Partagée entre la révolte et le stress de tout ce que j’avais entendu des communautaires dans leurs différentes présentations dès les premières heures de notre rencontre stratégique, je m’embarquais pour la visite de terrain. Cette découverte du terrain m’a permis de façon concrète de voir, d’examiner et d’évaluer l’action de la société SIAT en Côte d’Ivoire.

Au cours de notre expédition alors que le véhicule traversait la forêt et les étendues d’hévéa, je demandais à notre guide, une des victimes: «Sinan, y a-t-il une voie secondaire, une autre issue? » Avec hésitation, il bredouilla une réponse que je ne compris presque pas en y ajoutant : « ma sœur as-tu peur »? En effet j’avais peur ; car nous étions dans une zone inconnue et conflictuelle, l’envol du temps n’était pas une préoccupation pour nous, nous étions une forte délégation comprenant des personnes de divers pays (Nigeria, Ghana, Burundi, Côte d’Ivoire) et des représentantes de congrégations religieuses sans aucune protection. L’unique protection que nous avions était cette force intérieure d’aller vers nos frères en difficultés qui clament dans les larmes depuis le début de notre rencontre « nous préférons mourir que de brader nos terres » ! Devant tout ce décor, je me sentais responsable en tant qu’ivoirienne et priais intérieurement pour le bon déroulement de notre visite.

Sinan venait de comprendre mon sentiment. Je lui souris. Mes compagnes d’expédition srs Veronica et Odile ont pouffé de rires. Oui, le rire thérapeutique, il était nécessaire en pareille circonstance !

La visite à Famienkro, Timbo et Koffessou-Groumania a été pour moi une expérience émouvante. J’ai touché la réalité ivoirienne du doigt, j’ai vu la souffrance de ces populations, l’injustice que vivent certains de mes frères déguisée en un certain développement. J’ai vu des hommes et femmes épuisés à force de lutter ; certains attendant le retour providentiel d’un parent disparu, d’autres pleurant la mort atroce d’un des leurs… Face à cette violation de droit, j’ai admiré leur foi en l’avenir et leur courage de poursuivre la lutte quoiqu’il advienne. « Jetez-nous en prison, marchez sur nos corps, nous ne céderons pas nos terres » profèrent-ils !

Un message à la consacrée que suis-je pour manifester ma solidarité à toutes les victimes de l’injustice et à les accompagner dans leur lutte.

Sr Chantal Lucie BOUA, nda