Le Réseau Afrique Europe Foi et Justice (AEFJN) est un réseau de plaidoyer des congrégations religieuses de l’Église catholique en Europe et en Afrique.

Nous notons, avec un cœur douloureux, le climat politique actuel, chargé et inutile, en République Démocratique du Congo. La tension a commencé à la suite du refus du président Joseph Kabila d’organiser des élections à la fin de son mandat en 2016. Il a mis de côté un accord conclu et signé le 31 décembre 2016 sous les auspices de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) à la Saint-Sylvestre pour lui donner l’opportunité d’organiser des élections en 2017. En guise de suivi, le climat politique de la RD Congo et la condition socio-économique des citoyens ont été affectés négativement. Le refus du président Kabila d’organiser des élections en 2017, comme convenu en 2016, et de démissionner, est une violation flagrante du droit du peuple à choisir son chef. Nous considérons le prétendu calendrier des élections du 23 décembre 2018 comme un écran de fumée et un moyen de prolonger le règne du président Kabila.

Nous avons également noté avec une grande préoccupation les autres violations des droits humains RD Congo, contraires à la déclaration du gouvernement Kabila. Selon l’ONU, il y a eu 1176 exécutions extrajudiciaires en 2017; 30% de plus qu’en 2016. Le 31 décembre 2017, le gouvernement de Kabila a ordonné aux fournisseurs de télécommunications de couper les services Internet et SMS à travers le pays avant les manifestations antigouvernementales planifiées. Le 31 décembre 2017, au moins sept personnes ont perdu la vie. Les forces de sécurité ont tiré et blessé des douzaines d’autres alors qu’elles envoyaient des gaz lacrymogènes pour disperser des manifestations pacifiques organisées par l’Eglise catholique. Au moins 600 personnes sont en prison! Les enlèvements, les meurtres, la torture, le viol et le déplacement de personnes sont devenus une décimale récurrente, portant le nombre de personnes déplacées à 4,25 millions en 2017. La manifestation organisée par l’Eglise catholique le 21 janvier 2018 et soutenue par d’autres communautés chrétiennes et musulmanes dans différentes villes n’a pas eu lieu sans pertes. Rien qu’à Kinshasa, selon des rapports, six personnes ont été tuées par les forces de sécurité, une cinquantaine blessées et plusieurs autres arrêtées. L’histoire n’est pas différente à Goma et Bukavu où, selon des rapports, environ 50 personnes ont été blessées, arrêtées ou tuées. La liste s’allonge encore et encore, mais les attaques de plus en plus violentes contre les travailleurs humanitaires et les forces de maintien de la paix forcent les organisations humanitaires à retarder la livraison de l’aide ou à suspendre leurs activités.

Nous condamnons ces suppressions violentes des droits humains fondamentaux et appelons le président Kabila à faire preuve de retenue, à libérer inconditionnellement tous les prisonniers politiques qui ont été détenus alors qu’ils participaient à des manifestations pacifiques et à organiser immédiatement des élections libres et équitables. Nous affirmons que c’est sa responsabilité constitutionnelle de protéger les vies et les biens du peuple de la RD Congo. Nous recommandons fortement la reconstitution de la Commission électorale du Congo CENI pour inclure les acteurs de la société civile et de l’Église et les autres parties prenantes. Nous condamnons également en termes très forts le projet de loi présenté à l’Assemblée nationale congolaise pour réglementer les ONG et les défenseurs des droits humains. Nous appelons les honorables parlementaires à rejeter le projet de loi et à assumer leur responsabilité de protéger les droits du peuple.

Si nous nous abstenons d’un jugement hâtif sur le silence de l’Union Européenne et des États membres sur la situation au Congo, il n’en demeure pas moins très préoccupant. En conséquence, nous implorons l’UE, ses États membres et la communauté internationale de s’opposer à ce comportement insensé et de tenir le président Kabila pour responsable de ses violations des droits humains. Nous nous félicitons à cet égard de l’utilisation de sanctions ciblées par l’UE et de l’utilisation de moyens supplémentaires, comme le prévoient les lois internationales en vigueur, si les progrès vers une solution pacifique restent insaisissables.

L’UE dispose d’un immense espace pour démontrer son engagement ferme à soutenir la démocratie et la protection des droits humains dans la région. C’est une valeur qui constitue une véritable valeur ajoutée de la coopération européenne par rapport aux autres partenaires internationaux de la RD du Congo. En ce qui concerne le soutien technique au processus électoral, nous demandons à l’UE de réitérer sa volonté de collaborer avec des partenaires internationaux pour s’assurer qu’un plan clair et complet soit mis en place pour financer les élections congolaises et de communiquer largement ce plan. L’UE devrait également être convaincue qu’il existe un calendrier crédible et une volonté politique claire de tenir les élections. L’objectif est de voir qu’un manque de ressources ne fait pas dérailler les plans pour les élections.

Enfin, nous saluons avec beaucoup de gratitude la contribution de l’Union Européenne aux résolutions des conflits et impasses internationaux. Alors que nous attendons l’intervention de l’Union Européenne dans l’impasse qui fait rage dans la République Démocratique du Congo, AEFJN reste attaché à tous les efforts pour accorder à chaque personne humaine les droits inaliénables et continuera inlassablement à exposer les structures économiques et sociales injustes.

Chika Onyejiuwa

Executive Secretary

chykacssp@hotmail.com

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Le Réseau Afrique Europe Foi et Justice (AEFJN) est un réseau de plaidoyer des congrégations religieuses de l’Église catholique en Europe et en Afrique. Nous travaillons pour la justice dans les relations économiques entre l’Europe et l’Afrique et notre Secrétariat international est au 174, rue Joseph II, à Bruxelles.