Les journées européennes annuelles du développement ont eu lieu au début juin à Bruxelles. Pendant deux jours, les participant(e)s ont eu la possibilité de participer à des débats qui abordent différents aspects au sujet du développement promu par l’Union européenne (UE). Et c’est cette compréhension de la manière dont l’UE promeut ce développement économique, en l’absence de conception d’un développement humain durable, avec son manque de connexion avec les droits humains, qui a attiré mon attention[1]. Rien qu’un exemple : lors d’une table ronde au sujet des opportunités des Accords de partenariat économique (APE) en Afrique, il y avait six participants. Aucun de la société civile engagée au développement humain, et aucune mention du respect des droits humains. Les participants ont entendu parler de profits, de bénéfices et d’opportunités, mais pas un mot sur les risques pour les économies africaines, la durabilité, la souveraineté alimentaire, les droits humains de la population ou les droits du travail pour les travailleurs.
La position de l’Union Européenne est qu’il y a une corrélation entre la croissance économique et le développement, mais la libéralisation du commerce entre les pays développés et en développement ne réduit pas la pauvreté et n’améliore pas le niveau de vie. Dans une déclaration récente, le ministre du commerce sud-africain disait que l’Afrique du Sud (le premier pays africain à signer un Accord de libre-échange préférentiel réciproque avec l’Union européenne)[2] s’était laissé persuader de supprimer les droits de douane et d’ouvrir des marchés qui ont évolué au-delà de ses capacités, avec pour résultat l’absence de croissance inclusive et des inégalités croissantes.[3] Il y a même des cas où les conséquences de la libéralisation menacent des existences et violent les droits humains.[4]
Les droits humains n’ont pas de chapitre spécifique dans les Accords de partenariat économique (APE) entre l’Union Européenne (UE) et les régions africaines. Les droits humains sont considérés comme une partie essentielle des APE et sont mentionnés dans le préambule des accords, ce qui signifie qu’ils ne sont pas légalement contraignants. De même, les traités de droits humains des Nations unies[5] sont mentionnés dans les préambules des APE mais ils ne sont pas mis en vigueur. Dans ce sens, les APE contiennent des clauses de droits humains, et une violation de droits humains constituerait une rupture matérielle des accords qui autoriserait explicitement une partie à suspendre un accord, bien que ce soit arrivé dans très peu de cas.[6] Je considère que les droits humains ne peuvent pas être mentionnés uniquement dans le préambule comme des éléments essentiels du traité puisqu’il doit contenir des sanctions en cas de violations de tels droits. Un chapitre de droits humains doit être inclus dans Ie corps des traités.
Les droits humains peuvent être affectés de différentes manières par les accords économiques. Il n’y a pas un nombre fixe de droits humains concrets affectés, et il n’y a pas une manière unique dont les personnes peuvent avoir leurs droits humains touchées ou violés. Par conséquent, les accords économiques et l’Evaluation des impacts sur les droits humains doivent prévoir dans quel secteur les droits humains pourraient être plus vulnérables et comment les protéger. Pourquoi une population doit-elle se déplacer pour donner la propriété de ses terres à une entreprise étrangère ? Pourquoi une région rurale doit-elle changer ses systèmes agricoles traditionnels en vue de l’exportation ? Pourquoi des entreprises étrangères diminuent-elles les normes du travail lorsqu’elles opèrent en Afrique ?
Parfois, des entreprises étrangères en Afrique usent de leur influence pour omettre l’accomplissement de droits humains et sociaux. Souvent, les responsables d’entreprises européennes délèguent leurs responsabilités à des entrepreneurs locaux et ignorent ce qui se passe dans leurs propres entreprises. Les responsabilités des droits humains sont diluées dans le suivi des devoirs des entreprises et il est difficile d’exercer des actions légales contre ces entreprises. C’est un fait que le but principal dans les affaires est de réaliser du profit dans leurs activités, mais ce doit être fait en respectant l’ordre légal international, y compris les traités sur les droits humains.
Les Accords de partenariat économique dans les pays ACP doivent être le cadre légal pour promouvoir un commerce juste entre différentes régions et l’Union européen, et garantir les droits de tous les ayants droit. Les accords incluent, parmi les sujets principaux, des chapitres concernant le commerce des biens, les règles d’origine, l’investissement et le développement. De plus, l’APE visera à simplifier toutes les procédures et réglementations concernant les imports et exports. Seuls les nouveaux accords en cours de négociation incluront un chapitre ‘durable’ mais ils n’incluront pas encore de réglementation des droits humains.
Le manque de chapitre des droits humains ne légitime pas que les entreprises transnationales (TNC) fassent des affaires dans les pays africains comme des commerçants opportunistes.[7] Au contraire, Les TNC ont le devoir de respecter les législations sociales et environnementales aussi bien que de compenser les populations africaines pour l’usage de leurs ressources naturelles. Les TNC ont la responsabilité de garder durables leurs actions et de contribuer au développement du continent en payant des salaires décents et des taxes. Le respect des droits humains ne doit pas être uniquement une question d’éthique, mais il doit attirer des investisseurs qui ont confiance que les TNC font des profits tout en contribuant au développement des pays pauvres. Ce n’est pas seulement une question d’obligation légale, mais une option éthique. Les profits et le développement humain doivent être considérés comme faisant partie du même objectif et pas comme des buts incompatibles.
Pour résoudre ce problème, une Evaluation de l’impact sur les droits humains doit d’abord identifier quels sont les droits humains en situation de risque avant la conclusion d’un accord économique. En second lieu, proposer les types de mesures à appliquer en cas de violations des droits humains. Et troisièmement, les traités devraient être contrôlés par un organisme indépendant ayant compétence pour sanctionner en cas d’abus par des mesures de restitution.
Il est clair que ce n’est pas seulement la responsabilité de l’UE. Les pays africains ont la responsabilité de mettre en œuvre les accords internationaux sur les droits humains et de les garantir sur leur territoire. Tant l’UE que les pays africains doivent collaborer dans cette responsabilité et promouvoir les valeurs durables qui font du commerce une contribution à une compréhension intégrale du développement humain.
José Luis Gutiérrez Aranda
AEFJN Trade Policy Officer
[1] http://hdr.undp.org/sites/default/files/2016_human_development_report.pdf
[2] The EU-South Africa Trade Development and Cooperation Agreement – TDCA.
[3] EPA Monitoring, Need to Restore Differentiation in Trade Rules in Africa, https://goo.gl/iwtPpG
[4] Human Rights and Sustainability in FTA, Evita Scmieg, SWP Comments May 2014.
[5]http://www.un.org/es/rights/overview/conventions.shtml
[6]For example, the case of Burundi http://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2016/09/29-burundi-sanctions/
[7] Ostentatious wealth accumulates in the hands of the privileged few, often in connection with illegal activities and the appalling exploitation of human dignity; Pope Francis, Presentation of the message for the first World Day of the Poor 13 June 2017.