployés ces dernières décennies pour amener l’électricité partout, plus de 600 millions de personnes vivent encore sans accès à l’électricité et plus de 700 millions dépendent encore du charbon comme principale source d’énergie. [4] La transition énergétique vers une nouvelle économie est particulièrement importante pour faire progresser la durabilité de la planète, mais c’est aussi une occasion de lutter contre la pauvreté en général et la pauvreté énergétique en particulier sur le continent africain. Le manque d’accès à l’énergie est lié à la pauvreté et à la capacité de développement des populations. Ce n’est pas seulement  l’utilisation domestique qui dépend de l’accès à l’énergie,  mais il y a aussi l’emploi sanitaire de l’électricité dans les hôpitaux, l’accès à l’eau pour l’automatisation des systèmes d’irrigation dans l’agriculture, ou son usage pour le développement industriel et commercial. [5]

Jusqu’à présent, 23 minéraux stratégiques ont été identifiés comme essentiels à la création de la technologie nécessaire à la transition énergétique. [6] Et une fois de plus, ces minéraux et ces réserves énergétiques naturelles se trouvent en abondance dans les pays en développement. L’Union européenne fait un effort louable pour atteindre les objectifs de réduction de carbone pour une économie durable, mais dans cette œuvre elle doit s’appuyer sur un co-développement responsable. Elle ne peut pas une fois de plus abandonner le continent africain à son sort. L’UE ne doit pas en arriver à la neutralité carbone en le faisant au détriment de l’exploitation des ressources naturelles en Afrique.

Le récent « Green Deal »[7] publié par l’Union européenne reconnaît que le secteur minier est l’un des principaux facteurs d’émission de CO2 dans l’atmosphère et qu’il figure donc parmi les principales causes du changement climatique, avec les transports. Par conséquent, l’UE est responsable de sa transition énergétique vers des économies plus durables ; mais elle est également responsable des dommages causés par ses politiques de transition économique qui poussent les entreprises à extraire des minéraux stratégiques en Afrique. Cependant, les accords commerciaux entre l’UE et les différentes régions africaines ne comportent aucun chapitre sur la transition énergétique, la protection de l’environnement, le développement durable ou la protection des droits de l’homme. Il n’y a pas de diligence raisonnable obligatoire pour les entreprises européennes opérant en Afrique et il n’y a même pas de transparence pour ces entreprises dans l’extraction des minéraux des zones de conflit.

L’esprit de la lettre des accords entre l’UE et l’Afrique montre la bonne volonté de l’UE, mais est clairement insuffisant. La transition énergétique est peut-être motivée par de bonnes intentions, mais elle peut redevenir un piège pour les pays en développement qui renforceront leur dépendance économique vis-à-vis des ressources naturelles : une extension sine die de la néo colonisation énergétique. Comme le souligne le récent document des évêques européens et africains, le partenariat UE-Afrique renouvelé devrait donc inclure des dispositions non seulement sur l’amélioration de l’efficacité énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi sur la gestion durable et juste des ressources énergétiques tant en Europe qu’en Afrique, en garantissant un accès complet à l’énergie pour tous.

José Luis Gutiérrez Aranda

AEFJN Policy Officer

 

[1] L´accord de Paris https://ec.europa.eu/clima/policies/international/negotiations/paris_en

[2] Renewable Energy Overview https://www.oas.org/dsd/publications/Unit/oea79e/ch05.htm

[3] Les minerais de la transiction éneregétique, https://www.justicepaix.be/IMG/pdf/jp-dosmineraisenergetiques-0620-lr.pdf

[4] The energy challenge in sub-Saharan Africa  https://s3.amazonaws.com/oxfam-us/www/static/media/files/oxfam-RAEL-energySSA-pt2.pdf

[5] Renewables can address energy poverty and climate change, https://politicsofpoverty.oxfamamerica.org/two-one-renewables-can-address-energy-poverty-climate-change/

[6] The Geopolitics of Critical Minerals, https://www.iai.it/sites/default/files/iaip1927.pdf

[7] The Green Deal, 2019  https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/european-green-deal-communication_en.pdf