Dans la ligne des nouvelles négociations de partenariat ACP-UE, le récent Rapport mondial sur le développement humain du PNUD est très lucide et tombe à point. Le document souligne en effet que la croissance économique ne se traduit pas nécessairement par une répartition équitable des progrès dans le domaine du développement humain. En s’appuyant sur les indices et indicateurs de développement humain actualisés de 2018, l’IDH et certains éléments des objectifs de développement durable (ODD), le PNUD a montré que, bien qu’il y ait une augmentation générale des progrès mondiaux en matière de développement humain, il y a un déclin global parmi les pays et les populations du Sud en général. Sur la base de ces indices et indicateurs, le PNUD a regroupé 189 pays du monde en quatre catégories de progrès en matière de développement humain : Groupes de développement humain très élevé, humain élevé, humain moyen et humain faible. Comme prévu, la plupart des pays de l’Afrique subsaharienne font partie du groupe des pays à faible développement humain. Cependant, ce qui est plus inquiétant, c’est que les groupes dits de « très haut » et de « haut développement humain » en sont arrivés là aux dépens de l’écosystème et de la croissance du groupe dit de « bas développement humain ». Le PNUD souligne en outre que » la dégradation de l’environnement et de l’atmosphère, associée à une diminution importante de la biodiversité, est liée à d’autres problèmes de développement allant de la baisse de l’approvisionnement en nourriture et en eau à la perte des moyens de subsistance et aux pertes de vie dues à des phénomènes météorologiques extrêmes « . Face à ces diverses situations, la question récurrente de savoir quel doit être le but ultime de la croissance économique et du programme de développement commence à voir le jour. AEFJN et le PNUD sont sur la même longueur d’onde : » chaque être humain compte, et chaque vie humaine a la même valeur « . En outre, nous affirmons que ce concept éthique doit être le principal moteur de la coopération au développement entre les nations du monde et les entreprises.
Dans cet esprit, l’AEFJN considère le nouvel accord de partenariat ACP-UE avec appréhension et inquiétude, et demande un changement de la mentalité » business-as-usual approach » (l’approche « routine comme d’habitude ») qui a caractérisé leurs relations économiques dans le passé et l’accord de Cotonou. Entre autres, nous sommes préoccupés par les hypothèses erronées selon lesquelles le nouveau partenariat ACP-UE est négocié sur la base de partenaires égaux. Nous craignons également que toutes les conséquences de cette supposition boiteuse ne soient elles aussi plus que caduques. Bien que cela semble politiquement correct, AEFJN considère cette supposition comme un stratagème visant à massacrer l’ego des dirigeants ACP afin de faciliter l’application de la mentalité du statu quo. Oui ! En principe, tous les animaux sont égaux, mais il est également établi que certains animaux sont plus égaux que d’autres. L’UA n’a pas la mémoire institutionnelle que l’UE a acquise pour prendre le dessus dans les négociations. Par ailleurs, l’Afrique n’a pas de cohésion régionale ou sous régionale à négocier. Amener les 55 pays à négocier et à faire des compromis est presque une mission impossible. C’est peut-être la raison pour laquelle le directeur de CONCORD a récemment déclaré que l’UE est loin d’un véritable partenariat avec l’Afrique. Ce qui est crucial pour AEFJN, c’est que l’UE reconnaisse son incapacité tout en essayant d’y remédier pendant le processus de négociation. L’UE doit également reconnaître que le nouveau partenariat ACP-UE n’est pas une question de concurrence et de pouvoir, mais doit être une expression claire de solidarité humaine, de compassion et de justice sociale.
En outre, AEFJN s’aligne sur la position de Caritas Europa pour faire de la mise en œuvre des GDS un objectif prioritaire du nouveau partenariat et des principes de l’Agenda 2030 intégrés dans le partenariat. La meilleure façon pour répondre à l’appel lancé par l’UE à la Commission européenne à faire davantage pour combler le fossé dans les domaines de la politique, de la législation et de la structure de gouvernance pour la cohérence horizontale et la mise en œuvre de l’agenda 2030 c’est d’entamer de nouvelles négociations de partenariat ACP-UE. Dans ce nouveau partenariat, il devient impératif d’abandonner l’accent excessif mis sur l’économie de la croissance du PIB et du marché pour se diriger vers une économie qui tient compte de la satisfaction des besoins humains. Une telle conception permettra de mettre en place le nouveau partenariat en tandem avec le rapport du PNUD et les objectifs du développement durable.
AEFJN a une vision d’un nouveau partenariat ACP-UE qui aidera à transformer l’économie africaine en une économie de production. La vérité, c’est que les investissements à grande échelle privilégiés dans l’accord de Cotonou ont fait plus de dégâts que les contributions aux progrès du développement humain et environnemental en Afrique. Ce qui aurait contribué au progrès du développement humain en Afrique est perdu en raison des importants allégements fiscaux et de l’évasion fiscale. Nous espérons que ce nouveau partenariat contribuera à promouvoir des politiques visant à réduire les flux financiers illicites en provenance d’Afrique.
AEFJN souhaite voir un nouveau partenariat ACP-UE qui comblera le fossé entre les objectifs de développement de l’UE et ses politiques commerciales et d’investissement. Nous considérons que la solution du conflit entre ces deux facettes de l’UE ne se fera que si chaque côté s’exprime de la même voix. À cet égard, nous soulignons le désir apparent de l’UE de voir une Afrique économiquement et socialement viable, mais en même temps, nous avons des réticences à soutenir un instrument international qui réglementera les activités des STN en Afrique et détruira son écosystème.
Ce que l’Afrique souhaite actuellement, c’est un partenariat ACP-UE qui permette à l’investisseur d’utiliser son argent pour générer des bénéfices qui contribueront au progrès du développement humain des ACP. Toute autre solution sonnerait le retour de l’ancienne et inacceptable « mentalité du business as usual ». (La routine comme d’habitude).
Chika ONYEJIUWA