L’économie africaine est encore essentiellement rurale et informelle, et elle est dirigée par des agriculteurs familiaux, principalement des femmes. L’amélioration du système des exploitations familiales africaines permettra d’atteindre le double objectif de traiter certaines des questions de réduction de la pauvreté et de déséquilibre entre les genres en Afrique. C’est dans cet esprit que l’AEFJN considère le développement agricole comme un programme essentiel dans l’élaboration de la future stratégie des partenariats UE-Afrique ou de tout partenariat avec les nations africaines.
La recherche du développement des agriculteurs familiaux africains ne suggère pas l’industrialisation de l’agriculture en Afrique. Les parties prenantes doivent le comprendre clairement, sinon leurs initiatives de développement seront contre-productives et entraîneront des revers indicibles pour l’écosystème et le système socio-économique africain, qui constituent la fibre même de son identité et de son existence. En général, les agriculteurs familiaux fonctionnent dans le cadre des principes de l’agroécologie et ils présentent des potentiels pour une production alimentaire et une agriculture durables. L’agriculture familiale n’est pas nécessairement opposée aux grandes exploitations agricoles. Elle est plutôt opposée aux exploitations qui fonctionnent en dehors du cadre des principes de l’agroécologie durable. Dans ce contexte, le développement de l’agriculture familiale pourrait signifier le passage d’une agriculture dépendant des produits chimiques à une agriculture familiale ou l’augmentation de la taille des exploitations agricoles familiales sans compromettre les principes agro-écologiques.
Dans un sens, le développement de l’agriculture africaine va dans le sens d’un renforcement des innovations locales qui existent déjà sur le continent. Il existe déjà des innovations locales dans les communautés africaines qui transformeraient l’agriculture africaine et assureraient la sécurité alimentaire si elles étaient mises à contribution. Le système des filets d’ombrage au Nigeria, par exemple, est une adaptation du système des serres. Le système de filets d’ombrage utilise des filets agricoles ou d’autres matériaux tissés pour permettre l’entrée de la lumière du soleil, de l’humidité et de l’air nécessaires. Il crée un climat approprié pour la croissance des plantes et constitue une alternative moins coûteuse et meilleure que le système de serre, d’après certaines enquêtes par sondage. Le système de filets d’ombrage est également mieux accepté, car il est rentable, bien adapté au climat africain et facile à contrôler en ajustant l’intensité du filet d’ombrage.
L’un des défis majeurs auxquels est confrontée la famille rurale africaine est d’avoir une réelle valeur pour ses produits. Il est triste de constater qu’après que les agriculteurs aient travaillé le sol et produit des denrées alimentaires de bonne qualité, les forces défavorables du marché les ont obligés à vendre leurs produits à des prix dérisoires. On raconte des histoires sur les agriculteurs africains qui mettent en avant l’agriculture comme leur mode de vie favori, mais c’est loin d’être la vérité. Les agriculteurs africains veulent une vie agréable, comme tous les autres êtres humains, et la valeur réelle de leurs produits leur donne ce droit. Ils n’ont pas besoin de vivre dans la pauvreté lorsqu’ils travaillent de manière durable et qu’ils produisent des produits de grande importance. Leurs homologues en Europe et ailleurs font l’envie des autres secteurs économiques et sont reconnus pour leur valeur réelle. L’agriculture est l’activité qui leur permet d’améliorer leurs conditions de vie, et c’est pourquoi il devient impératif d’accéder au marché pour que leurs produits aient de la valeur.
Le développement des activités des agriculteurs familiaux peut être ce dont ils ont besoin pour réaliser leur rentabilité. Cela passe nécessairement par l’accès au marché afin de garantir un rendement marginal adéquat de leurs investissements et de réduire les pertes et le gaspillage alimentaires qui se produisent à la sortie de l’exploitation. Dans cet esprit, la création d’un regroupement qui relie les petits exploitants agricoles à l’accès au marché pour valoriser le travail des agriculteurs familiaux sera un tournant dans la vie des agriculteurs familiaux africains. Le fait de savoir que ce qu’ils produisent est pleinement utilisé pour nourrir la population tout en valorisant leur travail inspirera et stimulera d’autant plus le fermier africain moyen et les jeunes Africains à considérer l’agriculture comme un commerce digne. Le développement des activités des agriculteurs familiaux africains est une réponse possible à la traversée périlleuse et constante de la Méditerranée. L’un des attraits de l’Europe pour les jeunes Africains est la promesse d’une rémunération digne pour un travail juste. Le développement du système de l’agriculture familiale est la promesse d’une alternative à la dangereuse quête d’une vie meilleure. Le premier pas, dans cette direction, consiste à examiner attentivement les ressources économiques du continent africain ; le système de l’agriculture familiale est resté inexploré, sous-évalué et exploité.
Chika Onyejiuwa
AEFJN