L’issue de la conférence qui vient de s’achever n’a pas surpris les gladiateurs de la diplomatie internationale. Les dirigeants mondiaux ont choisi de détourner l’attention sur des symptômes plutôt que sur des engagements clairs en matière d’ambition climatique. Dès le départ, la conférence était structurée pour échouer lorsque les pays riches du Nord ont commencé à exiger des changements dans la formulation du récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Les capitaines d’industries et de sociétés ont détourné le processus et exclu la société civile du processus préparatoire à la conférence. Il en est résulté deux attitudes décevantes qui ont envahi la réunion de la COP26.
Premièrement, les dirigeants des pays riches ont donné l’impression qu’avec la science, la technologie et l’argent, ils s’adapteraient rapidement à toute adversité climatique qui pourrait survenir, car leurs pays affichent des réalisations impressionnantes et indéniables en matière de science et de technologie. Il est vrai que la science a radicalement changé notre mode de vie et nous a permis de faire et de créer des choses qui auraient passé pour miraculeuses il y a deux cents ans, mais il y a une limite à ce que la science peut faire pour nous sauver.[1] Selon les éléments de preuve du récent rapport scientifique, nous sommes déjà au bord du précipice d’une catastrophe climatique mondiale ; ces progrès phénoménaux se sont accélérés.
Deuxièmement, les dirigeants du Nord Mondial et leurs collaborateurs des entreprises se considèrent comme habitant une planète différente de celle de l’Afrique et du reste des pays en développement. Ils ont sans effort relégué au second plan le paiement des dettes écologiques exigées par l’Afrique et le reste des pays en développement. Cependant, très bientôt, ils discerneront les mensonges avec lesquels ils ont vécu depuis le début. Au fil des ans, les migrations ont été motivées par la pauvreté et les troubles sociaux en Afrique. Cependant, dans peu de temps, la migration causée par la crise climatique se mettra en place, et la crise actuelle des migrants de l’UE ressemblera à un jeu d’enfant en comparaison. Les États-Unis ont construit un mur le long du Mexique pour arrêter les migrants, mais le problème existe toujours, car un mur ne peut pas contrôler la marée. Depuis que le mur de Berlin est tombé, tout mur construit pour stopper l’essor de l’humanité ne pourra résister à l’instinct de survie de l’homme ! Ce qui est certain, c’est que les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays aujourd’hui sont les réfugiés de demain, et plus tôt les économies dites avancées accepteront cette réalité, mieux ce sera pour elles.
Le fait que les dirigeants du monde n’écoutent pas les signes précurseurs de la catastrophe imminente est très inquiétant et vous écorche le cœur. L’élévation du niveau des mers, l’augmentation de la fréquence des inondations, des incendies de forêt et des sécheresses généralisées ne les ont pas incités à réfléchir radicalement à l’arrêt des émissions de gaz à effet de serre. La capitale de l’Inde, New Delhi, a fermé des écoles et des chantiers de construction en raison de la pollution dangereuse causée par la combustion du charbon, et pourtant l’Inde s’est opposée à l’engagement d’éliminer progressivement le charbon comme source d’énergie lors de la COP26. Il n’est pas facile de comprendre ce qui a motivé le choix de l’Inde lors de la COP26. Alors que ses citoyens meurent de la pollution due au charbon, l’Inde a choisi de protéger les quelques bénéficiaires actuels de l’industrie du charbon au détriment de générations de ses citoyens. Il n’est pas difficile de voir l’acharnement des entreprises dans le choix de l’Inde. L’une des questions sans réponse est de savoir pour qui l’Inde a parlé pendant la COP26.
En effet, l’accès privilégié des entreprises et de leurs représentants aux décideurs, aux espaces d’élaboration des politiques et aux institutions gouvernementales doit être limité. Les gouvernements représentent le peuple et non les conglomérats. Au contraire, les entreprises doivent être réglementées de manière adéquate pour protéger notre écosystème et être sanctionnées de manière appropriée lorsqu’elles détruisent notre bien commun. Elles ne peuvent pas être les partenaires du gouvernement pour gérer les crises qu’elles ont énormément contribué à créer en raison d’un conflit d’intérêts inhérent. Les entreprises de combustibles fossiles et les mineurs de charbon ne doivent pas participer aux négociations sur le climat et les droits de l’homme. Cette opinion n’est pas sans lien avec leurs positions négativement et dangereusement biaisées contre le bien commun. Malheureusement, les gouvernements protègent et facilitent l’implication des STN dans nombre de ces espaces et perpétuent ainsi l’asymétrie du pouvoir qui nous empêche d’avancer vers les changements nécessaires.
Ironie du sort, le sénateur australien Matt Canavan a considéré que l’expression nébuleuse « réduction progressive » au lieu de « suppression progressive » du charbon était une solution gagnante pour tous car, selon lui, le plus important est d’avoir une énergie bon marché pour sortir les gens de la pauvreté. Ce type de campagne ambiguë en faveur des pauvres a de quoi plaire au Nord Mondial. Pour lui l’exploitation systématique des peuples d’Afrique devient presque un acte de bienfaisance. La question à poser aux gens comme le sénateur Canavan, est de savoir si les pauvres pourront profiter de leurs richesses dans la tombe. La terre, dont la survie est désormais fragile, s’effondre au détriment de l’espèce humaine.
La COP26 tant attendue une fois terminée, les délégués et les chefs de gouvernement sont rentrés dans leurs pays respectifs sans avoir obtenu un accord contraignant qui maintiendrait la température mondiale en dessous de la marge de 1,5°C. Ils n’ont pas pu réunir les fonds nécessaires, et certains gouvernements ont semblé aveugles au danger imminent. L’Afrique, les pays en développement et, surtout, les États insulaires, ont quitté la réunion le cœur brisé. Alors que nous observions la scène depuis l’extérieur de la COP26, nous avons réfléchi à cet échec suicidaire : Était-ce l’absence de volonté économique d’agir ou un manque de bonne volonté ?
Chika Onyejiuwa
AEFJN
[1] Eckhart Tolle: A New Earth: Awakening to your life’s purpose 2005