Pendant que la pandémie COVID -19 fait rage, les membres du Groupe de travail intergouvernemental des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme (IGWG) continue de travailler, à distance crise sanitaire oblige, mais ils ne chôment pas et de nouvelles taches arrivent sans cesse dans leur bureau. Le groupe de travail (IGWG) a maintenu son objectif avec date limite au  28 février 2021. A ce moment-là ce sera la fin officielle de la réception de  nouvelles suggestions ou amendements au sujet des textes issus de la session d’octobre 2020 du groupe de travail en vue du projet de traité sur la réglementation des sociétés transnationales (STN). Ce qui est prodigieux, c’est que depuis la création du traité jusqu’à la session qui vient de se terminer, la participation des acteurs étatiques africains à l’ensemble du processus du traité a été gigantesque. Un retour en arrière dans les annales du processus du traité montre que c’est l’Équateur et l’Afrique du Sud qui ont présenté la résolution 26/9, 2014 des Nations unies, celle-là même qui a ouvert la voie au traité. Il est instructif de constater que sur les 20 votes en faveur du traité, 50 % étaient des votes africains, et qu’aucun pays africain n’a voté contre. Ce qui a commencé comme une occasion unique pour l’Afrique de corriger l’injustice qui lui a été faite par la Conférence de Berlin de 1885 pourrait passer dans les coulisses de l’histoire comme la pire occasion manquée pour elle.

En 1885, l’Acte général de la Conférence de Berlin a, entre autres, réglementé le commerce sur le continent africain. Plus tard, les historiens l’ont appelée la « ruée vers l’Afrique » parce que les bénéficiaires étaient les puissances coloniales européennes et que l’Afrique était le gros gâteau de la Conférence. De ce temps-là, l’Afrique n’avait aucun droit au chapitre dans les délibérations et les décisions. Près d’un siècle et demi plus tard, une autre « ruée » est sur le point de se produire, avec la pleine connaissance et la coopération de l’Afrique cette fois.  Tel est le drame qui se déroule au sein du GTIG, une tragédie qui laissera l’Afrique avec des tas de regrets pendant de nombreux siècles en raison de son refus d’affirmer sa présence et de protéger ses ressources.

Il est inquiétant de constater que malgré  la présence importante de 26 acteurs africains tout au long des six sessions du GTIG sur le processus des traités de 2019 aucun impact typiquement africain n’a été remarqué. La contribution de ces 26 délégués africains n’a guère impressionné, ils se sont contentés, à quelques exceptions près, d’apporter un soutien général au traité. C’est une situation qui ne présage rien de bon pour l’Afrique, car il semble qu’aujourd’hui la table soit mise pour un résultat pire que le partage de l’Afrique par les puissances européennes de 1885. Ce qui rend la situation actuelle plus effrayante encore, c’est que l’Afrique, qui n’avait pas été invitée à la table des négociations en 1885  aurait pu par cet événement du passé se faire des amis à cause des injustices qui lui furent infligées jadis. Ce n’est malheureusement pas le cas.  Aujourd’hui le rendez-vous est raté. De nos jours l’Afrique semble plutôt se joindre à la préparation du banquet et joue des coudes pour avoir sa place au festin. Les nations africaines ne donnent pas l’impression d’être intéressées par ce qui leur arrive. Il est aussi étonnant de constater que les raisons de l’apathie des responsables des états africains ne sont pas encore suffisamment connues ou comprises.  L’Afrique ne manque pourtant pas de compétences techniques pour s’engager activement dans le processus. Il existe en Afrique des institutions économiques continentales et régionales fonctionnelles qui pourraient aider les responsables des nations africaines à suivre un meilleur chemin. En outre le grand continent possède  une panoplie d’experts de la société civile facilement disponibles qui peuvent aider les États africains à renforcer leurs débats actuels. La désinvolture des responsables des différentes nations africaines  pourrait-elle être attribuée à une indifférence flagrante à l’égard de leurs affaires ? Serait-ce un cas de mauvais choix de priorités comme le laisse entendre le proverbe africain au sujet de l’homme qui passe son temps à poursuivre les rats pendant que sa maison brûle ?

L’équipe d’AEFJN est naturellement consternée par cette situation et a préparé « une boîte à outils pour les religieux africains » afin qu’ils soient à l’avant-garde de l’éveil des peuples africains.  Les États africains doivent sortir de leur assoupissement général et assumer leurs responsabilités envers leurs citoyens. Ils ne peuvent plus somnoler alors que le scénario de la survie économique de l’Afrique est en jeu. L’Église et les acteurs de la société civile doivent se lever maintenant et secouer énergétiquement les responsables africains endormis. L’Église en Afrique doit compléter les efforts de la société civile et chercher la chèvre noire tant qu’il fait encore jour. L’Église doit tirer parti du respect dont elle jouit en Afrique pour mettre au défi les différents responsables des nations pour qu’ils ouvrent la voie à l’expertise de la société civile. Attention ! N’oublions pas que, lorsqu’il s’agit de prendre des décisions, l’instinct de conservation s’impose avec force malgré  toutes les bonnes intentions. Une fois de plus, l’Église en Afrique a  une occasion en or d’être la voix des sans-voix. Elle  ne doit pas laisser passer cette opportunité et la remettre à plus tard. Aujourd’hui, c’est aujourd’hui ! Celui qui dit « demain », c’est un menteur. (Proverbe Swahili)

Chika Onyejiuwa

AEFJN