La gestion des ressources naturelles d’un pays dépend exclusivement de son gouvernement. Dans le cas des activités minières et extractives telles que le gaz ou le pétrole, les gouvernements doivent veiller au traitement correct des exigences administratives et géologiques qui permettent l’activité extractive. En outre, les gouvernements doivent veiller au strict respect des réglementations environnementales qui protègent les écosystèmes affectés par les activités extractives et qui permettent des conditions optimales pour le développement de la vie des personnes et des communautés.

Dans ce contexte d’exploitation des ressources naturelles, les Etats ont également l’obligation de protéger leurs citoyens de toutes les atteintes aux droits de l’homme causées par les entreprises extractives étrangères dans l’exercice de leur activité économique. Rien ne peut justifier la concession des terres des communautés locales, propriétaires légitimes de ces terres, à des entreprises étrangères qui font passer leurs bénéfices avant le bien-être des populations.

Les entreprises minières et extractives s’accompagnent toujours de controverses avec les populations voisines des exploitations. Le pouvoir économique des multinationales leur permet d’agir en toute impunité face aux crimes commis dans le cadre de leur activité économique, sans répondre devant la justice des délits qu’elles commettent contre les droits de l’homme. Il est difficile de traduire les multinationales en justice lorsque même les traités internationaux de commerce et d’investissement ne reconnaissent pas la suprématie des droits humains sur les intérêts économiques des transnationales. [1] Les populations touchées par les activités extractives rencontrent d’innombrables obstacles pour accéder à la justice et il n’existe aucun mécanisme juridique pour protéger ceux qui dénoncent ces comportements. [2]

Si les autorisations administratives pour accorder le droit d’exploiter le sous-sol dépendent des gouvernements, ils doivent également mettre en place des mécanismes pour protéger les intérêts des communautés locales lorsque les entreprises extractives manifestent de l’intérêt pour certains domaines qui affectent la population en particulier en faisant valoir leurs droits sur les territoires qui leur appartiennent légitimement.

Il y a quelques décennies, l’arrivée d’investisseurs étrangers dans les pays du Sud suscitait un enthousiasme collectif de la part des populations locales. Les communautés voyaient dans les entreprises étrangères une opportunité d’améliorer leurs conditions de vie et accueillaient favorablement les promesses des investisseurs en échange de l’exploitation de leurs terres. Cependant, après des décennies d’exploitation cupide de leurs ressources naturelles, les populations locales se sentent impuissantes face à l’abus néocolonial des sociétés transnationales. L’abus de pouvoir des STN a provoqué des déceptions parmi la population en raison des promesses non tenues de compensation économique, du non-respect des traités internationaux et de la violation systématique des droits de l’homme. Ainsi, face à la fièvre extractive qui entraîne le besoin de plus de minéraux et aussi de nouveaux minéraux, nous devons encourager les communautés à protéger leurs vies, leurs territoires et leurs modes de vie traditionnels.

Les populations ont besoin d’être informées sur les richesses spécifiques du sous-sol de leurs territoires, sur la manière dont elles sont extraites, sur les techniques utilisées et sur les risques que l’extraction de minéraux peut faire courir à la population face à l’arrivée d’investisseurs étrangers. La communauté doit être unie pour donner une réponse unitaire à l’intention de lancer une activité extractive et pour signaler toute tentative de corruption par les autorités ou les entreprises elles-mêmes.

Alors que les États devraient être les premiers à protéger et à informer le public de ce qu’impliquent les opérations minières, nous constatons parfois que les États jouent le rôle inverse, en cachant des informations sur les effets négatifs de l’exploitation minière et en étant les premiers intéressés à faire avancer les activités minières. Les communautés touchées par les activités extractives doivent être informées par des experts indépendants qui lui permettent de faire preuve de discernement dans sa décision de céder l’usage de leurs terres.

Il est très courant que les entreprises proposent une série d’aides économiques à la population, des emplois, des compensations financières pour la perte de territoire et qu’une fois l’exploitation extractive commencée, elles ne soient jamais réalisées. D’où l’importance pour les communautés locales de pouvoir compter sur l’aide de conseillers juridiques indépendants et de la société civile pour leur permettre d’exercer leurs droits en cas d’opposition au projet ou du moins pour les aider à faire respecter les garanties et les promesses offertes par les entreprises et les gouvernements.

Ces dernières années, les entreprises extractives et les investisseurs ont développé une série de stratégies pour convaincre les communautés locales d’accepter des activités extractives sur leur territoire. Les gouvernements, les entreprises et les investisseurs savent que le soutien des communautés est essentiel à la réussite de leurs projets d’extraction, et ils tentent d’obtenir le soutien des dirigeants. [3] Cependant, ces stratégies de communication sur les projets ne s’accompagnent pas de la mise en œuvre des promesses faites. Les consultations avec la communauté deviennent de faux espoirs pour la population car jamais ils ne sont réalisés.

La gestion des ressources naturelles affecte les droits fondamentaux des communautés car la protection de la vie humaine, le respect du patrimoine culturel reçu des ancêtres et de l’environnement sont compromis. Cependant, les cas de meurtres de défenseurs des droits humains et de harcèlement de communautés autochtones luttant pour leurs droits continuent de croître chaque année. Pour cette raison, AEFJN défend le droit des communautés à dire non aux exploitations extractives comme une expression du droit des peuples à gérer leurs richesses naturelles. Chez AEFJN nous n’oublions pas que ces mêmes activités minières mettent souvent fin aux modes de vie traditionnels des communautés indigènes et aux cultures ancestrales liées à la terre et à la valeur du patrimoine sacré.

José Luis Gutiérrez Aranda

AEFJN Advocacy Officer

 

[1] Statement of the Global Campaign on the Third Revised Draft of the Binding Treaty on Transnational Corporations and Human Rights https://www.business-humanrights.org/en/latest-news/statement-of-the-global-campaign-on-the-third-revised-draft-of-the-binding-treaty-on-transnational-corporations-and-human-rights/

[2] Glencore in Zambia, Chad and DRC, TOTAL in Mozambique and Uganda, Shell in Nigeria, Gakara in Burundi, Phalaborwa Rare Earths or Kalahari Manganese Field in South Africa, Société Boundoukou Manganèse in Ivory Coast, Fuelstock in Madagascar, Sociedade Mineira de Catoca in Angola or SEPHOS in Senegal are just examples of cases of human rights violations and violation of international treaties in Africa.

[3] Empowering communities in EITI implementing countries to participate in the oversight of the extractive sector https://eiti.org/files/documents/como_empoderar_a_las_comunidades_de_colombia_para_que_participen_en_la_supervision_del_sector_extractivo.pdf