En janvier 2012, l’Union africaine a adopté la décision de créer l’accord sur la zone de libre-échange continentale (ZLEC). Cet accord commercial vise à créer un marché unique pour les biens, les services et la libre circulation des personnes et des investissements afin de promouvoir le commerce intra-africain entre 55 pays africains. De plus, cet accord est très intéressant en tant que stratégie pour protéger les pays africains contre les économies développées. Les négociations sur la ZLEC ont été lancées en juin 2015 et parallèlement à cet accord, l’Accord de libre-échange tripartite entre trois régions africaines est en cours de négociation.

Les barrières tarifaires et administratives rigides, connues comme les barrières commerciales entre les différents pays ainsi que les barrières non-commerciales telles que les mesures sanitaires et phytosanitaires, la facilitation des échanges et les droits de propriété intellectuelle et un réseau d’infrastructures pauvre rendent difficile le développement du commerce continental. L’intégration du marché commercial africain ne sera réalisée que s’il y a une augmentation de l’activité industrielle, un plus grand rôle de la chaîne de valeur dans les pays africains et une plus grande sécurité juridique dans les relations commerciales. À cette fin, l’accord vise à éliminer les barrières commerciales, à mettre en œuvre une politique sanitaire et phytosanitaire commune et à permettre la libre circulation des personnes pour des raisons de travail. Comme dans d’autres accords de libre-échange, une deuxième phase de libéralisation qui affecterait les services est attendue.

Le ZLEC suit les mécanismes de mise en œuvre établis par d’autres accords de libre-échange afin d’homogénéiser le commerce, établissant d’une part un ensemble de normes égales entre tous les pays sans discrimination, appelé clause de la nation la plus favorisée (NPF), et d’autre part l’égalité des conditions dans chaque pays entre les entreprises nationales et étrangères, connue comme principe du traitement national.

En dépit du potentiel de cet accord et de la nouvelle vague de libéralisation, il ne contribuera pas à améliorer les économies africaines en raison de la petite taille de leurs économies et du manque de compétitivité de leurs entreprises. Théoriquement, la libéralisation des économies africaines signifierait la mobilité des entreprises et provoquerait une compétitivité qui entraînerait une augmentation de la qualité des biens et une réduction des coûts; seules les entreprises compétitives survivraient à cette libéralisation du marché. Cependant, les conséquences de cet accord commercial seraient les mêmes que celles découlant d’autres accords de libre-échange tels que l’accord de partenariat économique entre l’UE et différentes régions d’Afrique. Les entreprises des pays africains les plus riches seraient imposées à celles des pays les moins développés. Les défenseurs de la libéralisation économique voient dans ce type d’accords les bases d’un développement économique. Les détracteurs soulignent les conséquences négatives de la mondialisation économique telles que la perte d’emplois, la réduction des revenus et un manque de protection des droits des travailleurs / consommateurs, ainsi que l’aggravation des conditions environnementales.

C’est un fait que ce type d’accords favorise la mobilité des entreprises et qu’elles trouveront des facilités d’investissement sur les marchés étrangers. Mais ce qui peut être vu comme une augmentation de l’investissement et de la richesse d’un pays peut devenir un problème pour les pays africains les moins développés puisqu’ils verront comment les entreprises de pays voisins deviendront leurs concurrents et donc des menaces pour leurs entreprises et travailleurs nationaux. La ZLEC doit chercher à réduire les barrières commerciales et faciliter le commerce entre les pays africains. Cependant, une libéralisation comme celle qui aura lieu avec les APE ne peut que devenir une perturbation économique pour les marchés africains. La concurrence déloyale, l’afflux d’entreprises étrangères, la perte de recettes publiques et la perte d’emplois dans les pays les moins favorisés perpétueront la dépendance des pays africains vis-à-vis des économies les plus développées.
Un autre argument en faveur de la ZLEC a été l’amélioration des infrastructures sans préciser comment elles seront construites ou quel sera le capital d’investissement de ces infrastructures. Peu de pays en Afrique ont des infrastructures qui facilitent le commerce national, sans parler du commerce interrégional. Cependant, la ZLEC est invoquée comme si elle était la garantie de la construction d’un réseau de chemins de fer, d’autoroutes et de vols intra-régionaux qui favorisent le commerce intra-régional en Afrique. Le développement des infrastructures ne peut venir que d’investissements extérieurs à l’Afrique et cela entraînerait un endettement plus important des économies africaines.
La coordination plus grande entre les pays africains et la facilitation du commerce en Afrique sont toujours nécessaire et une bonne initiative. La réduction coordonnée et modérée des barrières commerciales dans les régions et les pays d’Afrique est nécessaire pour la diversification de l’industrie et la spécialisation des économies. Il est également nécessaire qu’il y ait un front commun contre les économies qui tentent de tirer parti de leur pouvoir économique sur les pays d’Afrique. Cependant, la plus grande erreur serait de lutter contre les conséquences négatives de la libéralisation du marché des APE avec des mesures de libéralisation plus nombreuses parmi les économies africaines.

L’Afrique possède la plus grande richesse naturelle de la planète et a le potentiel de se développer économiquement sans dépendre des pays développés. C’est pourquoi nous ne défendons pas une ZLEC, à l’image et à la ressemblance des APE, mais nous défendons les traités internationaux africains qui garantissent un protectionnisme modéré des économies africaines qui permet de renforcer les industries nationales; une collaboration au sein des régions qui permet la spécialisation et la diversification de l’industrie en Afrique qui mène à une installation de la chaîne d’approvisionnement en Afrique; une coordination régionale pour faire face à l’invasion d’entreprises non africaines en Afrique; et un soutien de l’intégration intra-régionale du commerce en Afrique.
José Luis Gutiérrez Aranda
« Policy Officer » d’AEFJN