Le Secrétaire d’Etat du Vatican, Son Em Pietro Cardinal PAROLIN a visité le Cameroun du 28 janvier au 03 février 2021. Durant son séjour, il a rencontré des membres du gouvernement dont le chef de l’Etat et le premier ministre, la conférence épiscopale, des prêtres, les personnes consacrées et laïques. Une visite qui s’est déroulée dans un climat plutôt calme dans un pays pourtant en proie à plusieurs crises. Dans ce contexte, la visite du légat papal est sujette à controverse.

Le Cameroun compte une population estimée à plus de 26 millions d’habitants, 260 groupes ethniques avec différentes langues locales encore très utilisées et différents us et coutumes. Plus de la moitié a moins de 18 ans. Le système traditionnel est fondé sur les chefferies plus ou moins fortes par région. Le système politique, quant à lui, est conduit par des équipes désignées par le même président depuis 39 ans. La gouvernance est gangrénée par la corruption. La justice sociale est ainsi hypothéquée.

Le pays traverse quelques crises majeures qui engendrent l’insécurité et des fissures dans le tissu social, politique et religieux. Elles sont causées par Boko-Haram dans le Nord, les séparatistes anglophones dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (NOS0) et la présence des groupes rebelles en RCA  qui détériore le climat social à l’Est du Cameroun.  Les séparatistes contestent la forme de l’Etat et l’inégale importance accordée aux deux langues nationales que sont l’Anglais et le Français. La conséquence de ces crises sécuritaires est une baisse de l’activité économique dans les régions concernées et une forte migration des populations vers les régions plus calmes. On estime à plus de 500.000 le nombre de personnes déplacées internes, à 330 le nombre d’écoles fermées dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun. La stratégie « pas d’école » et les opérations « villes morts » instaurées par les groupes armés « ambaboys » ont un impact sur la sécurité des personnes et nuisent gravement au droit à l’éducation de nombreux jeunes.

A cela s’ajoute une crise post-électorale suite aux élections présidentielles de 2018 qui a abouti à l’emprisonnement de plusieurs politiciens, des élections municipales et législatives dans un contexte controversé. Le Grand dialogue national n’a pas véritablement répondu aux attentes. Le gouvernement à accélérer cependant le processus de décentralisation. Les toutes premières élections régionales ont eu lieu le 06 décembre 2020.

Dans ce contexte, la visite du cardinal PAROLIN, entant que légat du Pape François est considéré par de nombreux chrétiens comme une note d’espoir. En effet pour ceux qui croient en l’efficacité de la médiation du Saint Siège dans les situations de crises, il s’agit-là d’une visite qui pourrait constituer une voix de sortie de cette crise qui a déjà fait des centaines de morts.  Les résolutions du grand dialogue national tenu en octobre 2020 ne sont pas parvenues à réduire les tensions dans les deux régions anglophones du Cameroun ni à  rapprocher les parties. Le statut spécial accordé à ces régions à la suite du grand dialogue national tarde à prendre corps. Pour beaucoup, et particulièrement pour les chrétiens catholiques, le Cardinal PAROLIN porte un message de paix et d’apaisement de la part pape. Sa visite est signe de la sollicitude de saint père pour le Cameroun. Elle est susceptible de favoriser l’ouverture du gouvernement à accepter la médiation des OSC et des évêques dans la recherche des solutions durables à cette crise. D’autre part, cette visite pourrait encourager les évêques à plus d’unité et d’engagement dans la résolution de cette crise.

Joseph Armel Fopa Djouda

AEFJN Cameroun