L’écoute est un défi de taille. Il ne suffit pas de comprendre la logique des mots pour entendre le cri du sens de la vie qui se cache derrière ces mots. Cependant, les positions auxquelles nous nous accrochons, les illusions de la vie, les préjugés et les privilèges que nous cherchons à justifier nous empêchent d’entendre la musique ou plutôt le cri de la vie derrière la logique et parfois la logique incohérente des mots chez les autres. C’est dans ce contexte qu’il devient impératif de jeter un coup d’œil rapide sur les conflits courants provoqués par l’accaparement des terres et des ressources en Afrique.
L’accaparement de terres et d’autres ressources a eu des effets négatifs sur les communautés rurales africaines et que leur environnement est devenu une décimale récurrente des statistiques désincarnées aux yeux de la communauté internationale. La nouvelle dimension est le courage et la perspicacité avec lesquels les communautés touchées se défendent contre les invasions injustes de leurs terres sous le couvert de programmes de développement. Certains se sont même demandé si les communautés avaient le « droit de dire NON » à un investissement destiné à améliorer leurs conditions de vie, mais on ne dit pratiquement rien sur la véracité de ce soi-disant développement dans la réalisation de leurs promesses.
Il est devenu un principe établi du développement durable à la base que le consentement et la participation des bénéficiaires ne peuvent être ignorés. Un corollaire à ce qui précède est que les investissements dans les communautés rurales africaines qui nécessitent l’acquisition de terres à grande échelle doivent impliquer un consentement préalable et libre en connaissance de cause des communautés. Les règles d’engagement doivent permettre un OUI ou un NON comme résultats possibles non contraints. Cela signifie que dans la mesure où les communautés se réservent le droit de disposer librement de leurs richesses et ressources naturelles, elles se réservent également le droit d’en décider autrement. Le défi pour les acteurs de l’investissement et leurs agents dans le processus de consultation est la disposition à accepter un NON de la communauté comme un résultat possible et à rester respectueux du droit de la communauté à faire son choix. En d’autres termes, le droit de la communauté à disposer de ses richesses naturelles et le droit de dire NON sont les deux faces d’une même médaille de consentement libre et informé, sinon il s’agit de coercition. Comme le philosophe prusso-allemand Emmanuel Kant l’a postulé sur la liberté humaine, seuls les choix non altérés par des pressions internes (motivées par des désirs) ou la coercition externe, c’est-à-dire ancrés dans l’autonomie morale, confèrent une dignité à la communauté. Tous les autres choix ne sont pas libres, mais hétéronomes.
Par conséquent, les acteurs de l’investissement dans le processus de consultation, s’ils sont authentiquement intéressés par le développement des communautés locales, doivent respecter la véritable autonomie humaine des bénéficiaires. Les personnes humaines ne sont véritablement libres que lorsqu’elles peuvent s’exprimer à partir des desseins dans les profondeurs de leur cœur. Cette liberté inaliénable est la boussole de la dignité humaine et la véritable expression des droits universels de l’homme en chaque être humain. Dans la pratique, cela peut signifier le rejet de tout effort de développement dans n’importe quelle partie du continent africain, même si cela s’accompagne d’une avalanche de bonne volonté de la part des investisseurs.
D’autre part, la méfiance et les résistances que les investisseurs rencontrent de la part des communautés locales en Afrique peuvent être le contrecoup d’un siphonnage historique des ressources du continent sous le couvert de l’émancipation des populations de la pauvreté. Les conflits incessants dans de nombreux pays africains, le delta du Niger au Nigeria, la République démocratique du Congo et d’autres, sont la preuve de l’existence de moteurs de développement qui ont laissé les populations locales dans un état pire. Cet état de fait oblige les investisseurs à réécrire certaines des expériences passées les plus affreuses en démontrant que leur présence est le signe d’un réel changement par le biais d’un dialogue inclusif. On s’attend à ce que les progrès soient lents et laborieux, mais c’est la voie qui mène à un développement authentique et durable.
Ici, à AEFJN, nous réaffirmons notre engagement envers le droit fondamental de tous les humains à la liberté d’expression et leur droit à avoir leur mot à dire dans les processus de développement qui affecteront leur façon de vivre et de travailler, et qui affecteront également leurs descendances. Nous réaffirmons notre soutien à tous les efforts authentiques visant à sortir les communautés africaines de leur pauvreté et à leur donner une vie plus digne. Nous félicitons les conglomérats et les organisations multinationales qui sont activement engagés dans la quête d’un monde meilleur et qui ont l’Afrique comme centre de leurs investissements. En conclusion, nous réaffirmons que la quête d’un monde meilleur peut être lente car elle emprunte des voies inexplorées qui reconnaissent les apports de toutes les parties prenantes, quelle que soit leur puissance économique. En pratique, cela signifie que les acteurs de l’investissement peuvent devoir chercher leur investissement ailleurs, sinon l’investissement devient une recette pour un conflit perpétuel dans les communautés, comme nous l’avons vu au fil des ans. Leur capacité à utiliser d’autres stratégies pour répondre aux besoins d’investissement sans affecter les besoins des communautés est ce qui fait de nous des êtres humains et le contraste fait de nous des animaux dans une peau humaine.
Chika Onyejiuwa
AEFJN