Si les chefs religieux, les chrétiens, les musulmans et les autres religions ne ressentent pas le besoin particulier de faire quelque chose pour une conscience morale sociale, alors qui formera la conscience sociale dans notre nation.
Lorsque nous, Professionnels catholiques de Tanzanie (CPT), avons déclaré que nous avions besoin d’un mouvement de réveil moral, nous avons obtenu quelques hochements de tête pieux, mais aucun engagement de la part du clergé et des dirigeants laïcs.
Pourquoi ?
- Il existe une forte tendance au matérialisme dans notre société et parmi les personnes éduquées en particulier
- La mentalité du “rien pour rien” s’est installée dans notre société
- Le volontariat et le service ne sont plus des objectifs à atteindre dans la vie.
- La mentalité du “prends soin de toi” est entrée dans la société et, d’une manière particulière, nos jeunes – collaboration, coresponsabilité, solidarité, bien commun – roulent sur des pneus à plat.
- Le fait qu’il y ait aujourd’hui en Tanzanie des classes différentes, des riches et des pauvres, est une réalité factuelle qui ne suscite aucune inquiétude. Il n’y a pas le réflexe spirituel d’indignation que nous devrions avoir en lisant les enseignements de Jésus.
Il n’y a pas de volonté politique et sociale de s’attaquer à ces problèmes sociaux en tant que problèmes prioritaires.
Les services sociaux sont désormais soumis à la capacité économique de notre pays. C’est l’économie qui doit résoudre nos problèmes sociaux.
C’est le capitalisme libéral pur que nous avons épousé. L’Ujamaa est morte. Et aucune larme n’est versée sur sa tombe.
Mais devons-nous en rester là ?
Une réaction s’impose, surtout à l’heure où nous nous préparons à la Vision 2050.
Quels sont les besoins ? Nous accordons ici une attention particulière à notre communauté religieuse – l’Église catholique. Une réflexion similaire devrait être menée pour d’autres groupes religieux.
a) Il y a un grand besoin d’approfondir notre vie spirituelle en tant que communauté. Nous devons nous laisser toucher par l’Esprit de Dieu, reprendre ses priorités telles qu’elles sont révélées dans la Parole de Dieu, et en particulier celles que nous lisons dans l’Évangile de Jésus-Christ.
Cette qualité spirituelle doit nous donner la sensibilité nécessaire pour agir et réagir face à l’injustice et aux situations dégradantes. Nous devons apprendre à réagir en tant que communauté, de manière structurée et organisée, en influençant les politiques publiques, les plans et les réglementations.
Ne pas réagir, c’est laisser les formes de mal, les forces de négligence ou les forces d’abus des autres tenir la société en son pouvoir.
Ce sont des péchés sociaux d’omission pour lesquels le Seigneur jugera son peuple, comme nous le lisons si souvent dans la parole de Dieu et les paroles des prophètes.
b) La doctrine sociale de l’Église n’est pas connue et n’est pas enseignée dans nos grands séminaires, en tout cas pas dans sa totalité. Seules des parties sont abordées dans l’enseignement général de la théologie morale. C’est pourquoi ce sujet n’est pas prêché dans les homélies et les instructions catéchétiques. Il ne peut pas devenir une priorité pastorale.
3) Réfléchir à la dimension sociale de l’Évangile est donc encore une partie inconnue de la vocation chrétienne. Comprendre que nous devons sanctifier la vie publique et les affaires publiques est considéré comme faire de la politique et ne fait pas partie de notre vocation chrétienne.
4) Mwalimu Nyerere avait étudié les enseignements sociaux des papes et d’autres chefs spirituels éminents et avait tenté de convaincre ses collègues chrétiens d’assumer leur devoir (par exemple, la conférence aux soeurs de Maryknoll en 1972). Il n’a pas réussi à les convaincre que l’esprit de l’Évangile leur demandait de s’engager dans le socialisme. Par la suite, les dirigeants de l’Église ont soutenu les efforts de la TANU et, plus tard, du CCM, mais il ne s’agissait jamais d’une contribution critique proposant des idées pour améliorer les politiques. Il s’agissait d’un soutien patriotique, mais pas d’une présence critique inspirée par la religion. La séparation de l’Église et de l’État dans les questions politiques et économiques a donc été clairement respectée. Les fidèles ont accepté cette position des dirigeants de l’Église et n’ont pas compris qu’il était de leur devoir d’être présents de manière critique dans les affaires publiques en tant que membres de l’Église.
5) C’est pourquoi nous, CPT, avons rédigé un document appelant l’Eglise à reprendre l’enseignement social comme une force motivante, pour aider nos chrétiens à lutter contre la pauvreté, en encourageant les initiatives locales et en accompagnant ces initiatives par l’effort des catéchistes locaux, des enseignants locaux, des leaders laïcs locaux (voir : Une invitation pour un nouveau rôle de l’Eglise dans la vie publique de la Tanzanie – 3/12/2023).
Nous sommes convaincus que nous ne parviendrons jamais à éradiquer la pauvreté qui nous entoure si nous n’abordons pas de manière organisée et structurée l’approche ascendante, à savoir permettre aux personnes pauvres et sans grandes possibilités, aux petits agriculteurs et aux personnes du secteur informel d’améliorer leurs conditions de vie et d’obtenir davantage de revenus.
Dans cet article, nous décrivons ce que nous avons essayé, en tant que CPT, d’enseigner à nos communautés ecclésiales et à notre société civile, et comment contribuer au développement de la société et à l’éradication de la pauvreté de bas en haut. Nous apprécions les efforts déployés par le gouvernement actuel pour favoriser le développement, en particulier par le biais d’investissements importants dans les infrastructures et d’une collaboration étroite avec les partenaires commerciaux et les organisations internationales. Cela apportera certainement du développement, mais cela ne permettra pas d’éradiquer la pauvreté avant longtemps.
C’est pourquoi nous appelons l’Église à devenir un agent et un animateur du développement des personnes à faible revenu.
Fr. Victor Missiaen, M.Afr.
Dar es Salaam, Tanzanie