« L’égalité des genres est plus qu’un objectif en soi. C’est une condition préalable pour relever le défi de la réduction de la pauvreté, de la promotion du développement durable et de la construction d’une bonne gouvernance. »[1]
Partout dans le monde, l’inégalité des genres crée et maintient les femmes pauvres, les privant des droits fondamentaux et des opportunités de bien-être.[2] La racine de cette discrimination réside dans la manière de considérer les femmes comme inexistantes en tant qu’êtres humains à part entière, mais comme toujours attachées à quelqu’un d’autre: une fille ou une épouse de quelqu’un.
En Afrique, dans la plupart des systèmes patriarcaux, la femme a toujours été considérée comme n’ayant aucun droit ou moins de droits que l’homme. Les croyances populaires dans certaines cultures la considèrent toujours comme n’ayant pas le droit de posséder des biens en général et des terres en particulier. Si elle espère hériter un jour des biens de la famille, la loi peut la priver d’une part égale, ou une convention sociale peut tout simplement favoriser ses parents de sexe masculin.[3] Il n’est pas rare en Afrique de voir un homme s’emparer des biens de son frère ou de son oncle décédé lorsque le défunt a laissé des descendants, qui sont principalement ou uniquement des filles. Par conséquent, pour beaucoup de femmes, l’accès à la terre n’est pas un droit garanti et les conséquences sont encore plus sévères pour les femmes rurales et célibataires ou divorcées qui ne peuvent pas survivre sans terre car c’est leur seule source de revenus pour elles-mêmes et leur famille.
La terre est une ressource naturelle très importante et elle est au cœur de l’activité humaine et sociale en Afrique. Les inégalités dans les droits des femmes à la terre affectent leur estime de soi et leur contribution potentielle au bien-être de la société; pourtant, elles sont les principales productrices d’aliments, celles qui sont chargées de travailler la terre, d’entretenir les réserves de semences, de récolter les fruits, de se procurer de l’eau et de sauvegarder les récoltes.[4] De nombreuses communautés dans les pays africains dépendent d’une agriculture de subsistance comme source de survie. [5] Les femmes représentent en moyenne 43% de la main-d’œuvre agricole dans les pays en voie de développement et plus de 50% dans certaines régions d’Asie et d’Afrique.[6] Une étude de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires a montré que l’égalisation du statut des femmes réduirait la malnutrition infantile de 13% (13,4 millions) en Asie du Sud et de 3% (1,7 million) en Afrique subsaharienne.
Les travaux empiriques suggèrent que l’augmentation des ressources sous la responsabilité des femmes favorise une productivité agricole accrue.[7] C’est donc paradoxal que globalement, les femmes représentent seulement 20% des propriétaires fonciers.[8]
La majorité des femmes dans les pays en voie de développement sont confrontées à des situations de discrimination de la part des autorités nationales et de la communauté internationale. L’Union européenne reconnaît «en paroles» que l’égalité d’accès des femmes à la terre contribue à garantir le respect des droits fondamentaux de la personne humaine, notamment le droit à une nourriture suffisante, à un logement, à la non-discrimination et à l’égalité; le droit de ne pas être expulsé; et le droit à un recours effectif, etc.[9] Cependant, de grandes entreprises multinationales de la même Union Européenne et d’autres pays riches sont responsables de diverses violations des droits humains affectant les femmes, notamment en les empêchant d’accéder à leurs terres et de les utiliser. Cela se produit lors de la conclusion d’accords fonciers à grande échelle pour l’agriculture commerciale. L’objectif principal de l’investissement dans la terre consiste alors à fournir de la nourriture et de l’énergie aux pays les plus riches utilisant la terre et l’eau des pauvres. Il va donc de soi que les transactions foncières à grande échelle exacerbent les mauvaises conditions des femmes pour la propriété et l’accès à la terre ou limitent davantage les possibilités des femmes pauvres en zones rurales de générer des revenus.
Les femmes ont le droit d’accéder de manière égale à toutes les voies permettant de mettre fin à la pauvreté. La justice de genre n’est pas seulement une question d’équité sociale, elle est également essentielle à la réduction de la pauvreté. S’il est établi que le contexte socioculturel de l’Afrique compromet le droit des femmes et leur accès à la terre pour la production alimentaire et la subsistance; Les acquisitions de terres à grande échelle qui sont promues au nom du «développement rural» sont en train d’éteindre une chandelle qui était déjà faible.
En Afrique, la femme est un cordon qui tient la famille unie. Par conséquent, les transactions foncières qui privent les femmes de ressources, non seulement réduisent leur bien-être, mais participent également à la perturbation de toute la famille. Il devient impératif pour les investisseurs privés et internationaux en Afrique, qui concluent des accords fonciers avec les gouvernements locaux, considérer le droit des femmes à la terre comme une partie intégrante et essentielle de leur responsabilité sociale envers la communauté. En outre, s’ils sont réellement motivés par le développement durable des communautés, les profits de leurs investissements sont partagés avec ceux qui en sont dépouillés pour faire de la place à leurs investissements. Enfin, les gouvernements nationaux africains doivent de toute urgence combler les écarts entre leurs programmes existants qui visent l’égalité des genres et la manière dont ils sont appliqués dans la réalité. La fin de la pauvreté ne peut pas être aboutie sans mettre fin à la discrimination fondée sur le genre.
Odile Ntakirutimana
[1] Kofi Annan, former Secretary-General of the United Nations: https://www.google.be/search?q=kofi+annan+quotes+on+gender+equality&tbm
[2] women and sustainable development goals: https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/2322UN%20Women%20Analysis%20on%20Women%20and%20SDGs.pdf
[3] Idem
[4] https://esthervivas.com/english/without-women-there-is-no-food-sovereignty/
[5] Land grabs and their effect on women’s rights to cultivation in Ghana and Malawi: https://dspace.nwu.ac.za/bitstream/handle/10394/20388/Motloung_MA_2016.pdf?sequence=1&isAllowed=y
[6] women and sustainable development goals: https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/2322UN%20Women%20Analysis%20on%20Women%20and%20SDGs.pdf
[7] Behrman, Julia & Meinzen-Dick, Ruth & Quisumbing, Agnes. (2012). The gender implications of large-scale land deals. The Journal of Peasant Studies.
[8] women and sustainable development goals. Op. Cit
[9] Women’s land rights matter. How EU development cooperation can help close the gender gap in land tenure
Videos
Kibera Slum in Nairobi: Women Need Equal Rights to Land | Kenya:
https://www.youtube.com/watch?v=V6BFMNIjSz0
The women denied rights to own land: https://www.youtube.com/watch?v=cC2ZO10EvcA