Lorsque nous parlons de l’industrie minière (mines, gaz et pétrole) en Afrique, nous faisons référence à une réalité très complexe. Le nouveau modèle de développement économique mondial facilite l’accès aux ressources naturelles essentielles. La richesse particulière du sous-sol africain fait de ce continent un morceau de choix convoité par les compagnies minières. Ce qui attire ces firmes d’extraction des ressources du sous-sol, c’est la facilité avec laquelle les collectivités locales leur octroient  la possibilité d’exploiter leurs réserves. L’industrie minière répète toujours le même modèle de comportement bien connu de toutes les parties prenantes : gouvernements, législateurs, entreprises, actionnaires, consommateurs, activistes, population, société civile, etc. Par conséquence, en Afrique ces mêmes entreprises d’exploitation du sous-sol sont reliées les unes aux autres entre par des facteurs politiques, économiques, sociaux et environnementaux. Mais si tous ces enchaînements sont identifiés, pourquoi ces attitudes se perpétuent-elles avec le temps ? Comment inverser ce modèle de système minier ?

Changements politiques. L’exploitation des ressources naturelles en Afrique remonte à l’époque des colonies européennes. Les séquelles de cette époque ont une incidence directe sur différents problèmes politiques tels que la fragilité démocratique de l’Afrique, la dépendance économique des pays occidentaux et la corruption de leurs dirigeants politiques avec la complicité des pays développés. N.B : Par « fragilité politique » on veut signifier que du fait que le continent est en lutte permanente pour le contrôle et la redistribution des ressources naturelles on assiste régulièrement à des conflits armés semeurs de chaos.

La gestion des ressources minérales, pétrolières et gazières exige des changements politiques qui font de ces richesses naturelles un levier pour le développement économique en Afrique. La révision des codes miniers nationaux, plus de vigilance au niveau internationale sur la question des entreprises et les droits de l’homme, la transparence dans les concessions minières et la lutte contre la corruption sont des mesures urgentes et nécessaires. Les multinationales et les institutions internationales telles que la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International ne peuvent pas dicter les règles régissant la gestion des ressources naturelles en Afrique comme elles l’ont fait dans le passé. A noter aussi que les pays africains doivent assumer leurs engagements internationaux sans porter atteinte à leurs propres intérêts.

Changements économiques. L’industrie minière (minerais, gaz, pétrole) a un impact économique incontestable sur l’Afrique. Le développement de l’exploitation des mines suppose une croissance continue des investissements directs et indirects dans les pays disposant de ressources économiques. Malheureusement, seuls 10% des bénéfices générés par l’exploitation minière restent sur le continent. En outre, l’Afrique perd 80 milliards de dollars par an en flux financiers illicites, dont 70 % proviennent des industries extractives, en particulier des ressources minérales.  Résultat, tous les pays africains riches en ressources naturelles n’ont pas vu leur PIB augmenter à long terme. De plus, l’impact économique des ressources naturelles est miné par des systèmes fiscaux injustes qui profitent aux entreprises minières et oublient le réinvestissement dans les communautés propriétaires terriennes et leurs populations.

Face à cette réalité, la transparence devient un facteur clé pour inverser la tendance à l’accroissement des inégalités en Afrique. Changer le système fiscal des grandes multinationales est une mesure nécessaire pour une meilleure gestion économique des ressources naturelles, mais ce n’est pas suffisant. Il y a un besoin urgent  de mécanismes de transparence qui rendent compte de tout ce qui concerne les mouvements économiques des exploitations minières, tels que les montants versés aux gouvernements et aux autorités locales, les impôts payés, les bénéfices obtenus, la quantité de minéraux exportés, les investissements, les réinvestissements, les compensations aux communautés locales et tous les paiements effectués par l’entreprise dans le pays où elle exerce ses activités économiques.  Il est aussi très important de stopper l’exportation des ressources naturelles extraites vers d’autres pays pour transformation. Lorsque les ressources naturelles sont exportées, la plus-value générée par ces ressources reste dans les pays riches et prive les peuples nantis en ressources naturelles des revenus générés par leur transformation.

Changements sociaux. Les conséquences directes de l’industrie minière en Afrique se reflètent directement dans la population. Les compagnies minières transforment l’environnement dans lequel elles opèrent en rendant non viables les moyens de survie traditionnels comme l’agriculture ou l’élevage. Il est évident que les populations les plus proches des activités minières subissent un impact direct : sur la santé, la détérioration des conditions de vie, les déplacements, la dégradation des infrastructures et les abus continus qui finissent par se métamorphoser en violations des droits de l’homme.

Les changements sociaux en vue d’inverser l’impact négatif de l’exploitation du sous-sol passent par différents facteurs. D’un point de vue global, il est nécessaire de modifier les modes de consommation et les politiques qui encouragent une économie circulaire impliquant les entreprises technologiques, en réduisant et en réutilisant leurs propres produits. En ce qui concerne la population, le respect des droits de l’homme doit être garanti et aucun intérêt économique ne peut l’emporter sur les droits des personnes. Les changements sociaux exigent l’égalité des chances et les multinationales ne peuvent revendiquer l’exclusivité des ressources naturelles d’un territoire. Au contraire, l’exploitation minière artisanale doit être protégée et garantie par les autorités locales.

Changements environnementaux. Si l’une ou l’autre des caractéristiques de l’industrie extractive a occupé le devant de la scène ces dernières années, c’est bien l’impact qu’elle a eu sur l’environnement. Parfois, non seulement les procédés d’extraction minérale causent la contamination, mais les procédés chimiques utilisés pour obtenir les minéraux sont des substances très toxiques. Souvent, les déchets chimiques sont déversés autour des mines à proximité des villes voisines, causant non seulement des problèmes de santé parmi les populations, mais aussi la destruction des nappes aquifères et des terres arables.

La modification de la législation nationale et internationale est essentielle pour atténuer les effets environnementaux générés par les entreprises minières. Cet impact environnemental est directement lié à l’incidence sur le changement climatique et nécessite des mesures urgentes pour l’atténuer.  J’estime que l’initiative du traité des Nations Unies sur les multinationales et les droits de l’homme peut être un instrument efficace pour mettre fin à l’impunité des multinationales qui ne suivent pas les recommandations établies.

Ce renouveau dans le comportement des entreprises minières en Afrique requiert les efforts de tous : gouvernements, entreprises et société civile. D’une part, elle exige la participation inconditionnelle des États, non seulement des pays développés mais aussi de ceux qui possèdent des ressources naturelles. Aucun gouvernement ne peut être complice des violations des droits de l’homme et de l’environnement prévues par la législation internationale. Deuxièmement, les industries exploitant le sous-sol doivent assumer obligatoirement les recommandations des lignes directrices établies par les Nations Unies et l’OCDE en tenant leurs propres actionnaires responsables de ces actions et les pénalisant dans leurs bénéfices. En tant que société, nous ne pouvons pas continuer à ignorer l’impact négatif des sociétés minières et rester indifférents à la tragédie quotidienne du pillage de l’Afrique.

José Luis Gutiérrez Aranda

AEFJN Policy Officer