Introduction.
En cette période d’élections législatives, il est opportun de jeter un autre regard sur la migration et de déconstruire quelques faux mythes qui s’y rattachent.
Ainsi, quand il est question de migration, seuls ses effets négatifs sur le développement économique sont soulignés, souvent avec passion; par contre ses effets positifs sont peu évoqués.
Et pourtant…
L’OMI (Office des Migrations Internationales) et la FAO (Food and Agriculture Organisation) dans son rapport 2018 SOFA[1] (State of Food and Agriculture) ont clairement mis en évidence le rapport positif entre migrations et développement tant pour les pays d’origine des migrants que pour les pays d’arrivée.
Explication.
Pour les pays d’origine des migrants.
On sait déjà que les envois d’argent des migrants vers leurs familles restées au pays est l’une des plus importantes sources de revenus des pays d’origine. Ces envois sont même supérieurs à l’aide structurelle apportée par les agences de développement des États (dont une partie non négligeable part en frais administratifs).
Les migrant.e.s étudiant.e.s, surtout les boursiers, lorsqu’ils/elles retournent dans leur pays d’origine contribuent à son développement grâce aux connaissances acquises pendant leurs études.
La conscientisation des diasporas aux avantages de l’état de droit par rapport aux états peu démocratiques voire dictatoriaux dont souvent elles proviennent pousse ces diasporas à faire pression sur leur propre pays pour qu’il devienne vers un état de droit.
La migration rurale diminue la pression sur le sol et les autres ressources disponibles lorsque des populations quittent une région où, à cause d’une densité de population trop élevée, une pression trop forte s’exerce sur les ressources disponibles (SOFA 2018, message clé 7).
Conclusion :
Le bénéfice incontestable de la migration pour le développement est à mettre en balance avec la perte que constitue pour le pays d’origine le départ momentané ou permanent de ses enfants et avec les problèmes engendrés par les déplacements de population.
Pour les pays récepteurs de la migration.
Bénéfices directs pour le développement
Les migrants constituent une population majoritairement jeune et courageuse si l’on en juge par sa détermination. Dans un certain nombre de cas, il s’agit d’une population déjà formée ; or, cette formation a coûté cher au pays d’origine, malgré le budget souvent limité de la plupart de ces pays. Les pays d’accueil de ces migrants reçoivent donc de la main d’œuvre qualifiée sans que cela leur ait coûté quoi que ce soit.
Lorsque les migrants ne sont pas encore formés, on constate chez eux une volonté très grande de s’intégrer et de se former avec de nombreuses réussites.
Les diasporas des migrants dans les pays d’émigration sont très actives. Exerçant des emplois dans des niches où la main d’œuvre disponible localement est limitée, les migrants permettent aux services et aux entreprises de fonctionner tout en y apportant leur expertise propre. Plus encore, les migrants stimulent l’économie en innovant (commerce de fruits et légumes exotiques, night shop, import-export de véhicules…)
Bénéfices indirects pour le développement
Par leur présence, leur culture, leurs convictions, les migrants enrichissent la société du pays qui les accueille sur le plan culturel, politique, scientifique, démographique, religieux…Ils provoquent un métissage progressif de celle-ci qui prépare la société multiculturelle de demain. Les migrants compensent partiellement la dénatalité des pays de destination en Europe.
La majorité des migrants proviennent de pays en guerre ou de pays à bas revenus ou de pays qui souffrent du changement climatique. La responsabilité des pays occidentaux dans les guerres, le sous-développement et les changements climatiques du Sud global est fortement engagée. Les migrants provenant de ces pays mettent les pays occidentaux face à leurs actes et les poussent implicitement et explicitement à changer de politique.
La mondialisation a mis sous les yeux de tous les habitants de la planète le style de vie à l’occidentale caractérisé par le profit à court terme et le consumérisme non durable ; vus de loin, les pays occidentaux sont faussement perçus par les populations du Sud global comme un eldorado. Les migrants nous montrent que notre style de vie est non-durable et qu’il faut le mettre fondamentalement en cause.
