Introduction
Le European Green Deal [1] est le plan stratégique de l’Union européenne (UE) visant à prendre l’initiative en matière de changement climatique et à faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre d’ici 2050. Le « European Green Deal » a été présenté par la présidente de la Commission européenne au début de son mandat (décembre 2019) et définit des mesures concrètes couvrant tous les secteurs de l’économie dans le but de réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère et d’inverser les effets de la hausse des températures qui continuent de battre des records année après année. [2]
La crise du Covid-19 a rendu encore plus nécessaire l’urgence de développer le Green Deal européen et de promouvoir ses lignes d’action dans tous les secteurs d’activité. La pandémie, avec une mutation inquiétante du virus, a provoqué la plus importante crise économique, sociale et sanitaire du siècle dernier, et de nombreuses études scientifiques désignent la dégradation de l’environnement comme l’origine de la pandémie. L’augmentation exponentielle de l’exploitation des ressources naturelles, associée au changement climatique, menace la biodiversité et devient un facteur de risque pour de nouvelles infections à l’avenir.[3]
L’inégalité verte
Le Green Deal européen a son champ d’application dans l’UE, mais pour sa bonne mise en œuvre, il nécessite la transformation de deux facteurs essentiels. Premièrement, il est nécessaire de passer progressivement d’une économie axée sur la consommation à une nouvelle forme d’économie circulaire qui transforme et recycle les ressources naturelles. Deuxièmement, il faut développer de nouveaux moyens d’obtenir une énergie propre sans émissions de CO2 dans l’atmosphère. Toutefois, pour atteindre les objectifs du « Green Deal », l’UE doit collaborer avec d’autres continents et régions qui permettent également la transformation économique de leurs territoires. Dans le cas contraire, les efforts de l’UE seront vains et conduiront à une nouvelle forme d’inégalité verte. Il ne servirait à rien pour l’Europe d’atteindre un niveau d’émissions de gaz à effet de serre nul si les autres pays ne procèdent pas aux transformations nécessaires au sein de leur économie.
L’urgence climatique[4] proclamée par le Parlement européen n’est pas exclusive à l’UE. Le continent africain, où ne sont émis que 4 % des gaz à effet de serre du monde, est le continent le plus touché par les conséquences du changement climatique. En Afrique, les phénomènes climatiques extrêmes tels que les pluies torrentielles qui érodent les sols et provoquent des pénuries alimentaires, les vagues de chaleur intenses qui rendent impossible le développement de l’agriculture et de l’élevage comme mode de vie traditionnel des populations, ou les sécheresses dévastatrices qui menacent la sécurité alimentaire et la biodiversité, s’intensifient de plus en plus fréquemment.[5]
Ces situations concomitantes de catastrophes climatiques nécessitent une collaboration intergouvernementale pour inverser les effets du réchauffement climatique. La lutte contre le changement climatique doit être coordonnée et nécessite des transformations économiques conjointes qui s’attaquent aux causes profondes et favorisent une économie propre, sans émissions, qui protège l’environnement et améliore le bien-être des populations. Quel est l’intérêt de promouvoir des formes de transport durables et écologiques en Europe ou de fixer des limites aux émissions de polluants et de dioxyde de carbone dans le secteur automobile si nous vendons nos voitures les plus anciennes et les plus polluantes à l’Afrique ?[6] Quel est l’intérêt de créer une économie circulaire avec de l’énergie propre en Europe si nous continuons à promouvoir une économie dépendante des matières premières en Afrique ? Quel est l’intérêt pour l’UE de s’orienter vers une transformation économique basée sur les sources d’énergie renouvelables si nous ne donnons pas à l’Afrique une chance d’avoir une transformation énergétique équitable ? [7]
Une chance pour l’avenir
Les négociations sur un nouvel accord entre l’UE et l’Union africaine (UA) ont plus d’un an de retard. Ce n’est pas la pandémie qui a été le principal facteur de ce retard, mais la volonté de l’UE d’imposer ses priorités à l’ordre du jour des négociations. L’UE considère toujours le continent africain comme l’endroit idéal pour obtenir des matières premières et vendre ses produits, mais sans ne lui accorder aucun droit de consommation. Rechercher des priorités communes signifie avancer en parallèle vers de véritables objectifs communs tels que la couverture de la transition verte, la transformation numérique, la croissance durable et l’emploi. L’intention d’inclure d’autres éléments tels que la paix, la sécurité et le contrôle des migrations comme priorités dans l’accord UE-UA est d’inclure les problèmes de l’UE comme une priorité pour le continent africain. Or, ce n’est pas le cas.
Le « Green Deal » européen doit être considéré comme un enjeu majeur pour tous. Toute forme d’accord de coopération internationale entre l’Europe et l’Afrique doit être transversale et motivée par les efforts conjoints des deux continents pour développer une économie respectueuse de l’environnement. Les stratégies conjointes de l’UE et de l’UA doivent donc se concentrer sur les investissements en infrastructures qui favorisent des formes de transport plus écologiques, sur des accords commerciaux internationaux qui répondent aux besoins des deux continents, sur des initiatives économiques qui encouragent la transformation de l’économie de consommation non durable en économies circulaires, ainsi que sur l’incorporation d’accords contraignants pour les entreprises qui promeuvent et respectent l’environnement (et les droits de l’homme).
L’accord vert de l’UE et la transformation économique qu’il implique ne peut omettre l’impact environnemental de son activité économique dans les pays en développement et en particulier en Afrique. La transformation de l’économie de l’UE a des effets directs sur des millions de personnes en Afrique et, malgré ses bonnes intentions, l’UE doit rendre compte de l’impact de ses transformations. Le « Green Deal » sera pour tout le monde, ou pour personne.
José Luis Gutiérrez Aranda
AEFJN Policy Officer
[1] Le pacte vert pour l’Europe https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_en
[2] 19 des 20 années les plus chaudes ont eu lieu depuis 2000, Agence européenne pour l’environnement https://www.eea.europa.eu/data-and-maps/indicators/global-and-european-temperature-10/assessment
[3] La dégradation de l’environnement à l’origine de la pandémie actuelle, C. O’Callaghan https://www.isglobal.org/en/healthisglobal/-/custom-blog-portlet/salud-planetaria-y-covid-19-la-degradacion-ambiental-como-el-origen-de-la-pandemia-actual/6112996/0
[4] https://www.europarl.europa.eu/news/en/press-room/20191121IPR67110/the-european-parliament-declares-climate-emergency
[5] Greenpeace Africa, https://www.greenpeace.org/africa/en/blogs/12387/what-we-learn-about-power-from-a-decade-of-climate-change/
[6] https://www.ilent.nl/binaries/ilt/documenten/rapporten/2020/10/26/rapport–used-vehicles-exported-to-africa/RAPPORT-+Used+vehicles+exported+to+Africa.pdf
[7] FoE, Dirty Energy in Africa https://www.foei.org/wp-content/uploads/2016/11/DIRTY-ENERGY-IN-AFRICA-EN-FINAL.pdf