Resume :

Née en 1999, la préqualification OMS assure la conformité de médicaments essentiels aux normes de qualité, d’innocuité et d’efficacité de l’OMS. Ce faisant, cette préqualification facilite le travail de qualification des médicaments des Autorités Nationales de Réglementation qui manquent de moyens par exemple en Afrique.

La préqualification OMS s’est historiquement intéressée d’abord à des antimicrobiens mais elle s’est ensuite élargie par la suite. Elle a ainsi donné une impulsion à la préqualification des médicaments par de grandes agences internationales et a inspiré l’ONG belge QUAMED qui a récemment développé un Programme de Certification de Qualité apprécié.

Faute de financement suffisant, la préqualification OMS reste une structure fragile, vulnérable et limitée puisqu’une majorité de médicaments et autres produits de santé essentiels attendent encore d’être préqualifiés.

Que signifie le mot ‘préqualification’ ?

 Normalement la qualification d’un médicament, c’est-à-dire sa conformité aux normes acceptables de qualité, d’innocuité et d’efficacité, relève du mandat des Autorités Nationales  de Réglementation (ANRs), en anglais Stringent Regulation Authorities (SRA). En Belgique, c’est  l’AFMPS, acronyme de Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de santé qui joue ce rôle. Une fois cette conformité assurée par l’ANR, une autorisation de mise sur le marché (AMM) peut être délivrée et le produit mis sur le marché.

Dans la pratique, de nombreuses ANRs de pays africains à revenu faible ou moyen ne possèdent pas l’expertise et les ressources financières suffisantes pour réaliser les analyses de conformité malgré les efforts qu’elles fournissent dans ce sens ; elles dépassent rarement la niveau de maturité 1 sur une échelle de 4.

La préqualification OMS effectue cette analyse ‘en amont’ pour un certain nombre de médicaments génériques essentiels (cf. mon article précédent sur la Liste des médicaments essentiels de l’OMS); ceci peut faciliter considérablement le travail des ANR classées dans une catégorie inférieure à 4 . De plus des organismes internationaux d’achat de médicaments tels que l’UNICEF, le Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l’UNITAID, qui achètent des médicaments pour des milliards de dollars US, s’appuient sur les décisions de conformité émises par la préqualification OMS.

Un peu d’histoire

La préqualification des médicaments est un service mondial de l’OMS créé en 1999 pour évaluer la qualité, l’innocuité et l’efficacité des produits médicaux. À l’origine, en 2001, l’accent était mis sur les médicaments visant à traiter le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme. En 2006, la préqualification OMS a élargi sa gamme de produits pour inclure des médicaments et des produits destinés à la santé génésique. En 2008, la préqualification du zinc – pour la prise en charge de la diarrhée aiguë sévère chez les enfants – a été ajoutée ; elle s’est aussi étendue à des tests de diagnostic et à des dispositifs médicaux. Fin 2013, la liste OMS de produits médicaux comptait plus de 316 médicaments préqualifiés et cette liste continue à s’allonger et se diversifier.

Comment le système de préqualification des médicaments de l’OMS fonctionne-t-il?

La préqualification est un mécanise volontaire qui se divise en cinq étapes :

  1. L’invitation

Le Programme OMS de préqualification des médicaments invite les fabricants à manifester leur intérêt pour l’évaluation d’un médicament essentiel qu’ils produisent.

  1. La présentation du dossier

Le fabricant fournit un ensemble complet de données relatives à la qualité, à l’innocuité et à l’efficacité du produit qui fait l’objet de l’évaluation. Cet ensemble comprend notamment:

  • des données sur la pureté de tous les ingrédients utilisés dans la fabrication;
  • des données sur le produit pharmaceutique fini (telles que des informations sur la stabilité);
  • les résultats des tests de bioéquivalence (essais cliniques sur des volontaires en bonne santé), sauf si une dérogation a été accordée.
  1. L’évaluation

Une équipe d’évaluateurs apprécie toutes les données présentées. L’équipe d’évaluation comprend le personnel de l’OMS et des experts des autorités nationales de réglementation du monde entier.

  1. L’inspection

Une équipe d’inspecteurs vérifie que les sites de fabrication du produit pharmaceutique fini et de l’ingrédient ou des ingrédients pharmaceutique(s) actif(s) sont conformes aux bonnes pratiques de fabrication de l’OMS.

  1. La décision

Si les experts concluent que le produit répond aux prescriptions spécifiées, et que le(s) site(s) de fabrication associé(s) respectent les normes de l’OMS, le produit est ajouté à la liste OMS des produits médicaux préqualifiés.

Pour veiller à ce que les produits préqualifiés continuent à satisfaire aux spécifications de l’OMS, la préqualification OMS inspecte régulièrement les sites de fabrication des produits préqualifiés. Elle évalue aussi les éventuels changements (appelés « variations ») apportés aux spécifications, aux processus de fabrication et au contrôle de la qualité des produits préqualifiés, et mène des tests randomisés de contrôle de la qualité sur des échantillons des produits préqualifiés.

Le service de préqualification OMS fournit aussi une assistance technique ciblée aux laboratoires de contrôle de la qualité. A ce jour, 41 laboratoires sont agréés par l’OMS dans le monde, dont 9 en Afrique.

Par ailleurs, l’UNICEF, le PNUD, l’UNFPA (le Fonds des Nations Unies pour les activités en matière de population), MSF et le UNDP (Programme de développement des Nations Unies) ont développé leurs propres mécanismes de qualification pour une gamme plus étendue de produits mais pas toujours avec le même niveau d’exigence que la préqualification OMS.