Conclusions:
La charge que constitue pour le pays de destination l’accueil et l’intégration des migrants sur les plans financiers, administratifs, éducatifs et judiciaires est à mettre en balance avec le bénéfice incontestable de la migration pour la croissance.
De toute façon, même si, dans tous les pays du monde chacun.e pouvait vivre dignement les migrations continueront quand même car l’envie d’aller voir ailleurs est inscrit dans l’esprit humain depuis toujours et les moyens des transports sont de plus en plus accessibles.
Donc, accepter et organiser dès à présent des migration sûres, ordonnées et régulières font sens.
Adolf Fabregas Tarrida, Christian Roberti.
Annexe :
MESSAGES CLÉS DU SOFA 2018
- Les migrations, malgré les difficultés qu’elles peuvent poser, font partie intégrante du développement économique, social et humain et permettent de réduire les inégalités tant à l’intérieur des pays qu’entre les pays.
- Tous les pays sont, à un moment donné de leur développement, une région de départ, d’arrivée ou de transit de flux migratoires internationaux, parfois les trois en même temps.
- À l’échelle mondiale, l’ampleur des migrations internationales est nettement moindre que celle des migrations internes: dans les pays en développement, ces dernières concernent plus d’un milliard de personnes.
- Les flux migratoires internationaux et les flux migratoires internes ont des facteurs communs et forment un système intégré: ainsi, dans les pays à faible revenu, les migrants internes sont cinq fois plus susceptibles d’émigrer à l’étranger que les personnes qui n’ont jamais migré.
- Dans les régions en développement caractérisées par un taux d’urbanisation élevé, les migrations rurales – quelle que soit leur forme – représentent au moins 50 pour cent des déplacements internes. En Afrique subsaharienne, leur part est supérieure à 75 pour cent.
- L’émigration rurale peut être source de diversification des revenus et constituer un mécanisme d’adaptation à des facteurs de pression sur l’environnement à évolution lente, comme les graves pénuries d’eau. Cependant, les populations les plus pauvres, qui sont les plus touchées par les obstacles à la mobilité, ont rarement la possibilité de migrer.
- En situation de crise prolongée, les zones rurales accueillent de nombreuses personnes déplacées, ce qui crée de nouvelles difficultés susceptibles d’avoir des répercussions. Les difficultés peuvent être atténuées par la mise en place de politiques de développement rural axées sur l’intégration économique et sociale des migrants. Ces politiques peuvent bénéficier aussi bien aux personnes déplacées qu’aux régions qui les accueillent.
- Dans de nombreux pays développés, les migrants peuvent contribuer à réduire la pénurie de main-d’œuvre qui touche les activités agricoles à forte valeur se prêtant peu à la mécanisation, mais leur intégration est parfois difficile, pour eux-mêmes comme pour les pays hôtes. Instaurer et appliquer des réglementations et des programmes visant à protéger les droits des migrants en matière d’emploi peut permettre d’améliorer leurs conditions de travail.
- Les priorités des politiques de migration rurale dépendent de la situation des pays, en constante évolution: les pays en proie à une crise prolongée, les pays confrontés à des difficultés en matière d’emploi des jeunes ruraux, les pays en transition économique et démographique ou encore les pays développés ayant besoin de main-d’œuvre immigrée auront des priorités différentes.
- Il est essentiel d’assurer la cohérence entre les politiques migratoires et les politiques agricoles et de développement rural si l’on veut faire en sorte que les migrations soient sûres, ordonnées et régulières. Les politiques ne doivent pas viser à réduire ou à accélérer les flux migratoires, mais à optimiser leurs bienfaits économiques et sociaux tout en réduisant au maximum les difficultés auxquelles sont confrontés les migrants et les sociétés.
[1] Voir Messages clés du SOFA 2018, numéro 1 et sv. infra page 3 et sv.