Les négociations entre les régions africaines et l’Union Européenne (U.E.) sur les accords de partenariat économique (APE) avancent à des vitesses différentes[1]. Après plus d’une décennie de négociations, les positions initiales des deux parties restent fixées. D’une part, l’U.E. ne renonce pas à son aspiration à augmenter les exportations vers les marchés africains et, d’autre part, les pays africains essaient de revigorer leurs économies et pour cela ils ont besoin d’une certaine protection des fermiers locaux et des industries naissantes. Pour maintenir la croissance économique, les pays africains essaient d’assurer leurs revenus grâce à des droits de douane imposés sur les importations, en protégeant la sécurité alimentaire pour leurs pays et en améliorant la bonne gouvernance de leurs ressources naturelles qui appartiennent à leurs populations.
Etant donné la nouvelle étape ouverte avec les Objectifs de Développement Durable (ODD) approuvés par les Nations unies et ratifiés par 195 pays (y compris les états membres de l’U.E. et les pays africains), les APE devraient être négociés et appliqués avec à l’esprit les ODD qui, entre autres, cherchent à éradiquer l’extrême pauvreté, en combattant l’inégalité et l’injustice, à promouvoir l’égalité des genres et à préserver l’environnement. Cependant, les négociations techniques des APE semblent se soucier davantage de la croissance du commerce que des personnes que ces accords sont destinés à servir[2].
La croissance économique n’est pas bonne en soi et ne peut être le but. La croissance économique sans limites mène à un modèle de consommation déréglée qui cause un dommage irréparable à la population et à l’environnement, spécialement en Afrique. C’est pourquoi je crois que, pour arriver à une croissance économique durable, les APE doivent être inspirés par le bien commun de la population et chaque mesure particulière doit viser le développement humain dans le respect total de l’environnement.
Par conséquent, pour assurer la croissance économique durable, l’U.E. devrait assurer que les petits fermiers en Afrique développent leurs activités avec des moyens appropriés et puissent entrer en compétition dans des conditions égales avec les fermiers européens qui bénéficient d’un soutien financier grâce à la Politique agricole commune (PAC). La croissance économique durable ne doit pas essayer de transformer les régions rurales en fermes industrielles chimico-intensives et elle doit mettre en place des mesures de soutien pour améliorer la productivité des fermiers familiaux africains. La croissance durable est celle qui promeut les capacités des producteurs locaux, respecte l’environnement, paie des salaires justes, promeut les cultures traditionnelles, applique des moyens de production responsables et établit une distribution équitable de la nourriture.
Les APE doivent respecter la croissance industrielle des pays africains et protéger réellement ces secteurs critiques des économies africaines qui sont pertinent pour leurs économies. La balance commerciale entre l’U.E. et les pays africains doit être équilibrée de sorte que le commerce durable soit basé sur les dimensions économiques, sociales et environnementales et pas seulement sur les intérêts commerciaux des parties. Pour cette raison, l’U.E. ne peut pas s’attendre à exporter seulement sa production en surplus ou des biens technologiques et attendre que les pays africains n’exportent que des matières premières ou des denrées brutes, du pétrole, des pierres précieuses, de l’huile de palme ou des produits exotiques et des biens de consommation pour remplir les étagères des supermarchés.
La croissance économique durable requiert des initiatives adéquates à la fois des pays africains et de l’U.E. pour promouvoir le commerce entre l’Afrique et l’Europe, en respectant les droits sociaux et économiques des populations. Parmi les mesures durables sur le commerce, il faut prendre en compte le respect des droits humains, le paiement de salaires décents, le paiement de prix équitables pour les matières premières et les denrées brutes, le respect du droit du travail pour les travailleurs et la prohibition absolue du travail des enfants. De même, selon les ODD, le processus de production doit être respectueux de l’environnement et promouvoir des sources d’énergie renouvelables.
Bien qu’elle soit le continent le plus riche en matières premières, l’Afrique reste le continent le plus pauvre. C’est pourquoi, pour développer leur potentiel, les régions africaines doivent coopérer entre elles et développer un plan d’infrastructures pour faciliter la mobilité des personnes et le mouvement des biens au niveau national, à l’intérieur des régions africaines et entre elles. En plus des investissements dans l’infrastructure, les pays africains doivent élaborer des plans pour l’énergie pour les rendre moins dépendants de l’importation de l’énergie dont ils ont besoin pour le développement humain et la production de biens et de services. L’Afrique comprend le potentiel d’une infrastructure durable pour une augmentation du développement économique et social qui contribue au commerce durable.[3]
Souvent l’U.E. se réfère à l’aide pour les plans commerciaux dans les APE et elle insiste que cette aide va combler les fossés entre les régions africaines et l’Europe. L’U.E. va dégager 31 milliards d’euros pour aider les pays africains à mettre en œuvre les APE grâce au Fonds Européen de Développement (FED) pour la période 2014-2020. C’est certainement beaucoup d’argent (qui a déjà été engagé pour l’Afrique) mais l’U.E. veut distribuer cet argent entre 48 pays subsahariens. Cet argent doit être redistribué pour améliorer, entre autres, leur infrastructure, améliorer leurs systèmes de production, s’adapter aux règles commerciales internationales, et toutes les initiatives sociales qui visent à éradiquer la pauvreté.
Tous ces fronts comprennent bien que le développement durable de l’Afrique n’est pas seulement une affaire d’accords économiques, mais un effort économique beaucoup plus grand, impliquant des investisseurs publics et privés. Le projet d’une société durable ne dépend pas du seul mérite de l’aide économique qui favorise le commerce, mais de la pleine conviction des dirigeants politiques que les modèles de production et de consommation doivent être changés. La croissance économique durable doit favoriser des relations commerciales éthiques et respectueuses entre les pays, avec une croissance durable pour tous, tant les nations que les personnes.
José Luis Gutiérrez Aranda
AEFJN Trade Policy Officer