Contexte global

Comme dans de nombreux pays, la terre au Cameroun est au cœur des principaux enjeux de développement. Ce qui pousse le gouvernement à procéder à de vastes concessions foncières au profit des grands investisseurs étrangers et locaux. Lesquelles se font souvent au détriment des populations.

Contexte particulier de PAC

En mai 2014, des paysans de 26 villages de la vallée du Ntem, région du Sud Cameroun sont brusquement interdits d’accès dans leurs champs. Par un acte administratif, leurs terres ont été incorporées dans le domaine privé de l’Etat et cédées à deux entreprises ; la première Néo-Industry bénéficie de 26.000ha et la seconde « Plantes et aquaculture du Cameroun » (PAC) de 31.000ha.

Principaux griefs

La distance de cinq kilomètres recommandé entre le site du projet et les habitats des populations (espace vital), n’a pas été respecté lors de la délimitation du site, ce qui a entrainé de vastes destructions des espaces agricoles (arachides, maïs, plantain) appartenant aux riverains.

Les victimes n’ont pas bénéficié d’indemnisation. Sur plus de 66.430 ha confiées à PAC et à Néo-Industry, seulement trois personnes ont été identifiée pour un montant de 17.535.000fcfa. Irritées, les populations ont intenté des actions auprès de l’autorité administrative locale qui les a plutôt intimidés.

Implication de Foi et Justice aux côtés des riverains

Alertée par une religieuse de la congrégation de Notre Dame de Montréal, observateur, l’antenne Cameroun s’est impliquée dans la défense des droits des victimes pour faire entendre leurs voix.  Depuis 2014 elle est engagée à leur côté.

L’accompagnement des victimes a consisté à des actions de sensibilisation (gestion non violente des conflits pour faire face à la montée des tensions chez les riverains) et de mobilisation des victimes afin qu’elles puissent défendre leurs droits de manière légale. D’où la légalisation à Ambam du Réseau des Droits de l’Homme et de l’Environnement » RDDE suivi de visites et des rencontres de formation des membres. A travers les moyens de communication dont nous disposons comme le SHEMA (bulletin trimestriel d’information produit par l’antenne), le site internet et les réseaux sociaux, l’antenne a régulièrement alerté l’opinion publique, les religieux et les religieuses lors de l’Assemblée Générale des supérieurs majeurs sur la problématique de l’accaparement des terres à la lumière de ce cas spécifique de PAC.

Le 20 juin 2019, dans une lettre conjointe adressée à Foi et Justice, les chefs traditionnels des villages de Meyo-Centre I&II, Nfenadoum, Nkan, Akina, Akak, Nsessoum, dénoncent une fois de plus l’occupation de 30.708ha par le projet PAC sans étude préalable d’impact environnemental et sans la tenue de réunion consultative avec leurs populations respectives. « Cette manière de faire, disent-ils, a soulevé les populations qui se sont trouvées dans un état de colère indescriptible ». Ils affirmaient par la même occasion leur refus catégorique de voir le projet s’installer dans leur localité et sollicitait Foi & Justice.

En 2020, l’antenne a dans le cadre de projet Landcam a entrepris une action visant à sauvegarder des droits fonciers des populations riveraines de PAC. Il s’agissait particulièrement du droit à l’espace vital, à l’information, à l’indemnisation et à un environnement sain. L’initiative visait de manière spécifique à éclairer l’opinion publique nationale et internationale sur la situation des problèmes fonciers rencontrés par les populations du fait des activités de PAC, redynamiser les leaders locaux pour la défense des droits des populations riveraines, améliorer la concertation entre les différents acteurs locaux que sont les riverains et le promoteurs du projet, susciter et accompagner des initiatives de sécurisation de l’espace vital des populations riveraines. Parmi les activités à mener, la formation des leaders de communauté dont les chefs traditionnels et les notables sur les questions foncières et domaniaux, le plaidoyer, la réalisation d’une étude sur l’état des lieux dans les sites impactés par les activités du projet PAC. L’enquête de terrain s’est faite entre avril et juin 2020, un atelier de restitution tenu le 29 octobre a permis aux personnes enquêtées de valider les conclusions avant la présentation publique qui a eu lieu le 24 mars 2021 en présence des médias, des OSC et des représentants de quelques services déconcentrés du gouvernement.  Le rapport d’enquête révèle des vices de forme dans le processus d’attribution des terres à PAC, la faible implication des populations dans le processus d’expropriation pour cause d’utilité publique sur les terres qu’elles occupent, l’absence d’étude d’impact environnemental et social, la destruction des cultures, le manque d’indemnisation conséquente, la violation de l’espace vital etc. Il en ressort également que l’entreprise bénéficiaire a fait un bornage partiel en lieu et place des services compétents du ministère des domaines, du cadastre et des affaires foncières.

Le document met en évidence le rôle trouble des certains agents de l’Etat qui, au grand mépris de leurs missions et obligations, ont soutenu les intérêts particuliers de PAC au détriment du bien commun.  Le rapport s’achève sur une série de 15 recommandations dont la première, adressée à l’Etat, lui demande de « procéder au retrait immédiat du titre foncier N° 579/Vallée du Ntem pour vice de forme ».

Impact du projet

Le 05 mai 2021, le premier Ministre, a signé un arrêté annulant le titre foncier de l’Etat du Cameroun sur les terres litigieuses. Par cet acte, il annule également les titres des entreprises PAC et Néo-Industry. Une réelle victoire des populations qui n’ont pas faibli durant ce combat. Accompagnée et soutenue par quelques organisations de société civile (Foi et Justice n’ayant pas été seule dans ce combat), AEFJN a soutenu ce combat. Notre reconnaissance à l’antenne suisse et au Père CHIKA qui en visite au Cameroun en mars 2019, s’était rendu dans la localité pour réconforter les victimes.  D’autres acteurs de la société civile se sont aussi attaqués à Néo-Industry.

Défis

Certes, il s’agit là d’un grand pas. Mais beaucoup reste faire. Comme société civile, il s’agit de s’assurer de l’effectivité de la décision du Premier ministre. Que cette décision soit prise en compte par les services du cadastre, du domaine et des affaires foncières afin que les paysans qui le souhaite puissent avoir accès à des titres de propriété sur les parcelles qu’ils exploitent. Il s’agit également de soutenir la mise en valeur des terres concernées par les populations dans la perspective d’un développement local durable par des activités agricoles écologiques visant à assurer la souveraineté alimentaire.

AEFJN Cameroun