 Problèmes liés à la préqualification. OMS  

  1. La lenteur :Le processus OMS de préqualification des médicaments peut être achevé en l’espace de trois mois, si toutes les données présentées sont complètes et démontrent que le produit satisfait à toutes les normes requises. Il est souvent beaucoup plus long à cause de données incomplètes fournies par le fabricant.
  2. Le perfectionnisme de l’OMS se heurte parfois au caractère urgent de la prise de décision pour des raisons de santé publique. Faut-il, vu ce caractère urgent, être moins exigeant au niveau de la qualité (cf. la flexibilité de l’UE pour mettre le nouveau vaccin contre le Covid sur le marché européen)? C’est une question d’éthique : l’évaluation du bénéfice-risque en termes de santé publique mettra en balance l’avantage d’une mise sur le marché de tel médicament avec le coût humain et financier d’une qualité insuffisante de ce médicament (résistance, effets secondaires graves, non-guérison, lourdeur du rappel d’un lot de médicaments retirés du marché…)
  3. Le nombre limité de produits préqualifiés :L’idéal serait que la préqualification OMS s’étende à la totalité des médicaments essentiels mais ce n’est hélas pas le cas en raison de moyens limités mis à la disposition du service de préqualification OMS.
  4. Le poids économique des intervenants auprès de la préqualification OMS:* Celui de l’industrie pharmaceutique : il est énorme et les enjeux sont considérables. Le marché, avec la bourse, est par essence lucratif et n’est pas vertueux. Cela impacte la préqualification OMS d’une façon difficile à mesurer.
    • Celui de l’industrie pharmaceutique : il est énorme et les enjeux sont considérables. Le marché, avec la bourse, est par essence lucratif et n’est pas vertueux. Cela impacte la préqualification OMS d’une façon difficile à mesurer.
    • Le poids économique des bailleurs: La Fondation Bill Gates est le plus gros pourvoyeur de fonds au budget de la préqualification OMS. Or, elle s’intéresse spécialement aux médicaments pédiatriques et de la santé de la reproduction. Les autres bailleurs sont les grandes centrales internationales d’achats de médicaments, les États membres de l’OMS, les sponsors privés. Ceci fragilise l’indépendance du service de préqualification OMS et sa pérennité.
  5.  Le niveau d’exigence de qualité : Il n’est pas le même pour tous les médicaments alors que cela paraîtrait évident sur le plan éthique. D’autres considérations liées au marché interviennent probablement.

Le rôle de l’UE: la procédure ‘UE-médicaments pour tous’ (connue auparavant sous le nom de ‘Procédure article 58’).

Depuis 2004, l’Agence européenne des médicaments (EMA), en coopération avec l’OMS, émet des avis scientifiques sur des médicaments humains hautement prioritaires, y compris des vaccins, destinés à être commercialisés en dehors de l’UE.

L’objectif est de faciliter l’accès des patients aux médicaments essentiels dans les pays, notamment africains, à revenu faible ou intermédiaire, y compris les thérapies nouvelles ou améliorées répondant à des besoins médicaux non satisfaits, qui visent à prévenir ou à traiter des maladies présentant un intérêt majeur pour la santé publique.

La procédure associe les capacités d’examen scientifique de l’EMA à l’épidémiologie locale et à l’expertise en matière de maladies de l’OMS et des ANR dans les pays cibles, afin de fournir une voie unique de développement et d’évaluation.

Le Comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’EMA évalue les médicaments et les vaccins dans le cadre de cette procédure selon les mêmes normes rigoureuses que les médicaments destinés à être utilisés en Europe.

À l’issue de l’évaluation, l’EMA publie son avis scientifique sur le rapport bénéfice-risque du produit, qui vise à faciliter la préqualification du médicament par l’OMS et son enregistrement dans les pays cibles.

A part cette procédure ‘UE-médicaments pour tous’, le budget mis par l’UE à la disposition du service de préqualification OMS est limité.

QUAMED

QUAMED est une association belge indépendante à but non lucratif dont la mission est d’améliorer l’accès aux médicaments de qualité pour tous. Cette association a été créée en 2010 et est devenue en 2017 une association indépendante, sans but lucratif, de droit belge.

QUAMED rassemble des ONG internationales, des centres d’approvisionnement en produits pharmaceutiques et des experts de pays notamment africains engagées dans l’assurance de la qualité des médicaments. QUAMED a développé le Programme de Certification de la Qualité appelé QCP QUAMED qui utilise les critères et normes techniques définis par l’OMS pour évaluer les systèmes de qualité pharmaceutique des grossistes et des fabricants.

Grâce à ce programme innovant, QUAMED offre aux grossistes et aux fabricants la possibilité de demander une certification QCP QUAMED.

QUAMED répond ainsi aux limites de la préqualification OMS qui ne concerne que certaines catégories de médicaments.

En conclusion:

L’aventure de la préqualification OMS est remarquable. L’OMS a réussi à imprimer sa marque dans la délicate et énorme question de la qualité des médicaments mis sur le marché mondial.

Elle l’a fait d’une façon professionnelle, grâce à des experts motivés et persévérants.

Néanmoins cette initiative reste limitée et fragile et elle demande à être non seulement consolidée mais considérablement développée.

QUAMED contribue au grand effort de préqualification qui est fait dans le monde non seulement par l’OMS mais aussi par les grandes centrales d’achat.

L’initiative QUAMED mérite un large soutien. 

 AEFJN demande à l’UE ainsi qu’au Gouvernement belge :

–          En ce qui concerne le service de préqualification OMS :  d’augmenter leur budget à son bénéfice.

–          En ce qui concerne QUAMED : de soutenir financièrement l’initiative QCP QUAMED.

 

Frère Christian Roberti, CSSp