Le conflit dans le nord du Mozambique est communément considéré comme une entreprise djihadiste, mais la société civile a insisté sur le fait qu’au contraire, il est motivé par la quête de ressources naturelles. Les récents développements autour du conflit confirment cette position de la société civile. Les troupes rwandaises surveillent désormais aussi les mines de rubis et de graphite. Le nombre de soldats et de policiers rwandais qui combattent les insurgés dans la province mozambicaine de Cabo Delgado est passé de 1 000 en 2021 à 2 500 à la fin de 2022. En décembre dernier, ils ont été placés dans le district d’Ancuabe, dans le sud de la province, un déploiement stratégique qui protège les industries du rubis et du graphite, dont le chiffre d’affaires s’élève à plusieurs millions de dollars et qui avaient été temporairement arrêtées en raison de l’insurrection. Le renforcement de la sécurité a rendu les zones riches en ressources naturelles plus sûres, mais qu’en est-il du reste de Cabo Delgado ? Les civils qui y vivent sont-ils mieux lotis ? Lorsque les troupes rwandaises ont été envoyées dans les districts du nord du Cabo Delgado pour la première fois en juillet 2021, elles avaient un large mandat pour aider à restaurer l’autorité de l’État mozambicain. Mais leur objectif de protection des ressources naturelles semble plus spécifique que celui de la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe au Mozambique (SAMIM), qui a été déployée au même moment.

Les districts de Macomia, Muidumbe et Nangade ont été les principaux lieux d’attaques contre des civils et d’affrontements avec les forces de sécurité tout au long de 2022. Au cours du dernier trimestre de cette année, les insurgés ont commencé à faire des incursions dans la région méridionale relativement sûre de Cabo Delgado. Des attaques ont été lancées dans les districts d’Ancuabe, Namuno, Chiúre et ont même atteint la province voisine de Nampula. Dans le cadre de l’incursion dans le sud du Cabo Delgado, Gemrock, l’une des trois mines de rubis de la province, a été attaquée, entraînant l’arrêt temporaire de toutes les opérations de la région. L’industrie du graphite dans le district de Balama a également suspendu ses activités par crainte d’attaques sur les lignes de transport entre la mine et les ports du pays. Les industries des pierres précieuses et du graphite sont vitales pour l’économie du Mozambique. Montepuez Ruby Mining compte parmi les plus gros contribuables du pays, et Syrah Resources a conclu un accord pour approvisionner Tesla en matières premières produites à Cabo Delgado.

L’expansion des attaques vers le sud menace l’exploitation des ressources naturelles dans la région, comme cela s’est produit avec les entreprises gazières à Palma. Aucune troupe étrangère n’était présente dans les districts du sud de Cabo Delgado, et les forces de défense et de sécurité du Mozambique n’ont pas pu contenir la menace croissante. Les autorités se sont alors tournées vers le Rwanda pour protéger les industries des pierres précieuses et du graphite du pays. Le président rwandais Paul Kagame s’est rendu à Maputo et a scellé un accord avec son homologue Filipe Nyusi pour que des forces rwandaises soient déployées dans le sud de Cabo Delgado. Deux mois plus tard, les troupes étaient en place, ouvrant une nouvelle position dans le district d’Ancuabe.

Bien que le statut juridique de la présence de la SAMIM à Cabo Delgado soit connu du public et largement discuté, les termes régissant les forces rwandaises sont voilés de secret. La nature des accords entre les deux pays est inconnue, tout comme les pouvoirs attribués aux forces rwandaises.

Le plus grand mystère reste la source de financement de la mission rwandaise en expansion de Cabo Delgado. Kagame insiste sur le fait que le Rwanda paie de sa poche. Certaines recherches ont suggéré que l’objectif du Rwanda est de « protéger les projets d’exploration, de liquéfaction et de logistique du gaz dans le bassin de la Rovuma ». Mais l’ouverture d’un nouveau front sud ajoute les pierres précieuses et le graphite à la liste des biens que Kigali cherche à protéger. L’ouverture d’un nouveau front sud ajoute les pierres précieuses et le graphite à la liste des actifs que Kigali cherche à protéger. Depuis leur nouvelle position à Ancuabe, les forces rwandaises effectuent des patrouilles régulières le long de la route EN14, couvrant les districts d’Ancuabe, Montepuez et Balama. Leur présence a amélioré la sécurité dans la région. Les véhicules qui devaient auparavant être escortés par les forces de défense et de sécurité entre Pemba et Montepuez circulent désormais sans protection. Le transport de graphite le long de l’EN14 a repris, et l’industrie des pierres précieuses fonctionne de manière relativement sûre. Cependant, le sud de Cabo Delgado semble être un autre îlot de sécurité au profit des ressources naturelles du Mozambique (plutôt que de sa population), ce à quoi les autorités ont toujours accordé la priorité. Les attaques terroristes se poursuivent dans les districts du centre et de l’ouest, où les réserves de gaz et de minéraux sont moins abondantes. Là, les forces de la SAMIM tentent d’assurer la sécurité de la population civile sans l’aide des forces de sécurité rwandaises ou mozambicaines. Depuis le début de l’insurrection, le Mozambique s’est principalement concentré sur la protection des ressources naturelles de Cabo Delgado, la sécurité humaine étant reléguée au second plan. Le gouvernement a désormais pour partenaire dans cette quête les troupes rwandaises. Une coordination efficace entre les forces rwandaises, la SAMIM et la force de défense du Mozambique fait encore défaut. Tant que cela ne sera pas le cas, la sécurité de la population de Cabo Delgado restera insaisissable.