Dans le cadre des activités de suivi qui découlent de notre conférence sur l’accaparement des terres tenue à Nairobi, AEFJN a conclu récemment un partenariat avec d’autres organisations religieuses et des ONG afin d’organiser ensemble une conférence nationale au Nigéria dans le but de sensibiliser sur les conséquences potentielles de l’usage des organismes génétiquement modifiés (OGM) sur la souveraineté alimentaire du pays. La conférence a attiré l’attention sur l’impact négatif très important qu’il aura sur l’agriculture durable, l’environnement, la salubrité des aliments, la biosécurité et l’effet d’entraînement sur le reste de l’Afrique. Ce fut aussi l’occasion de sensibiliser sur les lacunes de la loi récemment adoptée sur la biosécurité au Nigéria et son implication pour ce pays et le reste de l’Afrique.

Le rassemblement d’organisations confessionnelles, d’agriculteurs, de consommateurs, d’universitaires, de jeunes et d’organisations non gouvernementales à Abuja, au Nigeria pour examiner les conséquences critiques de l’usage des OGM pour le Nigéria et l’Afrique; et pour engager des stratégies communes de plaidoyer sous la coordination conjointe du réseau Afrique Foi et Justice (AFJN), de la conférence des évêques catholiques du Nigéria (RCCS), du réseau Afrique-Europe Foi et Justice (AEFJN) et de la Fondation « santé de notre Mère Terre(HOMEF) », était la meilleure façon de répondre à l’économie de mort sans vergogne et sans frein, à but lucratif, qui a été instaurée pour l’Afrique par les sociétés transnationales occidentales. Un  proverbe africain dit que, «quand les araignées unissent leurs toiles, elles peuvent ligoter un lion ».

 

Dans cette veine, AEFJN salue la position récente du Parlement de l’UE affirmant que l’agriculture industrielle n’offre pas de réelle contribution à la souveraineté alimentaire de l’Afrique. Le Parlement reconnaît que l’agriculture industrielle en Europe est depuis le début une erreur monumentale et il met en question les raisons qui poussent le G7 à en faire la base de son programme de sécurité alimentaire pour l’Afrique. Un élément remarquable de la position des parlementaires est leur rejet des OGM et leur demande que le G7 abandonne ses liens avec les OGM. De même, un vote prévu à l’UE pour ré-approuver le composé chimique glyphosate de Monsanto a été annulé en raison du manque de soutien des gouvernements de l’Italie, de la France, de l’Allemagne (pays de Bayer) et des Pays Bas .Nous voyons que ces actions sont en accord avec les principes fondamentaux d’inclusivité, d’équité et de durabilité des Objectifs de développement durable de l’ONU.

Alors que nous nous réjouissons de ces décisions comme de bons développements, nous voulons de toute urgence attirer l’attention sur les plans de fusion de Bayer avec Monsanto comme une exploitation masquée, et un baril de poudre très dangereux. Si leur projet de fusion réussit, il sera catastrophique pour l’agriculture africaine qui dépend des petits exploitants agricoles comme aussi pour la souveraineté alimentaire de l’Afrique. Il apportera, dans son sillage, une destruction accrue de l’écosystème, plus d’accaparement des terres et une escalade des conflits communautaires. Il donnera plus d’impulsion aux catastrophes en mer Méditerranée impliquant des migrants parce que nous aurons une méga-corporation qui va contrôler la chaîne d’approvisionnement alimentaire en Afrique et conduire à l’émasculation de millions. Ce sera la hallmark marque de la voie vers le néo-colonialisme exercé par l’Europe à travers l’utilisation de la biotechnologie occidentale et vers un régime économique capitaliste pour contrôler les ressources africaines, car elle a perdu l’avantage technologique vis-à-vis de la Chine et d’autres pays asiatiques. Selon l’affirmation d’Henry Kessinger « contrôlez la nourriture et vous contrôlez le peuple », la sécurité alimentaire de l’Afrique doit être confisquée par la technologie occidentale pour assurer l’accès aux matières premières à bon marché.

AEFJN est convaincu que la souveraineté alimentaire de l’Afrique réside dans l’investissement intensif dans l’agriculture durable et l’agro-écologie, l’autonomisation des petits exploitants agricoles, la fourniture d’infrastructures rurales, le soutien des gouvernements nationaux africains aux agro-industries pour la transformation des aliments et leur conservation. Voilà pourquoi nous avons eu un choc en prenant connaissance de la loi nigériane sur la biosécurité récemment adoptée. Loin d’être une recette pour l’amélioration du Nigéria par les biotechnologies des sociétés d’agro-industrie, la loi du Nigéria sur la biosécurité ne répond pas à une norme internationale minimale acceptable établie selon le principe de précaution dans la Convention africaine sur la diversité biologique dont le pays fait partie. De même, les protocoles des Nations unies sur les considérations socio-économiques (article 26), comme un élément clé dans les négociations sur la biosécurité et les processus de prise de décision, ont été complètement relégués à l’arrière-plan. Nous jugeons que la loi sape gravement l’intégration continentale et régionale africaine, les droits humains des Nigérians et la souveraineté alimentaire de ce pays. Nous appelons donc sans équivoque le gouvernement national du Nigéria à abroger cette loi. Est-ce que cela veut dire que ce qui n’est pas bon en Europe devient bon une fois arrivé en Afrique? Nous sommes encore à essayer de comprendre pour quelles raisons le gouvernement du Nigéria et d’autres gouvernements nationaux africains accueillent cette science de la mort qui a été interdite en Europe, si ce n’est pour l’enrichissement corrompu de rares élites politiques centrées sur elles-mêmes.

Chika Onyejiuwa, CSSp

Executive Secretary